Comique

En un sens premier, est comique ce qui appartient au théâtre ( comédie ayant été longtemps employé pour signifier "pièce de théâtre" en général: d'où le titre d'Illusion comique donné à une pièce de Corneille ( 1636 ) montrant le flou des frontières entre la réalité et la fiction dramatique ). Est également comique - et ce sens est devenu le plus courant - tout ce qui cause le rire. Le terme est alors synonyme de ridicule et de risible. Mais la source du rire peut se trouver dans le sujet ou dans la forme ( une matière sérieuse, voire triste, traitée de façon risible ). Aussi, au sens large, le comique est le registre qui concerne les formes du rire, les manifestations de la prise de distance que celui-ci implique.

Le dictionnaire du littéraire, coll. Dicos poche, éd. Quadrige / PUF, 2002

1. Vie et mort du comique

Le comique est historiquement daté et socialement diversifié. Ainsi les types comiques disparaissent avec les sociétés qui leur ont donné naissance ( le parasite de la comédie antique a disparu, comme la nourrice et la maquerelle ); jeux de mots et situations se démodent. En un même moment donné de l'histoire, les effets du comique ne sont pas toujours garantis; tout ne fait pas toujours rire tout le monde. Les moyens et les effets du comique varient selon le public auquel les oeuvres s'adressent, son goût, son éducation, son niveau social. En outre, le genre lui-même a son importance. Ainsi, au théâtre, à chaque salle peut correspondre un type particulier de comique, et, par exemple, au XVIIIe s., les mêmes personnes qui se seraient offusquées de la moindre plaisanterie équivoque à la Comédie-Française allaient rire à gorge déployée aux parades grossières de la Foire.

Le dictionnaire du littéraire, coll. Dicos poche, éd. Quadrige / PUF, 2002

2. Les différentes formes de comique

La diversité des formes et significations du comique a donné lieu à des essais multiples de typologie et d'interprétation. Une typologie usuelle et commode se fonde sur les moyens utilisés: comique de situation, comique de caractère, comique de mots, comique de gestes. Plus fondamentalement, il est aussi possible d'établir une classification selon l'intention de l'auteur, ou plus exactement selon les effets visés, donc en prenant pour objet le registre comique.

Le dictionnaire du littéraire, coll. Dicos poche, éd. Quadrige / PUF, 2002

"Haut comique ou comique noble", Celui qui est fondé sur des plaisanteries fines et délicates. || "Bas comique", Celui qui amuse par des moyens bas et grossiers. || "Comique bourgeois", Celui qui résulte de la peinture des moeurs bourgeoises. || "Comique de caractère", Celui qui est produit par le développement d'un caractère. || "Comique de situation", Celui qui résulte des situations dans lesquelles se trouvent les personnages. || "Comique de mots", Celui qui est dû au choc imprévu des mots, à leur choix, ou à leur emploi bizarre et inattendu.

Larousse du XXe siècle, article "comique",1929

2.1. Principes généraux

Il n'y a pas de comique en dehors de ce qui est proprement humain. Un paysage pourra être beau, gracieux, sublime, insignifiant ou laid; il ne sera jamais risible. On rira d'un animal, mais parce qu'on aura surpris chez lui une attitude d'homme ou une expression humaine.

Signalons maintenant l'insensibilité qui accompagne d'ordinaire le rire. Il semble que le comique ne puisse produire son ébranlement qu'à la condition de tomber sur une surface d'âme bien calme, bien unie. L'indifférence est son milieu naturel. Le rire n'a pas de plus grand ennemi que l'émotion. Le comique exige donc enfin, pour produire tout son effet, quelque chose comme une anesthésie momentanée du coeur. Il s'adresse à l'intelligence pure.

Seulement, cette intelligence doit rester en contact avec d'autres intelligences. On ne goûterait pas le comique si l'on se sentait isolé. Il semble que le rire ait besoin d'un écho. Notre rire est toujours le rire d'un groupe.

