La Princesse de Montpensier

Quelques exposés possibles

- le jansénisme

- les grands romans au XVIIème siècle : l'Astrée, la Clélie, Zaïde

- La Rochefoucauld, les Maximes

- la préciosité

Séance 01

Littérature et langages de l'image

Observation

Qu'est-ce que ces illustrations nous suggèrent sur l'histoire de la princesse de Montpensier ?

Pistes

Repère : les différentes éditions de la Princesse de Montpensier

Prolongement

Vous vous documenterez sur Mme de Lafayette : sa biographie, ses amis, ses oeuvres.

Couverture de l'édition Pocket.

Couverture de l'édition GF.

Couverture de l'édition Librio.

Affiche du film de Bertrand Tavernier, La Princesse de Montpensier, 2010.

Séance 02

L'amour et la guerre

Explication

Qu'est-ce qui vous paraît intéressant dans cet incipit ?

Pistes

Repère : L'Astrée, Clélie, Zaïde - le roman au XVIIème siècle

Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l'amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres, et d'en causer beaucoup dans son empire. La fille unique du marquis de Mézières, héritière très considérable et par ses grands biens et par l'illustre maison d'Anjou, dont elle était descendue, était accordée au duc du Maine, cadet du duc de Guise, que l'on a depuis appelé le Balafré. Ils étaient tous deux dans une extrême jeunesse et le duc de Guise, voyant souvent cette prétendue belle-soeur, en qui paraissaient déjà les commencements d'une grande beauté, en devint amoureux et en fut aimé.

Ils cachèrent leur intelligence avec beaucoup de soin, et le duc de Guise, qui n'avait pas encore autant d'ambition qu'il en eut depuis, souhaitait ardemment de l'épouser ; mais la crainte du cardinal de Lorraine, qui lui tenait lieu de père, l'empêchait de se déclarer.

Les choses étaient en cet état lorsque la maison de Bourbon, qui ne pouvait voir qu'avec envie l'élévation de celle de Guise, s'apercevant de l'avantage qu'elle recevrait de ce mariage, se résolut de le lui ôter et de se le procurer à elle-même, en faisant épouser cette grande héritière au jeune prince de Montpensier, que l'on appelait parfois le prince dauphin.

L'on travailla à cette affaire avec tant de succès que les parents, contre les promesses qu'ils avaient données au cardinal de Guise, se résolurent de donner leur nièce au prince de Montpensier. Ce procédé surprit extrêmement toute la maison de Guise, mais le duc en fut accablé de douleur, et l'intérêt de son amour lui fit recevoir ce changement comme un affront insupportable.

Son ressentiment éclata bientôt malgré les réprimandes du cardinal de Lorraine et du duc d'Aumale, ses oncles, qui ne voulaient pas s'opiniâtrer à une chose qu'ils voyaient ne pouvoir empêcher. Il s'emporta avec tant de violence, même en présence du jeune prince de Montpensier, qu'il en naquit entre eux une haine qui ne finit qu'avec leur vie.

Mlle de Mézières, tourmentée par ses parents, voyant qu'elle ne pouvait épouser le duc de Guise et connaissant par sa vertu qu'il était dangereux d'avoir pour beau-frère un homme qu'elle souhaitait pour mari, se résolut enfin d'obéir à ses parents et conjura M. de Guise de ne plus apporter d'opposition à son mariage. Elle épousa donc le jeune prince de Montpensier qui, peu de temps après, l'emmena à Champigny, séjour ordinaire des princes de sa maison, pour l'ôter de Paris, où apparemment tout l'effort de la guerre allait tomber.

Cette grande ville était menacée d'un siège par l'armée des huguenots, dont le prince de Condé était le chef, et qui venait prendre les armes contre le roi pour la seconde fois.

Le prince de Montpensier, dans sa plus grande jeunesse, avait fait une amitié très-particulière avec le comte de Chabannes, et ce comte, quoique d'un âge beaucoup plus avancé, avait été si sensible à l'estime et à la confiance de ce prince, que, contre tous ses propres intérêts, il abandonna le parti des huguenots, ne pouvant se résoudre à être opposé en quelque chose à un homme qui lui était si cher.

Mme de Lafayette, La Princesse de Montpensier, 1662.

Trame

I. Cet incipit relève clairement d'une nouvelle historique : on est proche de la chronique

1. Le narrateur insère dans son récit de nombreuses références aux lieux, aux évènements et aux personnages de l'Histoire.

