La compensation

Les techniques

La compensation est une manœuvre instinctive volontaire : volontaire parce que nous accomplissons consciemment des actions, instinctive parce que nous n'avons pas appris ce que nous faisons. C'est la nature qui nous assigne notre technique.

Pour compenser, l'air doit être déplacé vers l'oreille moyenne. Les différentes manœuvres compensatoires utilisent des principes différents.

Valsalva (de Antonio Maria Valsalva, médecin italien du XVIIe-XVIIIe s., qui concentra ses recherches sur l'anatomie de l'oreille et inventa le terme de "trompe d'Eustache")

Frenzel (de Hermann Frenzel, médecin et commandant de la Luftwaffe, qui développa et enseigna à partir de 1938 cette technique aux pilotes de bombardiers en piqué)

Béance tubaire volontaire

On pensait autrefois que c'était la manœuvre la plus courante et la plus naturelle. Il s'agit d'une manœuvre de pression dans laquelle l'air est "poussé" avec force dans les trompes par un effort expiratoire.

C'est une manœuvre de pression, réalisée glotte ouverte, narines fermées. Les trompes fonctionnent statiquement.

C'est la manœuvre de compensation la plus courante et la plus naturelle. L'air n'est pas poussé directement des poumons mais par la langue qui agit comme un "piston".

Cette manoeuvre utilise à la fois la motricité et la pression, réalisée glotte et narines fermées, palais mou en position neutre. Les trompes fonctionnent dynamiquement.

Éric Fattah, un apnéiste canadien, a développé à partir des années 2000 la méthode bouche pleine, qui permet de compenser jusqu'à des grandes profondeurs.

C'est une manœuvre motrice, qui peut être réalisée à glotte fermée ou ouverte, avec les narines ouvertes. Elle nécessite de savoir utiliser le palais mou quelle que soit la position de la langue. Les trompes fonctionnent activement.

Les portes

Principe

Lorsque nous sommes la tête en bas, l'air a tendance à retourner dans les poumons. Pour compenser en utilisant des techniques avancées, vous serez capable de gérer ces accès de manière consciente, synchrone et asynchrone.

Les portes qui séparent les espaces peuvent être des "portes dynamiques" ou des "portes statiques". La prise de conscience des mouvements volontaires possibles vous permettra un contrôle moteur total des portes "dynamiques".

Portes dynamiques Portes statiques

Palais mou, glotte, lèvres, trompes d'Eustache

Narines

Exercices

Travaillez, au départ, face à un miroir pour voir les mouvements et les positions. Travaillez quatre fois cinq minutes par jour.

1. La glotte : Expirer ; fermer la glotte ; faire descendre et monter le diaphragme. Vous devez sentir le creux entre les deux clavicules qui résulte de la dépression qui se produit dans la cage thoracique. C'est la condition de départ (CD).

2. Le voile du palais : Placer l'Otovent avec un ballon gonflé sur une narine et maintenir l'autre bouchée ; dire "Babbo… Babbo… Babbo… Babbo… Babbo" 10/15 fois ; l'otovent ne doit pas se dégonfler.

3. Le voile du palais : Placer l'Otovent avec un ballon gonflé sur une narine et maintenir l'autre bouchée ; respirer par la bouche, sans émettre des sons, en gardant l’Otovent gonflé.

4. Le voile du palais : Placer l'Otovent avec un ballon gonflé sur une narine et maintenir l'autre bouchée ; ouvrir grande la bouche ; ouvrir et refermer plusieurs fois le voile du palais en maintenant l’apnée. Le ballon doit, quand vous ouvrez le palais mou, se dégonfler.

5. Le voile du palais et la glotte : Expirer ; fermer la glotte ; baisser la langue ; placer l'Otovent gonflé sur les lèvres ; ouvrir et fermer le voile du palais pour faire passer l'air par le nez ; ouvrir et fermer la glotte pour faire passer l'air dans les poumons.

Les espaces

Principe

Pour déplacer l'air, il faut une différence de pression, et pour obtenir cette variation de pression, un espace doit pouvoir varier son volume. Nous définirons "Espaces dynamiques" les espaces qui peuvent changer leur volume et "Espaces statiques" les espaces qui ne peuvent pas changer leur volume.

