Destins tragiques

Objet d'étude : La tragédie et la comédie au XVIIème siècle : le classicisme

Problématique générale : La tragédie, des destins d'exception ou des réalités proches de chacun d'entre nous ?

Séance 01

La tragédie : définition et exemple

Oral

1. Dans les faits divers suivants, quelles différences y a-t-il entre les mots 'drame' et 'tragédie'. Peut-on les échanger ?

2. Proposez des exemples d'histoires ou de faits divers 'tragiques'.

3. D'après ce qui a été vu, quelle définition peut-on proposer du mot 'tragédie' ?

Pistes

Aisne: cinq proches retrouvés morts par balle, la piste d'un "drame familial"

Un couple et leurs trois enfants de 13 à 20 ans ont été retrouvés morts, tués par balle dans une ferme, à Nouvion-et-Catillon (Aisne).

Les circonstances du drame sont encore inconnues, mais le parquet a d'ores et déjà esquissé la piste d'un "drame familial". Cinq personnes, des parents tous les deux âgés de 47 ans et leurs trois enfants de 13, 15 et 20 ans, ont été retrouvées mortes dans une ferme, ce mardi matin à Nouvion-et-Catillon au sud de Saint-Quentin (Aisne). Les victimes ont toutes été tuées par balle, selon une source proche du dossier contacté par L'Express.

LEXPRESS.fr avec AFP , publié le 31/10/2017

Tuerie dans les Alpes françaises: le mystère reste entier

Le mystère reste entier au lendemain du massacre d'une famille de vacanciers britanniques dans un camping de Haute-Savoie. Les enquêteurs tentent toujours de déterminer les circonstances de cette fusillade qui a fait quatre morts et épargné deux fillettes. Alors que cette tragédie suscite une vive émotion en France et au Royaume-Uni, beaucoup est attendu d'une conférence de presse que doit donner le procureur au palais de justice d'Annecy à 14H00.

Amandine AMBREGNI (AFP) Publié le 06/09/2012

Tragédie en Malaisie : 24 morts dans l'incendie d'une école

Vingt-quatre personnes, pour la plupart des adolescents, ont péri dans un incendie jeudi dans une école religieuse à Kuala Lumpur, l'un des pires de ces dernières années en Malaisie, ont indiqué des responsables locaux. Le feu s'est déclaré peu avant l'aube à l'école Tahfiz Darul Quran Ittifaqiyah, un établissement de deux étages situé dans le centre de la capitale de ce pays d'Asie du Sud-Est à majorité musulmane.

Paris Match| Publié le 14/09/2017

Drame à Nîmes : une vitesse excessive et des circonstances accablantes

La préfecture du Gard a précisé les circonstances dans lesquelles s'est déroulé le très grave accident de la route qui a fait trois morts à Nîmes ce dimanche 5 novembre au matin. Elles sont accablantes.

Un dramatique accident de la circulation a fait trois morts ce dimanche matin à l'aube à Nîmes boulevard Salvador Allende dont deux bébés (six mois et un an et demi) et leur maman (24 ans) qui avaient déjà perdu la vie à l'arrivée des secours. Très vite s'est posée la question de savoir dans quelles circonstances un accident d'une telle gravité avait pu se dérouler. Ce dimanche après-midi, la préfecture du Gard a donné plus de précisions. Les circonstances sont accablantes pour le conducteur et ses passagers qui rentraient d'un mariage.

Midi Libre, publié le 05/11/2017

Séance 02

Personnages de tragédie

Recherche

Pour chacun des personnages représentés, indiquez, grâce à une recherche documentaire :

1. Qui sont ces personnages ;

2. Quelle est leur histoire ;

3. En quoi ils relèvent de la tragédie.

Observation

Quel tableau préférez-vous ? Pourquoi ?

David, Le Serment des Horace, 1784.

E. Delacroix, Médée furieuse, 1838.

Bouguereau, Les Remords d'Oreste, 1862.

A. Cabanel, Phèdre, 1880.

Prolongement

Parmi les quatre pièces ci-contre, lesquelles sont des tragédies ? Lesquelles des comédies ? Pourquoi ?

Pistes

Notion : Les caractéristiques du personnage tragique

La Veuve

Personnages

Philiste, amant de Clarice.

Alcidon, ami de Philiste, et amant de Doris.

Célidan, ami d'Alcidon, et amoureux de Doris.

Clarice, veuve d'Alcandre, et maîtresse de Philiste.

Chrysante, mère de Doris.