2. Le narrateur ne s'implique pas dans un récit qui reste neutre et sommaire.

3. Le narrateur mêle la grande et la petite histoire : histoire publique, histoire privée se croisent.

II. Cet incipit nous propose également des personnages d'exception qui relèvent du romanesque

1. Beaucoup de personnages sont très jeunes, aux prises avec leurs passions.

2. La Princesse de Montpensier a une place particulière dans cet incipit.

3. Le comte de Chabannes s'oppose nettement à tous les autres.

Séance 03

Les désordres de la guerre

Observation

Soit le film, de 0'40 à 05'50.

1. Comment le champ de bataille est-il montré au spectateur ?

2. En quoi les deux scènes de combats sont-elles très différentes, aussi bien au niveau de l'image que du son ?

3. Où se battent Nicolas et Chabannes ? Contre quels adversaires ? Qu'est-ce que cela peut symboliser ?

4. Quelles thématiques se dessinent dans le générique ?

Pistes

Notion : les guerres de religion

Prolongement

Comparez l'incipit de la nouvelle de Mme de Lafayette avec le début du film de Bertrand Tavernier.

Vous ferez trois paragraphes argumentés.

Chaque paragraphe comportera des références précises aux deux œuvres.

Document A
Document B

Je veux peindre la France une mère affligée,

Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée.

Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts

Des tétins nourriciers ; puis, à force de coups

D'ongles, de poings, de pieds, il brise le partage

Dont nature donnait à son besson l'usage ;

Ce voleur acharné, cet Esaü malheureux,

Fait dégât du doux lait qui doit nourrir les deux,

Si que, pour arracher à son frère la vie,

Il méprise la sienne et n'en a plus d'envie.

Mais son Jacob, pressé d'avoir jeûné meshui,

Ayant dompté longtemps en son cœur son ennui,

À la fin se défend, et sa juste colère

Rend à l'autre un combat dont le champ et la mère.

Ni les soupirs ardents, les pitoyables cris,

Ni les pleurs réchauffés ne calment leurs esprits ;

Mais leur rage les guide et leur poison les trouble,

Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble.

Leur conflit se rallume et fait si furieux

Que d'un gauche malheur ils se crèvent les yeux.

Cette femme éplorée, en sa douleur plus forte,

Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ;

Elle voit les mutins tout déchirés, sanglants,

Qui, ainsi que du cœur, des mains se vont cherchant.

Quand, pressant à son sein d'une amour maternelle

Celui qui a le droit et la juste querelle,

Elle veut le sauver, l'autre qui n'est pas las

Viole en poursuivant l'asile de ses bras.

Adonc se perd le lait, le suc de sa poitrine ;

Puis, aux derniers abois de sa proche ruine,

Elle dit : "Vous avez, félons, ensanglanté

Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ;

Or vivez de venin, sanglante géniture,

Je n'ai plus que du sang pour votre nourriture !"

Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques, I, Misères, v.97-130.