H. bergson, Le Rire, Quadrige / PUF, 1940

2.2. Le comique de gestes et de formes

Les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l'exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique.

Est comique tout incident qui appelle notre attention sur le physique d'une personne alors que le moral est en cause.

Nous rirons toutes les fois qu'une personne nous donne l'impression d'une chose.

H. bergson, Le Rire, Quadrige / PUF, 1940

2.3. Le comique de situation

Est comique tout arrangement d'actes et d'évènements qui nous donne, insérées l'une dans l'autre, l'illusion de la vie et la sensation nette d'un agencement mécanique. Dans une répétition comique de mots il y a généralement deux termes en présence, un sentiment comprimé qui se détend comme un ressort, et une idée qui s'amuse à comprimer de nouveau le sentiment.

H. bergson, Le Rire, Quadrige / PUF, 1940

2.3.1. La répétition

Il ne s'agit plus d'un mot ou d'une phrase qu'un personnage répète, mais d'une situation, c'est-à-dire d'une combinaison de circonstances, qui revient telle quelle à plusieurs reprises, tranchant ainsi sur le cours changeant de la vie.

H. bergson, Le Rire, Quadrige / PUF, 1940

2.3.2. L'inversion

Imaginez certains personnages dans une certaine situation: vous obtiendrez une scène comique en faisant que la situation se retourne et que les rôles soient intervertis. Mais il n'est même pas nécessaire que les deux scènes symétriques soient jouées sous nos yeux. On peut ne nous en montrer qu'une, pourvu qu'on soit sûr que nous pensons à l'autre. C'est ainsi que nous rions du prévenu qui fait de la morale au juge, de l'enfant qui prétend donner des leçons à ses parents, enfin de ce qui vient se classer sous la rubrique du "monde renversé".

H. bergson, Le Rire, Quadrige / PUF, 1940

2.3.3. L'interférence des séries

Une situation est toujours comique quand elle appartient en même temps à deux séries d'évènements absolument indépendantes, et qu'elle peut s'interpréter à la fois dans deux sens tout différents.

On pensera aussitôt au quiproquo. Et le quiproquo est bien en effet une situation qui présente en même temps deux sens différents, l'un simplement possible, celui que les acteurs lui prêtent, l'autre réel, celui que le public lui donne.

H. bergson, Le Rire, Quadrige / PUF, 1940

2.4. Le comique de mots

Il faut distinguer entre le comique que le langage exprime et le comique que le langage crée. Le premier pourrait, à la rigueur, se traduire d'une langue dans une autre, quitte à perdre la plus grande partie de son relief en passant dans une société nouvelle, autre par ses moeurs, par sa littérature, et surtout par ses associations d'idées. Mais le second est généralement intraduisible. Il doit ce qu'il est à la structure ou au choix des mots. Il ne constate pas, à l'aide du langage, certaines distractions particulières des hommes et des évènements. Il souligne les distractions du langage lui-même. C'est le langage lui-même, ici, qui devient comique.

Nous avons montré que des "séries d'évènements" pouvaient devenir comiques soit par répétition, soit par inversion, soit par interférence. Il est en de même des séries de mots.

H. bergson, Le Rire, Quadrige / PUF, 1940

2.5. Le comique de caractère

Un caractère peut être bon ou mauvais, peu importe: s'il est insociable, il pourra devenir comique. Nous voyons maintenant que la gravité du cas n'importe pas davantage: grave ou léger, il pourra nous faire rire si l'on s'arrange pour que nous n'en soyons pas émus. Insociabilité du personnage, insensibilité du spectateur, voilà, en somme, les deux conditions essentielles. Il y en a une troisième, impliquée dans les deux autres. C'est l'automatisme.

En un certain sens, on pourrait dire que tout caractère est comique, à la condition d'entendre par caractère ce qu'il y a de tout fait dans notre personne, ce qui est en nous à l'état de mécanisme une fois monté, capabe de fonctionner automatiquement.

H. bergson, Le Rire, Quadrige / PUF, 1940