Personnage textuel | Rôle à travailler | Personnage scénique |
- dénué de tout sentiment, de toute psychologie - somme d'énoncé qui s'intègre à un énoncé conçu par un écrivain |
- objet de recherche. Ces recherches concernent les conditions d'énonciation possibles de l'énoncé à partir de contraintes internes proposées par le texte et de contraintes externes liées au projet |
- résultat de la rencontre provisoire entre un acteur, les mots d'un texte, un projet de metteur en scène, dans des conditions d'énonciation définies par le projet |
Première étape
L'expérimentation suppose des prérequis. Dès le début de l'année, les élèves ont suivi des séances spécifiques consacrées à l'étude du lexique et du vocabulaire, préalable indispensable pour tenter l'expérimentation décrite : ils ont ainsi abordé les notions de synonymie, d'homonymie, de champ sémantique, de famille de mots.
Dans le cadre d'une séquence sur la construction du récit, cinquante élèves de 6e travaillent à partir d'un conte télégramme de Bernard Friot, Histoire-télégramme :
DRAGON ENLÈVE PRINCESSE - ROI DEMANDE CHEVALIERS SAUVER PRINCESSE - TROIS CHEVALIERS ATTAQUENT DRAGON - PREMIER CHEVALIER CARBONISÉ DEUXIÈME ÉCRABOUILLÉ - TROISIÈME AVALÉ TOUT CRU - ROI DÉSESPÉRÉ - FACTEUR IDÉE - ENVOIE LETTRE PIÉGÉE DRAGON - DRAGON EXPLOSE - PRINCESSE ÉPOUSE FACTEUR - HEUREUX - FAMILLE NOMBREUSE - RÉDUCTION SNCF - FIN
Les élèves ont pour consigne de transformer le télégramme en un petit texte rédigé. Tous produisent un premier jet, destiné à être retravaillé ultérieurement.
À l'issue de ce travail, enseignants et élèves constatent que le conte comporte de nombreuses répétitions dans la désignation des personnages : roi / princesse / dragon /chevalier / facteur.
Deuxième étape
Pour renforcer la motivation des élèves dans la réécriture de leurs premiers jets, les enseignants proposent une activité peu habituelle en cours de français : la construction d'une maquette en carton représentant l'histoire racontée.
Dans un premier temps, les élèves construisent un château en carton. Puis, répartis en groupes, ils conçoivent des personnages figurant ceux du conte ; ils les fixent sur le support carton et les colorient.
Dans un second temps, le professeur invite chaque groupe à rechercher tous les substituts nominaux qu'il connaît pour désigner son personnage du conte. Par jeu de synonymie, les élèves créent une liste qu'ils fixent sous le personnage au moyen d'une petite boîte d'allumettes. Chaque groupe peut ainsi présenter aux autres la liste qu'il a créée et expliquer les mots qui suscitent des questions.
Troisième étape
La séance suivante permet l'exploitation du travail de la seconde étape : les élèves doivent chacun prendre appui sur la maquette réalisée pour écrire un second jet. Ils ont pour consigne d'éviter toute répétition dans leur production (Annexe 1 : quelques exemples de productions d'élèves, en fin de chapitre).
À l'issue de ce travail de réécriture, un questionnaire (Annexe 2 : questionnaire n° 1, en fin de chapitre) est remis aux élèves. Ce questionnaire les convie à analyser leur démarche.
Les enseignants souhaitent interroger par ce biais les procédures de travail des élèves et les représentations qu'ils se font de leur propre démarche.
Sur 50 élèves, 46 ont répondu au questionnaire : les données recueillies font l'objet d'une première série statistique. Ces constats permettent d'établir ultérieurement des comparaisons avec le travail qui est proposé, en fin d'année, dans une quatrième et dernière étape.
Quatrième étape
Six mois après la troisième étape, les enseignants relisent à haute voix le conte télégramme. Un questionnaire est proposé aux élèves (Annexe 2 : questionnaire n° 2, en fin de chapitre) : ils doivent se remémorer le plus grand nombre possible de mots inscrits dans les listes conçues six mois plus tôt et ce, pour chaque personnage (princesse, roi, chevalier, dragon, facteur). Le questionnaire s'achève par une question plus personnelle : Parmi les mots dont tu te souviens, y a-t-il un ou plusieurs mots qui t'ont particulièrement marqué ? Peux-tu expliquer pourquoi ?