Espaces dynamiques Espaces statiques

Poumons, bouche

Masque, oreille moyenne, fosses nasales, trachée

Exercices

Travaillez, au départ, face à un miroir pour voir les mouvements et les positions. Travaillez quatre fois cinq minutes par jour.

1. Le placement initial de la langue : Expirer ; fermer la glotte ; placer la pointe de la langue posée contre les incisives inférieures (elle doit y rester) ; descendre la base de la langue (le luette doit être visible) puis monter la base de la langue contre le voile du palais.

2. La compensation avec la mâchoire.

a. Expirer ; fermer la glotte ; baisser la langue ; placer les lèvres en "o" ou serrer une paille ou un petit morceau de tuyau entre les lèvres ; en écartant et en serrant les mandibules, faire entrer et sortir l'air. La langue ne doit pas bouger : on le voit au mouvement de la partie sous le menton, et de la pomme d'Adam.

b. Même exercice avec un Otovent : Placer l'Otovent avec un ballon gonflé sur une narine et maintenir l'autre bouchée ; on doit pouvoir faire circuler l'air de la bouche vers le ballon et du ballon vers la bouche pour le gonfler et le dégonfler.

3. La compensation avec les joues.

a. Expirer ; fermer la glotte ; baisser la langue ; ouvrir largement la mâchoire ; fermer les lèvres pour emprisonner l'air ; les joues doivent être gonflées ; tirer les commissures des lèvres vers l'extérieur ; l'air doit sortir par la bouche. La langue ne doit pas bouger : on le voit au mouvement de la partie sous le menton, et de la pomme d'Adam.

b. Même exercice avec un Otovent : Placer l'Otovent avec un ballon gonflé sur une narine et maintenir l'autre bouchée ; on doit pouvoir faire circuler l'air de la bouche vers le ballon et du ballon vers la bouche pour le gonfler et le dégonfler.

4. La compensation avec la langue.

a. Expirer ; fermer la glotte ; baisser la langue ; serrer une paille ou un petit morceau de tuyau entre les lèvres ; en levant ou en baissant la langue, faire entrer et sortir l'air.

b. Même exercice avec un Otovent : Placer l'Otovent avec un ballon gonflé sur une narine et maintenir l'autre bouchée ; on doit pouvoir faire circuler l'air de la bouche vers le ballon et du ballon vers la bouche pour le gonfler et le dégonfler.

5. Le séquençage : Placer l'Otovent avec un ballon gonflé sur une narine et maintenir l'autre bouchée ; remplir la bouche en ouvrant le voile du palais, baissant la langue, laissant les joues se gonfler, puis abaissant la machoire -on commencera par enchainer deux des trois étapes, puis les trois- ; faire repasser l'air dans le ballon, en utilisant la machoire, les joues, puis la langue ; et ainsi de suite.

Les verrous

Pour remplir la bouche d'air, la langue peut se placer en différentes positions, que les apnéistes qualifient de verrous ("lock"), parce qu'elles permettent de fermer l'espace aérien de la bouche. Ces positions correspondent à l'articulation des consonnes sourdes : "p", "t", "k". Ces consonnes, sourdes, se prononcent sans passage d'air par les cordes vocales, sans voyelle.

Pour charger, c'est-à-dire remplir les espaces aériens de l'oropharynx et/ou du rhinopharynx, il faut faire venir de l'air des poumons à travers les cordes vocales. On articule donc une voyelle ; les consonnes sourdes deviennent sonores. On passe donc des verrous "p", "t", "k" aux charges "b", "d", "g" (voile du palais fermé) ou "m", "n" (voile du palais ouvert).

Le verrou "p"

Charge en "b" Charge en "m"

Vocaliser le son "b" ; la langue doit être en position "p" ; l'air doit remplir l'espace aérien de l'oropharynx ; quand cet espace est plein, la phonation s'arrête ; maintenir la charge de 3 à 5 secondes. La langue doit être baissée (zone sous le menton gonflée et pomme d'Adam abaissée), la machoire ouverte, les joues gonflées, les lèvres fermées.

Vocaliser le son "m" ; la langue doit être en position "p" ; fermer les narines ; l'air doit remplir l'espace aérien de l'oropharynx et du rhinopharynx ; quand cet espace est plein, la phonation s'arrête ; maintenir la charge de 5 à 10 secondes. La langue doit être baissée (zone sous le menton gonflée et pomme d'Adam abaissée), la machoire ouverte, les joues gonflées, les lèvres fermées.