Séance 04

La dame sur la rivière

Lecture

1. En quoi peut-on parler, pour cette scène, d'"une chose de roman" ?

2. Comment le désir amoureux est-il représenté dans cet extrait ?

Pistes

Notion : La préciosité

Contrôle de lecture : la nouvelle de Mme de La Fayette

Un jour qu'il revenait à Loches par un chemin peu connu de ceux de sa suite, le duc de Guise, qui se vantait de le savoir, se mit à la tête de la troupe pour lui servir de guide ; mais, après avoir marché quelque temps, il s'égara et se trouva sur le bord d'une petite rivière qu'il ne reconnut pas lui-même. Toute la troupe fit la guerre au duc de Guise de les avoir si mal conduits, et, étant arrêtés en ce lieu, aussi disposés à la joie qu'ont accoutumé de l'être de jeunes princes, ils aperçurent un petit bateau qui était arrêté au milieu de la rivière, et, comme elle n'était pas large, ils distinguèrent aisément dans ce bateau trois ou quatre femmes, et une entre autres qui leur parut fort belle, habillée magnifiquement, et qui regardait avec attention deux hommes qui pêchaient auprès d'elles. Cette aventure donna une nouvelle joie à ces jeunes princes et à tous ceux de leur suite : elle leur parut une chose de roman. Les uns disaient au duc de Guise qu'il les avait égarés exprès pour leur faire voir cette belle personne, les autres qu'après ce qu'avait fait le hasard, il fallait qu'il en devînt amoureux, et le duc d'Anjou soutenait que c'était lui qui devait être son amant. Enfin, voulant pousser l'aventure au bout, ils firent avancer de leurs gens à cheval le plus avant qu'il se put dans la rivière, pour crier à cette dame que c'était monsieur le duc d'Anjou qui eût bien voulu passer de l'autre côté de l'eau, et qui priait qu'on le vînt prendre. Cette dame, qui était Mme de Montpensier, entendant nommer le duc d'Anjou et ne doutant point à la quantité des gens qu'elle voyait au bord de l'eau que ce ne fût lui, fit avancer son bateau pour aller de l'autre côté où il était. Sa bonne mine le lui fit bientôt distinguer des autres quoiqu'elle ne l'eût quasi jamais vu, mais elle distingua encore plutôt le duc de Guise. Sa vue lui apporta un trouble qui la fit un peu rougir et qui la fit paraître aux yeux de ces princes dans une beauté qu'ils crurent surnaturelle. Le duc de Guise la reconnut d'abord, malgré le changement avantageux qui s'était fait en elle depuis les trois années qu'il ne l'avait pas vue. Il dit au duc d'Anjou qui elle était, qui fut honteux d'abord de la liberté qu'il avait prise, mais, voyant Mme de Montpensier si belle, et cette aventure lui plaisant si fort, il se résolut de l'achever, et, après mille excuses et mille compliments, il inventa une affaire considérable, qu'il disait avoir au-delà de la rivière, et accepta l'offre qu'elle lui fit de le passer dans son bateau. Il y entra seul avec le duc de Guise, donnant ordre à tous ceux qui les suivaient d'aller passer la rivière à un autre endroit, et de les venir joindre à Champigny, que Mme de Montpensier leur dit qui n'était qu'à deux lieues de là. Sitôt qu'ils furent dans le bateau, le duc d'Anjou lui demanda à quoi ils devaient une si agréable rencontre et ce qu'elle faisait au milieu de la rivière. Elle lui apprit qu'étant partie de Champigny avec le prince son mari dans le dessein de le suivre à la chasse, elle s'était trouvée trop lasse et était venue sur le bord de la rivière où la curiosité d'aller voir prendre un saumon qui avait donné dans un filet l'avait fait entrer dans ce bateau.

M. de Guise ne se mêlait point dans la conversation, et sentant réveiller dans son cœur si vivement tout ce que cette princesse y avait autrefois fait naître, il pensait en lui-même qu'il pourrait demeurer aussi bien pris dans les liens de cette belle princesse que le saumon y était dans les filets du pêcheur. Ils arrivèrent bientôt au bord, où ils trouvèrent les chevaux et les écuyers de Mme de Montpensier, qui l'attendaient. Le duc d'Anjou lui aida à monter à cheval, où elle se tenait avec une grâce admirable, et ces deux princes ayant pris des chevaux de main que conduisaient des pages de cette princesse, ils prirent le chemin de Champigny où elle les conduisait. Ils ne furent pas moins surpris des charmes de son esprit qu'ils l'avaient été de sa beauté, et ne purent s'empêcher de lui faire connaître l'étonnement où ils étaient de tous les deux.

Elle répondit à leurs louanges avec toute la modestie imaginable, mais un peu plus froidement à celles du duc de Guise, voulant garder une fierté qui l'empêchait de fonder aucune espérance sur l'inclination qu'elle avait eue pour lui.

Mme de Lafayette, La Princesse de Montpensier, 1662.

Séance 05

Galerie de portraits

Recherche

François de Montpensier, La Reine de Navarre, Mlle de Noirmoutiers, le Cardinal de Lorraine, Renée d'Anjou, Charles IX, Mlle de Mézières, M. de Condé, Henri de Guise, la Duchesse de Montpensier, le Duc du Maine, le Prince Dauphin, Henri III, le Balafré, Henri D'Anjou, La Reine, Marguerite de Valois, la Princesse de Montpensier, Catherine de Médicis, Mlle de Guise.

Pistes

1. Classez ces différents personnages selon la famille à laquelle ils appartiennent ou appartiendront par le mariage. ATTENTION : Certains, par le jeu du mariage, peuvent appartenir à deux familles. Plusieurs personnages ont deux noms...

BOURBON GUISE MÉDICIS

2. Par deux, choisissez un personnage et rédigez-en une notice biographique en vous appuyant sur le roman. Vous préciserez : les moments importants de son histoire, mais aussi les multiples aspects de sa personnalité.

Le prince de Montpensier

Le duc de Guise

Le duc d'Anjou

Le comte de Chabannes

Votre présentation inclura au moins quatre citations du roman.