Doris, sœur de Philiste.

La Nourrice de Clarice.

Géron, agent de Florange, amoureux de Doris.

Lycas, domestique de Philis.

Polymas,

Doraste,

Listor, domestiques de Clarice.

La scène est à Paris

P. Corneille, La Veuve, 1632

Horace

Personnages

Tulle, roi de Rome.

Le vieil Horace, chevalier romain.

Horace, son fils.

Curiace, gentilhomme d'Albe, amant de Camille.

Valère, chevalier romain, amoureux de Camille.

Sabine, femme d'Horace, et sœur de Curiace.

Camille, amante de Curiace, et sœur d'Horace.

Julie, dame romaine, confidente de Sabine et de Camille.

Flavian, soldat de l'armée d'Albe.

Procule, soldat de l'armée de Rome.

La scène est à Rome, dans une salle de la maison d'Horace.

P. Corneille, Horace, 1639

Les Plaideurs

Personnages

Dandin, juge.

Léandre, fils de Dandin.

Chicanneau, bourgeois.

Isabelle, fille de Chicanneau.

La Comtesse.

Petit Jean, portier.

L'Intimé, secrétaire.

Le Souffleur.

La scène est dans une ville de Basse-Normandie.

J. Racine, Les Plaideurs, 1668.

Iphigénie

Personnages

Agamemnon.

Achille.

Ulysse.

Clytemnestre, femme d'Agamemnon.

Iphigénie, fille d'Agamemnon.

Ériphile, fille d'Hélène et de Thésée.

Arcas, domestique d'Agamemnon.

Eurybate, domestique d'Agamemnon.

Ægine, femme de la suite de Clytemnestre.

Doris, confidente d'Eriphile.

Troupe de gardes.

La scène est en Aulide, dans la tente d'Agamemnon.

J. Racine, Iphigénie, 1674.

Séance 03

"L'horreur et la pitié"

Appropriation

Storyboardez le récit de Théramène.

Comparaison

Quels points communs pouvez-vous mettre en évidence entre ces deux textes ? Qu'est-ce qu'ils nous montrent sur la tragédie ?

Pistes

Explication

Étudiez le texte de Racine, en vous appuyant sur les axes suivants :

- le récit d'une mort affreuse

- un plaidoyer destiné à valoriser et justifier Hippolyte

Pistes

Document A

Oedipe roi est une tragédie du Ve s. av. J.-C. A la fin de la pièce, un messager raconte au choeur ce que sont devenus les souverains du pays, le roi Oedipe, et son épouse Jocaste, qui était en fait sa propre mère.

Le messager du palais. - Pour vous l'apprendre d'un mot, elle est morte, Jocaste, notre reine vénérée !

Le chœur. - L'infortunée ! Comment cela est-il arrivé ?

Le messager du palais. - Elle s'est donné la mort. De ce qui s'est passé, le plus horrible vous est épargné ; vos yeux n'ont point vu. Cependant, autant que ma mémoire saura le retracer, apprenez le supplice de la malheureuse. Folle d'horreur, elle avait traversé le vestibule et couru jusqu'à sa chambre en s'arrachant les cheveux par poignées. Elle entre, repousse violemment les vantaux derrière elle ; elle appelle Laïos, son défunt époux ; elle se remémore le passé, cette semence dont il devait périr et qui la ferait mère d'une progéniture souillée. L'infortunée gémissait sur ce lit où elle avait conçu tour à tour un mari de son mari et des enfants de son enfant. Comment elle est morte, je ne le sais pas au juste, car Œdipe se précipitait en hurlant et ce n'est plus elle, dès lors, c'est lui dont le désespoir a captivé nos regards. Il court çà et là, nous demande une épée ; il veut savoir où il trouvera sa femme, ou plutôt, hélas ! sa mère, sa mère qui le porta, et qu'il a fécondée ! Au milieu de ses fureurs, quelque dieu sans doute la lui découvre, car aucun de nous n'intervint. Poussant des cris effrayants, et comme si quelqu'un le guidait, il s'élance vers la porte, il en pousse les battants. Il fait irruption dans la chambre, et nous aperçûmes sa femme pendue à une écharpe dont le nœud lui serrait la gorge. A cette vue, avec des rugissements horribles, le malheureux prince défait le nœud, et le cadavre s'affaisse. C'était affreux à voir, mais ce qui suivit nous terrifia. Œdipe arrache les épingles dorées qui ornaient le vêtement de la morte, il les porte à ses paupières, il en frappe les globes de ses yeux. Et il crie que ses yeux ne verront plus sa misère et ne verront plus son crime et que la nuit leur dérobera ceux qu'ils n'auraient jamais dû voir, et qu'ils ne reconnaitront plus ceux qu'il ne veut plus reconnaitre. Tout en exhalant ces plaintes, il soulevait ses paupières et frappait, frappait sans relâche ... Le sang jailli des prunelles coulait sur son menton ; cela ne sortait pas goutte à goutte, non, mais ruisselait en pluie noire, en grêle de caillots sanguinolents. Et c'est leur œuvre à tous les deux qui éclate, non le malheur d'un seul, mais les maux emmêlés des époux ! Leur ancienne prospérité, à bon droit l'appelait-on prospérité. Aujourd'hui, affliction, égarement, mort, honte, de tous les maux qui ont un nom, pas un ne manque à l'appel.