Les données recueillies font l'objet d'une seconde série Statistique qui permet d'établir des comparaisons avec le travail de l'étape 3.è
Critères distinctifs | Aide | Tutorat | Entraide (apprentissage collaboratif) | Travail en groupe (apprentissage coopératif) |
---|---|---|---|---|
Rapport au savoir |
Dissymétrie |
Dissymétrie |
Symétrie |
Symétrie |
Initiateur de la situation |
Les élèves |
L'enseignant et les élèves |
Les élèves |
L'enseignant |
Échanges, interactions |
Non structurés (à l’initiative des élèves qui ressentent le besoin d’être aidés) |
Structurés (à partir des repères fixés par la formation initiale) |
Non structurés (partage, mise en commun des savoirs) |
Structurés (principe d’interdépendance) |
Contrôle de l’enseignant |
Faible (autonomie des élèves) |
Intervient auprès des tuteurs en cas de dysfonctionnement |
Faible (autonomie des élèves) |
Réel (observation des groupes) |
Responsabilisation des élèves |
Faible, en raison de l’absence de contrat |
Contrainte par l’obligation de demander de l’aide en cas de blocage |
Incertaine (à la discrétion de chacun) |
Garantie par l’interdépendance |
Équité entre élèves |
Selon l’initiative des élèves |
Le tutoré est débloqué, le tuteur est le plus en activité cognitive et valorisé |
Improbable (organisation libre des groupes) |
Impossible (caractère hétérogène des groupes) |
Rôles tenus par les élèves |
Risque de pervertissement de l’activité |
Risque d’étiquetage |
Risque d’émiettement |
Risque de spécialisation |
Apprentissages visés |
Savoirs scolaires, en lien avec les tâches prescrites |
Savoirs scolaires (tutorés) et habiletés de transfert cognitifs (tuteurs) |
Savoirs non fondamentaux : esprit critique, raisonnement, découverte collective |
Savoirs fondamentaux liés aux différentes activités scolaires |
Lecture dramatique | Lecture dramaturgique | Lecture scénique |
Lecture du texte dramatique |
Le texte en tension vers la scène |
La réception du spectateur |
Principalement centrée sur le texte, les données textuelles |
Le texte lu pour être dit, joué, mis en scène dans un espace scénique. Du texte à la scène et de la scène au texte |
Le texte, le jeu des acteurs/personnages, l'espace scénique, les mouvements, les décors, les costumes, les éclairages |
Importance de la contextualisation par rapport à l'actualisation Entre implication et distanciation du lecteur Entre compréhension et interprétation |
Entre contextualisation et actualisation. Avec forte implication du lecteur et distanciation moins importante Entre importance de l'interprétation et compréhension |
La réception scénique d'une actualisation/interprétation du texte Entre forte implication émotionnelle et sensible et distanciation. Entre compréhension et interprétation |
Familles d'indicateurs dans l'étude originelle… |
… pour une identification des postures |
Valeur de la posture pour décrire la relation du lecteur avec le texte toujours dans la recherche originelle |
Famille d'indicateurs actualisée à l'issue de la nouvelle recherche |
Non observée |
Texte-obstacle |
Non décrite |
Expression de la difficulté à lire, à saisir le déroulement de l'histoire et la logique des actions |
- nombre de mots - lecture partielle de la nouvelle - contresens sur la logique des actions des personnages |
Texte-tâche |
"L'élève reste en extériorité complète au texte et à la situation qui lui est proposée. Il n'est en activité ni cognitive, ni langagière, ni psycho-affective." |
- nombre de mots - lecture partielle de la nouvelle - narrativisation à visée de compréhension - lecteur absent ou périphérique - énonciation neutre |
- paraphrase simple - paraphrase explicative - résumé des actions - synthèse thématique |
Texte-action |
"L'élève lit l'histoire qui est racontée", "il met en œuvre son propre système de valeurs morales", " il joue le jeu de la fiction", "la lecture est à dominante psychologique et moraliste, voire moralisatrice", "les élèves restent à l'intérieur de l'histoire" |