Citations

1. Lisez les citations suivantes. Quand le personnage n'est pas indiqué, retrouvez de qui il est question : Anjou, Chabannes, Guise ou Montpensier.

2. Quel portrait se dessine ainsi de chaque personnage ?

1. "Son ressentiment éclata bientôt".

2. "Il fallut céder et l'aimer de la plus violente et de la plus sincère passion qui fut jamais. S'il ne fut pas maître de son cœur, il le fut de ses actions."

3. "Ce fut dans cette guerre que le duc de Guise commença à avoir des emplois considérables et à faire connaître qu'il passait de beaucoup les grandes espérances qu'on avait conçues de lui", "Le duc de Guise s'y jeta pour la défendre, et il y fit des actions qui suffiraient seules pour rendre glorieuse une autre vie que la sienne."

4. "Le duc d'Anjou, qui était fort galant et fort bien fait, ne put voir une fortune si digne de lui sans la souhaiter ardemment."

5. "Il en conçut dès ce moment une jalousie furieuse, qui le fit ressouvenir de l'emportement qu'il avait témoigné lors de son mariage... Le chagrin que tous ses soupçons lui causèrent donna de mauvaises heures à la princesse de Montpensier... La princesse de Montpensier trouva, le soir, dans l'esprit de son mari tout le chagrin imaginable. Il s'emporta contre elle avec des violences épouvantables, et lui défendit de parler jamais au duc de Guise."

6. "Le duc d'Anjou, après avoir pris Saint-Jean-d'Angely, tomba malade, et quitta en même temps l'armée, soit par la violence de son mal, soit par l'envie qu'il avait de revenir goûter le repos et les douceurs de Paris, où la présence de la princesse de Montpensier n'était pas la moindre raison qui l'attirât."

7. "Le duc d'Anjou, de son côté, n'oubliait rien pour lui témoigner son amour en tous les lieux où il la pouvait voir, et il la suivait continuellement chez la reine sa mère."

8. "La jalousie, le dépit et la rage, se joignant à la haine qu'il avait déjà pour lui, firent dans son âme tout ce qu'on peut imaginer de plus violent, et il eût donné sur l'heure quelque marque sanglante de son désespoir, si la dissimulation, qui lui était naturelle, ne fût venue à son secours"

9. "Le duc d'Anjou, qui était effectivement touché d'amour et de douleur".

10. "Il était si absolument maître de lui-même, qu'il lui cacha tous ses sentiments", "Quoique sa passion, aussi bien que sa patience, fût extrême, et à toute épreuve..."

11. "Il se mit à lui exagérer sa passion, et à lui faire comprendre qu'il mourrait infailliblement, s'il ne lui faisait obtenir de la princesse la permission de la voir."

12. "Souvent il prenait la résolution de renvoyer le duc de Guise sans le dire à la princesse de Montpensier ; mais la fidélité exacte qu'il lui avait promise changeait aussitôt sa résolution."

13. "La grandeur de sa passion lui montrant en ce moment, que, s'il y trouvait le duc de Guise, madame de Montpensier aurait la douleur de le voir tuer à ses yeux, et que la vie même de cette princesse ne serait pas en sûreté, il résolut, par une générosité sans exemple, de s'exposer pour sauver une maîtresse ingrate et un rival aimé."

14. "Le prince feignit d'être malade, afin qu'on ne s'étonnât pas de ce qu'il n'entrait pas dans la chambre de sa femme" ; "Il s'en alla à Paris, ne sachant ce qu'il avait à espérer ou à craindre du mal de la princesse sa femme."

15. "Le duc de Guise, occupé du désir de venger la mort de son père, et, peu après, rempli de la joie de l'avoir vengée, laissa peu à peu éloigner de son âme le soin d'apprendre des nouvelles de la princesse de Montpensier ; et, trouvant la marquise de Noirmoutier, personne de beaucoup d'esprit et de beauté, et qui donnait plus d'espérance que cette princesse, il s'y attacha entièrement et l'aima avec une passion démesurée, et qui dura jusqu'à sa mort".

16. "Il fut d'abord saisi d'étonnement à ce pitoyable spectacle ; ensuite, son amitié se réveillant, elle lui donna de la douleur ; mais le souvenir de l'offense qu'il croyait avoir reçue du comte lui donna enfin de la joie, et il fut bien aise de se voir vengé par les mains de la fortune."

Séance 06

Du texte à l'image

Invention

Transformez l'extrait suivant en extrait de scénario.