Sophocle, Oedipe roi, Théâtre complet, Présentation et traduction de Robert Pignarre, éd. GF Flammarion.

Document B

Maudit par son père Thésée, Hippolyte quitte la cité, escorté par sa suite et son serviteur Théramène. Peu de temps après, le serviteur revient et raconte la mort du jeune homme à Thésée.

THERAMENE

Cependant, sur le dos de la plaine liquide,

S'élève à gros bouillons une montagne humide ;

L'onde approche, se brise, et vomit à nos yeux,

Parmi des flots d'écume, un monstre furieux.

Son front large est armé de cornes menaçantes ;

Tout son corps est couvert d'écailles jaunissantes ;

Indomptable taureau, dragon impétueux,

Sa croupe se recourbe en replis tortueux.

Ses longs mugissements font trembler le rivage.

Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage,

La terre s'en émeut, l'air en est infecté ;

Le flot qui l'apporta recule épouvanté.

Tout fuit ; et sans s'armer d'un courage inutile,

Dans le temple voisin chacun cherche un asile.

Hippolyte lui seul, digne fils d'un héros,

Arrête ses coursiers, saisit ses javelots,

Pousse au monstre, et d'un dard lancé d'une main sûre,

Il lui fait dans le flanc une large blessure.

De rage et de douleur le monstre bondissant

Vient aux pieds des chevaux tomber en mugissant,

Se roule, et leur présente une gueule enflammée

Qui les couvre de feu, de sang et de fumée.

La frayeur les emporte, et sourds à cette fois,

Ils ne connaissent plus ni le frein ni la voix ;

En efforts impuissants leur maître se consume ;

Ils rougissent le mors d'une sanglante écume.

On dit qu'on a vu même, en ce désordre affreux,

Un dieu qui d'aiguillons pressait leur flanc poudreux.

A travers des rochers la peur les précipite.

L'essieu crie et se rompt : l'intrépide Hippolyte

Voit voler en éclats tout son char fracassé ;

Dans les rênes lui−même, il tombe embarrassé.

Excusez ma douleur. Cette image cruelle

Sera pour moi de pleurs une source éternelle.

J'ai vu, Seigneur, j'ai vu votre malheureux fils

Traîné par les chevaux que sa main a nourris.

Il veut les rappeler, et sa voix les effraie ;

Ils courent ; tout son corps n'est bientôt qu'une plaie.

De nos cris douloureux la plaine retentit.

Leur fougue impétueuse enfin se ralentit ;

Ils s'arrêtent non loin de ces tombeaux antiques

Où des rois ses aïeux sont les froides reliques,

J'y cours en soupirant, et sa garde me suit.

De son généreux sang la trace nous conduit,

Les rochers en sont teints, les ronces dégouttantes

Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes.

J. Racine, Phèdre, V, 6, 1677.

Séance 04

Les feux de l'amour

Oral

Préparez une mise en scène de ce dialogue.

Observation

Comparez les mises en scène de Bernard de Coster, 1998 (43'10-46'25) et Patrice Chéreau, 2003 (53'10-56'45).

Explication

Quelle image du sentiment amoureux est donnée dans cet extrait ?

Pistes

Document A

Phèdre est l'épouse de Thésée. Mais elle aime en secret le fils de ce dernier, Hippolyte ; seule la nourrice de Phèdre connaît le secret.

A. Cabanel, Phèdre, 1880.

Document B

On vient de rapporter à Phèdre que son époux, Thésée, est mort. Poussée par sa confidente, la nourrice OEnone, Phèdre se décide à avouer son amour à Hippolyte, le fils de son époux.