- narrativisation à visée d'explication - lecteur présent, impliqué - identification aux personnages - hypervalorisation de la fable - marques du jugement de gout et du jugement de valeur |
- émotion du lecteur dite - identification du lecteur aux personnages - commentaire, jugement moral, normatif |
|||
- mise en relation avec le monde de l'expérience sociale - méditation philosophique, exploration d'un problème, questionnement - vocabulaire plus abstrait, généralisant |
Texte-signe |
"Le texte est lu comme une fable", "Le texte devient problème, énigme", "Le texte est perçu comme le reflet d'une réalité", "La distance avec l'histoire permet de sortir du jeu de l'illusion de réalité" |
- vocabulaire abstrait, généralisant - sens figuré, jeu des connotations |
Texte-tremplin |
"Les commentaires décollent du texte", "Le texte s'organise autour d'un point de vue", "Le texte est un prétexte" |
- actualisationa et utilisationb du texte - orientation argumentative du commentaire |
|
- lecture technique du texte sans construction de sens - lecture du texte en mettant en relation narré/narration - lecture critique et du sens du texte (point de vue sur le texte) - emploi de métalangages |
Texte-objet |
"Le lecteur expert", "L'élève arrive à mettre en relation le texte, le sens, la lecture", "L'élève se pose en dehors du texte pour pouvoir analyser le texte ", "L'élève s'est sorti de “l'agir du texte”", "Le texte est enfin dominé" |
- effets rhétoriques et passionnels de la fable - vocabulaire de spécialité - citations à valeur de preuve - énonciation neutre - lecteur absent ou une abstraction |
a. Nous retenons, parmi de nombreuses propositions, cette définition minimale de l'actualisation dans l'exercice de la lecture : "Actualiser, c'est donc d'abord rendre actif et résonnant dans notre environnement présent, pour nos subjectivités présentes, un potentiel de signification porté par les œuvres héritées du passé (proche ou lointain)" (Citton et Massol, 2020, p. 218). b. Utilisation et interprétation sont chez Umberto Eco (1992) deux modèles abstraits présents dans l'activité de lecture, avec cependant une distinction notable : en tant que sémioticien, il estime que la " libre utilisation [des textes] n'a rien à voir avec leur interprétation, bien qu'interprétation et utilisation présupposent toujours une référence au texte-source, du moins en tant que prétexte" (1992, p. 46). Annie Rouxel, dans une approche didactique des pratiques de lecture, avance que "l'utilisation du texte est avant tout signe d'appropriation du texte par le lecteur et source de sa jouissance. Elle est constitutive de l'expérience de lecture" (2007, p. 53). |
Gestes appropriatifs | Quête et gains du lecteur | Activités pratiquées à l'école, propositions didactiques |
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Prélever |
Prolonger un plaisir esthétique, incorporer le texte en soi, le posséder de manière quasi physique |
Recueil à quatre mains, anthologies, collages, surlignage, recueil de citations, carnet ou journal de lecture, apprentissage par ceur, etc. |
Reformuler |
s'approprier la pensée de l'auteur, l'assimiler à sa propre pensée |
Paraphrase, résumé, reformulation de la pensée d'autrui, exposé, synthèse, récit de lecture... |
(Se) raconter |
Exprimer des émotions, des sensations, des correspondances entre le monde du texte et son monde intérieur, garder une trace de sa lecture, la prolonger, la revivre, se comprendre... |
Autobiographie de lecteur, autoportrait, questionnaire subjectif suivant une lecture, carnet de lecture, etc. Illustration de textes au moyen d'images. |
Réécrire |
Prolonger, actualiser, réinventer, réécrire... |
Transpositions, pastiches, textes créatifs divers à la suite d'une lecture, livret de mise en scène, livret cinématographique, adaptation cinématographique, etc. |
Analyser |
Faire émerger des significations, mettre au jour des procédés stylistiques et esthétiques. |
Commentaire, critique, essai, toutes les formes métatextuelles parmi lesquelles la lecture analytique et le commentaire littéraire. |