Après deux années d'absence, la paix étant faite, le prince de Montpensier revint trouver la princesse sa femme tout couvert de la gloire qu'il avait acquise au siège de Paris et à la bataille de Saint-Denis. Il fut surpris de voir la beauté de cette princesse dans une si grande perfection, et, par le sentiment d'une jalousie qui lui était naturelle, il en eut quelque chagrin, prévoyant bien qu'il ne serait pas seul à la trouver belle. Il eut beaucoup de joie de revoir le comte de Chabannes pour qui son amitié n'avait point diminué, et lui demanda confidemment des nouvelles de l'humeur et de l'esprit de sa femme, qui lui était quasi une personne inconnue par le peu de temps qu'il avait demeuré avec elle.

Le comte, avec une sincérité aussi exacte que s'il n'eut point été amoureux, dit au prince tout ce qu'il connaissait en cette princesse capable de la lui faire aimer, et avertit aussi Mme de Montpensier des choses qu'elle devait faire pour achever de gagner le coeur et l'estime de son mari. Enfin la passion du comte le portait si naturellement à ne songer qu'à ce qui pouvait augmenter le bonheur et la gloire de cette princesse qu'il oubliait sans peine les intérêts qu'ont les amants à empêcher que les personnes qu'ils aiment ne soient dans une si parfaite intelligence avec leurs maris.

Mme de Lafayette, La Princesse de Montpensier, 1662.

Observation

1. En comparant le passage ci-dessus avec l'extrait du scénario original, commentez le travail d'adaptation réalisé par Bertrand Tavernier et Jean Cosmos.

2. Entre le scénario et le film, quelles différences pouvez-vous remarquer ?

Séance 07

Rendez-vous nocturne

Invention

Consigne au choix :

1. Storyboardez cet extrait.

2. Par groupes de cinq, mettez en scène cet extrait. Trois élèves joueront et feront l'image ; deux élèves feront le son et les dialogues.

Vous pouvez simplifier les répliques.

Pistes

À peine le duc était-il sorti de l'antichambre que le prince, ayant enfoncé la porte du passage, entra dans la chambre comme un homme possédé de fureur et qui cherchait des yeux sur qui la faire éclater. Mais quand il ne vit que le comte de Chabannes et qu'il le vit appuyé sur la table, avec un visage où la tristesse était peinte, et comme immobile, il demeura immobile lui-même et la surprise de trouver, et seul et la nuit dans la chambre de sa femme l'homme qu'il aimait le mieux et qu'il aurait le moins cru y trouver le mit hors d'état de pouvoir parler.

La princesse était à demi évanouie sur des carreaux, et jamais peut-être la fortune n'a mis trois personnes en des états si violents.

Enfin le prince de Montpensier, qui ne croyait pas voir ce qu'il voyait, et qui voulait éclaircir ce chaos où il venait de tomber adressant la parole au comte d'un ton qui faisait voir que l'amitié combattait encore pour lui : "Que vois-je, lui dit-il, Est-ce une illusion ou une vérité ? Est-il possible qu'un homme que j'ai aimé si chèrement choisisse ma femme entre toutes les femmes du monde pour la séduire ? Et vous, madame, dit-il à la princesse en se tournant de son côté, n'était-ce point assez de m'ôter votre cœur et mon honneur sans m'ôter le seul homme qui me pouvait consoler de ces malheurs ? Répondez-moi l'un ou l'autre, leur dit-il, et éclaircissez-moi d'une aventure que je ne puis croire telle qu'elle me paraît." La princesse n'était pas capable de répondre, et le comte de Chabannes ouvrit plusieurs fois la bouche sans pouvoir parler. "Je suis criminel à votre égard, lui dit-il enfin, et indigne de l'amitié que vous avez eue pour moi, mais ce n'est de la manière que vous pouvez vous l'imaginer ; Je suis plus malheureux que vous, s'il se peut, et plus désespéré. Je ne saurais vous en dire davantage ; ma mort vous vengera, et si vous voulez me la donner tout à l'heure, vous me donnerez la seule chose qui peut m'être agréable."