Phèdre

On ne voit point deux fois le rivage des morts,

Seigneur : puisque Thésée a vu les sombres bords,

En vain vous espérez qu'un dieu vous le renvoie ;

Et l'avare Achéron ne lache point sa proie.

Que dis-je ? Il n'est point mort, puisqu'il respire en vous.

Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux :

Je le vois, je lui parle ; et mon cœur... je m'égare,

Seigneur ; ma folle ardeur malgré moi se déclare.

Hippolyte

Je vois de votre amour l'effet prodigieux :

Tout mort qu'il est, Thésée est présent à vos yeux ;

Toujours de son amour votre âme est embrasée.

Phèdre

Oui, prince, je languis, je brûle pour Thésée :

Je l'aime, non point tel que l'ont vu les enfers,

Volage adorateur de mille objets divers,

Qui va du dieu des morts déshonorer la couche ;

Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche,

Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi,

Tel qu'on dépeint nos dieux, ou tel que je vous voi.

Il avait votre port, vos yeux, votre langage ;

Cette noble pudeur colorait son visage,

Lorsque de notre Crête il traversa les flots,

Digne sujet des vœux des filles de Minos.

Que faisiez-vous alors ? Pourquoi, sans Hippolyte,

Des héros de la Grèce assembla-t-il l'élite ?

Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors

Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ?

Par vous aurait péri le monstre de la Crête,

Malgré tous les détours de sa vaste retraite :

Pour en développer l'embarras incertain,

Ma sœur du fil fatal eût armé votre main.

Mais non : dans ce dessein je l'aurais devancée ;

L'amour m'en eût d'abord inspiré la pensée.

C'est moi, prince, c'est moi, dont l'utile secours

Vous eût du labyrinthe enseigné les détours.

Que de soins m'eût coûtés cette tête charmante !

Un fil n'eût point assez rassuré votre amante :

Compagne du péril qu'il vous fallait chercher,

Moi-même devant vous j'aurais voulu marcher ;

Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue

Se serait avec vous retrouvée ou perdue.

Hippolyte

Dieux ! qu'est-ce que j'entends ? Madame, oubliez-vous

Que Thésée est mon père, et qu'il est votre époux ?

Phèdre

Et sur quoi jugez-vous que j'en perds la mémoire,

Prince ? Aurais-je perdu tout le soin de ma gloire ?

Hippolyte

Madame, pardonnez : j'avoue, en rougissant,

Que j'accusais à tort un discours innocent.

Ma honte ne peut plus soutenir votre vue ;

Et je vais...

Phèdre

Ah, cruel ! tu m'as trop entendue !

Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur.

Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur :

J'aime ! Ne pense pas qu'au moment que je t'aime,

Innocente à mes yeux, je m'approuve moi-même ;

Ni que du fol amour qui trouble ma raison

Ma lâche complaisance ait nourri le poison ;

Objet infortuné des vengeances célestes,

Je m'abhorre encor plus que tu ne me détestes.

Les dieux m'en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc

Ont allumé le feu fatal à tout mon sang ;

Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle

De séduire le cœur d'une faible mortelle.

Toi-même en ton esprit rappelle le passé :

C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé ;

J'ai voulu te paraître odieuse, inhumaine ;

Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine.

De quoi m'ont profité mes inutiles soins ?

Tu me haïssais plus, je ne t'aimais pas moins ;

Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.

J'ai langui, j'ai séché dans les feux, dans les larmes :

Il suffit de tes yeux pour t'en persuader,

Si tes yeux un moment pouvaient me regarder...

Que dis-je ? cet aveu que je te viens de faire,

Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?

Tremblante pour un fils que je n'osais trahir,

Je te venais prier de ne le point haïr :

Faibles projets d'un cœur trop plein de ce qu'il aime !

Hélas ! je ne t'ai pu parler que de toi-même !

Venge-toi, punis-moi d'un odieux amour :

Digne fils du héros qui t'a donné le jour,

Délivre l'univers d'un monstre qui t'irrite.

La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte !

Jean Racine, Phèdre, II, 5, 1677.

Séance 05

L'amour et l'honneur

Oral

1. Pourquoi cette note ajoutée à la fin par Corneille ?

Explication

1. Quelles passions dirigent ces personnages ?

2. Selon vous, quel personnage a raison dans ce conflit ?

3. Qu'est-ce qu'il y a de tragique dans cette scène ?

Pistes

Essai

Les situations que nous montrent les tragédies sont-elles, selon vous, réalistes ?