Voile du palais fermé : à utiliser quand on a un masque Voile du palais ouvert : à utiliser quand on a un pince-nez

Effectuer une expiration passive suivie d'une expiration active ; placer l'Otovent avec un ballon vide sur une narine et maintenir l'autre bouchée ; prononcer la consonne "b" pour charger les espaces aériens supérieurs ; fermer la glotte ; maintenir la charge ; ouvrir le palais mou ; faire passer l'air dans le ballon, en utilisant la machoire, les joues, puis la langue ; répéter. C'est la manoeuvre de Mana.

Le verrou "t"

Charge en "d" Charge en "n"

Vocaliser le son "d" ; la langue doit être en position "t" ; l'air doit remplir l'espace aérien de l'oropharynx ; quand cet espace est plein, la phonation s'arrête ; maintenir la charge de 3 à 5 secondes. La langue doit être baissée (zone sous le menton gonflée et pomme d'Adam abaissée), la machoire ouverte, les joues gonflées, les lèvres peuvent être ouvertes.

Vocaliser le son "n" ; la langue doit être en position "t" ; l'air doit remplir l'espace aérien de l'oropharynx et du rhinopharynx ; quand cet espace est plein, la phonation s'arrête ; maintenir la charge de 3 à 5 secondes. La langue doit être baissée (zone sous le menton gonflée et pomme d'Adam abaissée), la machoire ouverte, les joues gonflées, les lèvres peuvent être ouvertes.

Voile du palais fermé : à utiliser quand on a un masque Voile du palais ouvert : à utiliser quand on a un pince-nez

Portes, verrous et espaces

Placer l'Ototube sur une narine et maintenir l'autre bouchée ; remplir la bouche en ouvrant la glotte, baissant la langue, laissant les joues se gonfler, puis abaissant la machoire -on commencera par enchainer deux des trois étapes, puis les trois- ; compenser en fermant la glotte, ouvrant le voile du palais, en utilisant la machoire, les joues, puis la langue. Faire plusieurs charges à la suite.

La carpe inversée

Avec la machoire :

Avec la langue :

Fondamentaux

À la descente, le tympan est fortement sollicité par

Pour rétablir l'équilibre, trois méthodes existent :

La méthode Frenzel

Se pincer la base du nez pour faire l'étanchéité des narines tout en laissant les ailes du nez libres. Faire la consonne vélaire [t] : la langue se plaque naturellement contre les dents et crée une sorte de piston. Accentuer le mouvement de façon à voir les ailes du nez se gonfler quand on articule la consonne.

Problèmes et remédiations

Problème Remédiation

Une oreille ne passe pas.

Essayer l'autre main.

Le voile du palais reste fermé.

Si le masque est en dépression, il va "aspirer" le voile du palais et rendre la compensation impossible. Il faut soit compenser le masque soit plonger sans masque.

Pratiquer des exercices pour acquérir le contrôle volontaire du voile du palais : passage du son [b] (voile ouvert) au son [m] (voile fermé) ; placer un Otovent, ballon gonflé, sur une narine, boucher l'autre narine, ouvrir ou fermer le voile à volonté (le ballon se dégonfle ou reste gonflé) ; placer un Otovent, ballon gonflé, sur les lèvres, ouvrir ou fermer le voile à volonté (le ballon se dégonfle ou reste gonflé et l'air sort par les narines).

Arrivé à 35m, la méthode Frenzel ne suffit plus.

La carpe inversée et le mouthfill permettent de prolonger la compensation. Le mouthfill c'est un mouvement expiratoire. La carpe inversé c'est une dépression causée soit par la base de la langue soit par la mâchoire.

Pour faire un mouthfill, on doit charger la bouche, c'est-à-dire remplir la bouche d'un volume d'air. Quand on charge, la langue doit être en position basse (de façon à produire le son [a], la région submandibulaire est gonflée) et non en position haute (de façon à produire le son [i], la région submandibulaire est plate).

L'air chargé repasse par la glotte.

Faire pratiquer des exercices pour acquérir le contrôle volontaire des cordes vocales de façon à fermer la glotte. Ballon gonflé, orifice sur une narine, on peut comprimer l'air avec un mouvement de mâchoire, des joues, de la langue.

Le volume d'air est, au fil de la descente, de plus en plus réduit.

La langue doit être successivement placée en [t], [d], [n], [k].

Formation Mana