Ces paroles prononcées avec une douleur mortelle et avec un air qui marquait son innocence, au lieu d'éclaircir le prince de Montpensier, lui persuadaient encore plus qu'il y avait quelque mystère dans cette aventure qu'il ne pouvait démêler, et, son désespoir s'augmentant par cette incertitude : "Ôtez-moi la vie vous-même, lui dit-il, ou tirez-moi du désespoir où vous me mettez ; c'est la moindre chose que vous devez à l'amitié que j'ai eue pour vous, et à la modération qu'elle me fait encore garder, puisque tout autre que moi aurait déjà vengé sur votre vie un affront dont je ne puis quasi douter. - Les apparences sont bien fausses, interrompit le comte. - Ah ! c'est trop, répliqua le prince, il faut que je me venge, et puis je m'éclaircirai à loisir." En disant ces paroles, il s'approcha du comte de Chabannes avec l'action d'un homme emporté de rage, et la princesse, craignant un malheur, qui ne pouvait pourtant arriver, son mari n'ayant point d'arme, se leva pour se mettre entre deux.

La faiblesse où elle était la fit succomber à cet effort, et, en approchant de son mari, elle tomba évanouie à ses pieds. Le prince fut touché de la voir en cet état aussi bien que de la tranquillité où le comte était demeuré lorsqu'il s'était approché de lui et, ne pouvant plus soutenir la vue de deux personnes qui lui donnaient des mouvements si opposés, il tourna la tête de l'autre côté, et se laissa tomber sur le lit de sa femme, accablé d'une douleur incroyable. Le comte de Chabannes, pénétré de repentir d'avoir abusé d'une amitié dont il recevait tant de marques, et ne trouvant pas qu'il pût jamais réparer ce qu'il venait de faire, sortit brusquement de la chambre, et, passant par l'appartement du prince dont il trouva les portes ouvertes, descendit dans la cour, se fit donner des chevaux, et s'en alla dans la campagne, guidé par son seul désespoir. Cependant, le prince, qui voyait que la princesse ne revenait point de son évanouissement, la laissa entre les mains de ses femmes, et se retira dans sa chambre avec une douleur mortelle.

Mme de Lafayette, La Princesse de Montpensier, 1662.

Séance 08

Une héroïne tragique

Oral

Qu'est-ce qui vous paraît remarquable dans ce dénouement ?

1. En quoi ce dénouement peut-il susciter la pitié du lecteur ?

2. Quelle image est donnée de la passion amoureuse ?

3. En quoi peut-on rapprocher la princesse de Montpensier des héroïnes de tragédie ?

Pistes

Notion : Le jansénisme

L'ordre qu'il reçut de s'en retourner à la cour, où l'on rappelait tous les princes catholiques pour exterminer les huguenots, le tira de l'embarras où il était, et il s'en alla à Paris, ne sachant ce qu'il avait à souhaiter ou à craindre du mal de la princesse sa femme. Il n'y fut pas sitôt arrivé qu'on commença d'attaquer les huguenots en la personne d'un de leurs chefs, l'amiral de Châtillon, et deux jours après on en fit cet horrible massacre si renommé par toute l'Europe.

Le pauvre comte de Chabannes, qui s'était venu cacher dans l'extrémité de l'un des faubourgs de Paris pour s'abandonner entièrement à sa douleur, fut enveloppé dans la ruine des huguenots. Les personnes chez qui il s'était retiré l'ayant reconnu et s'étant souvenues qu'on l'avait soupçonné d'être de ce parti le massacrèrent cette même nuit qui fut si funeste à tant de gens.

Le matin, le prince de Montpensier allant donner quelques ordres hors la ville passa dans la rue où était le corps de Chabannes. Il fut d'abord saisi d'étonnement à ce pitoyable spectacle. Ensuite, son amitié se réveillant lui donna de la douleur ; mais enfin le souvenir de l'offense qu'il croyait en avoir reçue lui donna de la joie, et il fut bien aise de se voir vengé par les mains de la fortune.

Le duc de Guise, occupé du désir de venger la mort de son père, et, peu après, joyeux de l'avoir vengée laissa peu à peu éloigner de son âme le soin d'apprendre des nouvelles de la princesse de Montpensier, et, trouvant la marquise de Noirmoutier, personne de beaucoup d'esprit et de beauté, et qui donnait plus d'espérance que cette princesse, il s'y attacha entièrement, et l'aima jusques à la mort.

Cependant, après que la violence du mal de Mme de Montpensier fut venu au dernier point, il commença à diminuer. La raison lui revint, et, se trouvant soulagée par l'absence du prince son mari, elle donna quelque espérance de sa vie. Sa santé revenait avec peine par le mauvais état de son esprit, qui fut travaillé de nouveau, se souvenant de n'avoir eu aucune nouvelle du duc de Guise pendant toute sa maladie. Elle s'enquit de ses femmes si elles n'avaient vu personne, si elles n'avaient point de lettres, et, ne trouvant rien de ce qu'elle eût souhaité, elle se trouva la plus malheureuse du monde d'avoir tout hasardé pour un homme qui l'abandonnait.