Notes

* Didascalies ajoutées après coup par l'auteur.

L'action prend place dans l'Antiquité. Horace, un Romain, et Curiace, un Albain, sont amis et amoureux chacun de la soeur de l'autre. Mais leur cité respective, Rome et Albe, sont en lutte. Chaque ville se choisit trois champions qui devront se battre à mort : pour Rome, ce seront Horace et ses frères ; pour Albe, Curiace et ses frères. Au terme d'un combat difficile, Horace parvient à tuer tous les Curiaces. Rome triomphe donc. Mais Camille, soeur d'Horace, n'accepte pas la mort de son amant.

Horace

Tes flammes désormais doivent être étouffées ;

Bannis-les de ton âme, et songe à mes trophées :

Qu'ils soient dorénavant ton unique entretien.

Camille

Donne-moi donc, barbare, un cœur comme le tien ;

Et si tu veux enfin que je t'ouvre mon âme,

Rends-moi mon Curiace, ou laisse agir ma flamme :

Ma joie et mes douleurs dépendaient de son sort ;

Je l'adorais vivant, et je le pleure mort.

Ne cherche plus ta sœur où tu l'avais laissée ;

Tu ne revois en moi qu'une amante offensée,

Qui comme une furie attachée à tes pas,

Te veut incessamment reprocher son trépas.

Tigre altéré de sang, qui me défends les larmes,

Qui veux que dans sa mort je trouve encor des charmes,

Et que jusques au ciel élevant tes exploits,

Moi-même je le tue une seconde fois !

Puissent tant de malheurs accompagner ta vie,

Que tu tombes au point de me porter envie ;

Et toi, bientôt souiller par quelque lâcheté

Cette gloire si chère à ta brutalité !

Ô ciel ! Qui vit jamais une pareille rage !

Crois-tu donc que je sois insensible à l'outrage,

Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ?

Horace

Aime, aime cette mort qui fait notre bonheur,

Et préfère du moins au souvenir d'un homme

Ce que doit ta naissance aux intérêts de Rome.

Camille

Rome, l'unique objet de mon ressentiment !

Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant !

Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore !

Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore !

Puissent tous ses voisins ensemble conjurés

Saper ses fondements encor mal assurés !

Et si ce n'est assez de toute l'Italie,

Que l'orient contre elle à l'occident s'allie ;

Que cent peuples unis des bouts de l'univers

Passent pour la détruire et les monts et les mers !

Qu'elle-même sur soi renverse ses murailles,

Et de ses propres mains déchire ses entrailles !

Que le courroux du ciel allumé par mes vœux

Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux !

Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,

Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre,

Voir le dernier Romain à son dernier soupir,

Moi seule en être cause, et mourir de plaisir !

Horace, mettant la main à l'épée et poursuivant sa soeur qui s'enfuit *.

C'est trop, ma patience à la raison fait place ;

Va dedans les enfers plaindre ton Curiace.

Camille, blessée derrière le théâtre *.

Ah ! Traître !

Horace, revenant sur le théâtre *.

Ainsi reçoive un châtiment soudain

Quiconque ose pleurer un ennemi romain !

P. Corneille, Horace, IV, 5, 1640.

Observation

Commentez la mise en scène suivante.

Horace, mise en scène de Naidra Ayadi, 2009.

Séance 06

Des spectacles utiles ?

Oral

Selon vous, quel est l'intérêt de montrer des spectacles destinés à susciter "l'horreur et la pitié" ?

Pistes

Invention

Résumez le débat entre les deux auteurs sous la forme d'un échange de SMS rédigés dans une langue correcte.

Document A

Pierre Nicole fut l'un des maîtres de Jean Racine.

Un faiseur de romans et un poète de théâtre est un empoisonneur public, non des corps, mais des âmes des fidèles, qui se doit regarder comme coupable d'une infinité d'homicides spirituels, qu'il a causés en effet ou qu'il a pu causer par ses écrits pernicieux. Plus il a eu soin de couvrir d'un voile d'honnêteté les passions criminelles qu'il y décrit, plus il les a rendues dangereuses, et capables de surprendre et de corrompre les âmes simples et innocentes.

Pierre Nicole, Les Visionnaires, 1ère lettre, 1667.

Document B

Dix ans plus tard, dans sa préface, Jean Racine répond à son ancien maître.