Ce lui fut encore un nouvel accablement d'apprendre la mort du comte de Chabannes, qu'elle sut bientôt par les soins du prince son mari.

L'ingratitude du duc de Guise lui fit sentir plus vivement la perte d'un homme dont elle connaissait si bien la fidélité. Tant de déplaisirs si pressants la remirent bientôt dans un état aussi dangereux que celui dont elle était sortie, et comme Mme de Noirmoutier était une personne qui prenait autant de soin de faire éclater ses galanteries que les autres de les cacher, celles de M. de Guise et d'elle étaient si publiques, que, toute éloignée et malade qu'était Mme de Montpensier, elle l'apprit de tant de côtés qu'elle n'en put douter.

Ce fut le coup mortel pour sa vie. Elle ne put résister à la douleur d'avoir perdu l'estime de son mari, le cœur de son amant et le plus parfait ami qui fut jamais. Elle mourut en peu de jours, dans la fleur de son âge, une des plus belles princesses du monde et qui aurait été la plus heureuse si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions.

Mme de Lafayette, La Princesse de Montpensier, 1662.

Séance 09

Les provinces de l'amour

Recherche

Soit cette carte, inspirée de la carte de Tendre : Les Quatre Parties de l'Empire du Monde de la Lune (environ 1670).

1. En vous appuyant sur le texte de présentation, identifiez les différentes provinces de la carte.

2. Où situeriez-vous le prince de Montpensier, le duc de Guise, le comte de Chabannes, le duc d'Anjou, la princesse de Montpensier ?

Les Quatre Parties de l'Empire du Monde de la Lune (environ 1670).

Séance 10

Les lieux

Recherche

1. Indiquez en regard des lieux du film, quand c'est possible, les lieux de la nouvelle.

2. Quelles différences importantes peut-on constater entre la nouvelle et le film ?

Pistes

Sujet

Vous étudierez les lieux dans la nouvelle de Mme de Lafayette et dans le film de Bertrand Tavernier.

La nouvelle Le film

Château des Mézières (Plessis-Bourré, Maine et Loire).

Mont-sur-Brac (château de Messilhac, Cantal).

Louvre (Galerie de la Reine, Château de Blois, Loire-et-Cher).

Louvre (Abbaye de Noirlac, Cher).

Hôtel des Montpensier, Paris.

Château de Meillant, Cher.

Séance 11

Les retrouvailles

Observation

Soit la séquence des retrouvailles (de 02:04:52 à 02:10:10).

1. Observez les décors (extérieurs et intérieurs). Que suggèrent-ils ?

2. Comment Marie est-elle représentée dans cet extrait ?

3. Comment le prince apparaît-il ?

Pistes

Prolongement

Comment le personnage de Montpensier est-il traité dans les deux œuvres de Mme de Lafayette et de Tavernier ?

Séance 12

Chabannes

Observation

Soit l'aveu de Chabannes (de 47:32 à 50:12).

1. Comment l'échange des deux personnages est-il filmé ?

2. Quelle est la position de Marie par rapport à Chabannes ?

3. Commentez le choix du décor.

Pistes

Prolongement

En quoi le poème de Ronsard éclaire-t-il cette scène ?

Document A
Document B

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,

Assise auprès du feu, dévidant et filant,

Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :

"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle ! »


Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,

Déjà sous le labeur à demi sommeillant,

Qui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant,

Bénissant votre nom de louange immortelle.


Je serai sous la terre, et, fantôme sans os,

Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;

Vous serez au foyer une vieille accroupie,


Regrettant mon amour et votre fier dédain.

Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :

Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578.

Recherche

Quelle vision du personnage de Chabannes est développée dans la nouvelle de Madame de Lafayette et le film de Bertrand Tavernier ?

Pistes

Document C

Si notre vie est moins qu'une journée

En l'éternel, si l'an qui fait le tour

Chasse nos jours sans espoir de retour,

Si périssable est toute chose née,


Que songes-tu, mon âme emprisonnée ?

Pourquoi te plaît l'obscure de notre jour,

Si, pour voler en un plus clair séjour,

Tu as au dos l'aile bien empennée ?


Là est le bien que tout esprit désire,

Là le repos où tout le monde aspire,

Là est l'amour, là le plaisir encore.


Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée,

Tu y pourras reconnaître l'Idée

De la beauté, qu'en ce monde j'adore.

Séance 13

Le dénouement

Observation

Soit le dénouement, de 2'14'30 à la fin.

1. Commentez les décors, les personnages, les sons.

2. La princesse, victime ou héroïne ?

MARIE (off) : "Comme François de Chabannes s'était retiré de la guerre, je me retirais de l'amour. La vie ne serait plus pour moi que la succession des jours. Et je souhaitais qu'elle fut brève puisque les secrètes folies de la passion m'étaient devenues étrangères."

Pistes

Prolongement

Quel est l'intérêt des chevauchées dans le film ? (de 1'56'30 à 1'25'10 et de 2'13'40 à 2'14'30)

Pistes

Séance 14

Dans les marges de l'Histoire

Observation

Soit la rencontre avec Catherine de Médicis (de 1:31:12 à 1:33:29).

1. Comment Catherine de Médicis est-elle représentée ?

2. Un personnage important est caché dans cette séquence. De qui s'agit-il ?

3. En quoi cette scène se détache-t-elle du reste du film ?

Pistes

Prolongement

1. Quelle est la place de l'Histoire dans les deux œuvres ?

2. Étudiez les costumes dans les deux œuvres.

3. Comment la fatalité opère-t-elle dans les deux œuvres ?

5 décembre 1560. Début du règne de Charles IX.

1562-1563. Première guerre de religion.

Repères dans la nouvelle

19 mai 1566. Mariage de François de Bourbon, prince dauphin, et de Renée d'Anjou, dame de Mézières. Le marié a vingt-quatre ans et sa jeune épouse seize.

Septembre 1567. Début de la deuxième guerre de religion. Le 10 novembre 1567, bataille de Saint-Denis (v. p. 46).

23 mai 1568. Paix de Longjumeau, qui permet à François de Bourbon de revenir à Champigny.

Septembre 1568. Début de la troisième guerre de religion (elle durera jusqu'en 1570). Le prince repart pour la guerre, la princesse reste seule.

13 mars 1569. Bataille de Jarnac (v. p. 48).

3 octobre 1569. Bataille de Moncontour. En décembre, fin du siège de Saint-Jean d'Angély (v. p. 55).

4 février 1570. Louis de Bourbon, duc de Montpensier, père de François, se remarie avec Catherine de Lorraine, soeur d'Henri de Guise. Le marié a cinquante-six ans, et sa jeune épouse dix-sept.

26 novembre 1570. Mariage de Charles IX avec Elisabeth d'Autriche, fille de l'empereur Maximilien II. Cette première cérémonie inaugure une série de festivités qui dureront plusieurs mois, dont le fameux bal des Maures, en mars 1571 (v. p. 60-61).

Dans la nuit du 23 au 24 août 1572. Massacre de la Saint-Barthélémy.

Repères dans le film

Prolongement

Étudiez les costumes dans les deux œuvres.

Pistes

On parle de "film d'époque" ou de "film en costume" pour désigner les oeuvres qui situent leur action dans une époque historique définie représentée de façon réaliste.

"Ils distinguèrent aisément dans ce bateau trois ou quatre femmes, et une entre autres qui leur sembla fort belle, qui était habillée magnifiquement..."

"Comme [le duc de Guise] se présentait pour entrer au bal chez la reine, paré d'un nombre infini de pierreries, mais plus paré encore de sa bonne mine..."

"Le duc d'Anjou dansait une entrée de Maures ; et le duc de Guise, avec quatre autres, était de son entrée. Leurs habits étaient tous pareils, comme le sont d'ordinaire les habits de ceux qui dansent une même entrée."

La costumière Caroline de Vivaise reçoit à l'occasion de La Princesse de Montpensier son troisième César en 2011.

Fiche

Problématiques

Questions à 8 points

Vous étudierez ... dans les oeuvres de Mme de Lafayette et de Bertrand Tavernier.

  • la mort de Chabannes
  • le dénouement
  • les lieux
  • les noms des personnages
  • les costumes
  • le duc d'Anjou
  • le prince de Montpensier
  • la condition féminine

Questions à 12 points

Quelle est la place ... dans la nouvelle de Madame de Lafayette et le film de Bertrand Tavernier ?

  • de l'Histoire
  • du corps
  • du regard
  • du non-dit

Vous étudierez ... dans les oeuvres de Mme de Lafayette et de Bertrand Tavernier.

  • la princesse de Montpensier
  • le comte de Chabannes
  • la sincérité et le déguisement
  • les passions