Au reste, je n'ose encore assurer que cette pièce soit en effet la meilleure de mes tragédies. Je laisse aux lecteurs et au temps à décider de son véritable prix. Ce que je puis assurer, c'est que je n'en ai point fait où la vertu soit plus mise en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y sont sévèrement punies ; la seule pensée du crime y est regardée avec autant d'horreur que le crime même ; les faiblesses de l'amour y passent pour de vraies faiblesses ; les passions n'y sont présentées aux yeux que pour montrer tout le désordre dont elles sont cause ; et le vice y est peint partout avec des couleurs qui en font connaître et haïr la difformité. C'est là proprement le but que tout homme qui travaille pour le public doit se proposer.

J. Racine, Phèdre, préface de 1677.

Document C

Dans l'article Genève de l'Encyclopédie, d'Alembert critique la rigueur morale de la cité qui empêche toute représentation théâtrale. Rousseau lui répond dans une longue lettre dans laquelle il réfléchit sur la moralité du théâtre.

Quant à l'espèce des spectacles, c'est nécessairement le plaisir qu'ils donnent, et non leur utilité, qui la détermine. Si l'utilité peut s'y trouver, à la bonne heure ; mais l'objet principal est de plaire, et, pourvu que le peuple s'amuse, cet objet est assez rempli. Cela seul empêchera toujours qu'on ne puisse donner à ces sortes d'établissements tous les avantages dont ils seraient susceptibles, et c'est s'abuser beaucoup quel de s'en former une idée de perfection, qu'on ne saurait mettre en pratique, sans rebuter ceux qu'on croit instruire. Voilà d'où naît la diversité des spectacles, selon les goûts divers des nations. Un peuple intrépide, grave et cruel, veut des fêtes meurtrières et périlleuses, où brillent la valeur et le sens-froid. Un peuple féroce et bouillant veut du sang, des combats, des passions atroces. Un peuple voluptueux veut de la musique et des danses. Un peuple galant veut de l'amour de la politesse. Un peuple badin veut de la plaisanterie et du ridicule. Trahit sua quemque voluptas1. Il faut, pour leur plaire, des spectacles qui favorisent leurs penchants, au lieu qu'il en faudrait qui les modérassent.

J.-J. Rousseau, Lettre à d'Alembert sur les spectacles, 1758.

Invention

PIERRE NICOLE
J'ai lu Phèdre, et je te remercie de m'avoir envoyé ton livre. Il est très beau, mais je ne change pas d'avis. Pour moi...

JEAN RACINE

PIERRE NICOLE

JEAN RACINE

PIERRE NICOLE

JEAN RACINE

PIERRE NICOLE

JEAN RACINE

PIERRE NICOLE

JEAN RACINE

Séance 07

La tragédie classique

Invention

1. Comment les couvertures ci-contre sont-elles organisées ?

2. Proposez une couverture de magazine exposant plusieurs histoires tragiques célèbres comme s'il s'agissait de faits d'actualité.

Vous utiliserez Libreoffice Draw ou Writer.

Aptitudes

Éléments restrictifs

Une copie ne peut atteindre la moyenne si l'un des éléments suivants est présent : la consigne n'est pas du tout respectée (absence de rapport avec le sujet ou contresens sur lui) / le devoir ne présente aucune recherche dans son écriture / le devoir n'est pas compréhensible en plusieurs endroits / le devoir est très court.

/20 De 1 à 5 De 6 à 10 De 11 à 15 De 16 à 20
Exercer sa faculté d'invention de façon raisonnée

On devine une Une de journal.

La Une de journal est reconnaissable : manchette, gros titre, sous-titres.

La Une de journal est crédible.

La manchette, les titres, les sous-titres sont convaincants.

Le choix des images et de la typographie est judicieux.

La Une est visuellement séduisante.

La manchette, les titres, les sous-titres sont accrocheurs.

Le choix des images et de la typographie est particulièrement judicieux.

Lire, analyser, interpréter

On comprend les allusions aux tragédies étudiées.

Les tragédies sont évoquées de façon pertinente.

Les tragédies sont évoquées de façon particulièrement pertinente.

Mobiliser sa culture littéraire

L'invention mentionne une ou deux références littéraires.

L'invention propose plusieurs références littéraires.

L'invention développe de nombreuses références littéraires.

Maîtriser la langue et l'expression

La langue est partiellement maîtrisée.

La langue est correctement maîtrisée.

Les conventions typographiques sont respectées.

La langue est bien maîtrisée.

Les conventions typographiques sont respectées.

Le vocabulaire est précis et varié.