Les règles de métier correspondent à la façon dont une
communauté professionnelle (ici la communauté enseignante)
s'accorde à un instant donné sur ce qu'est le métier (ici,
celui d'enseignant). Elles caractérisent en quelque sorte un
genre professionnel partagé par les enseignants,
indépendamment de leur discipline. [...]
L'observation de la leçon
Quatre actions sont à effectuer par le tuteur pendant
l'observation d'une leçon conduite par un enseignant
stagiaire (ES).
1. Il pose un jugement professionnel sur
l'activité de l'ES en diagnostiquant le niveau de maîtrise de
chacun des éléments constitutifs des règles de métier.
2. Il signifie l'activité de l'ES en
ciblant la ou les règles de métier à traiter prioritairement
dans l'entretien conseil c'est-à-dire le "chantier
professionnel" central ouvert par l'observation
récurrente de difficultés. [...]
3. Il étaye son jugement en relevant des
preuves tangibles identifiées lors de l'observation de
l'activité de l'ES et/ou des élèves.
4. Il conseille, c'est-à-dire qu'il note
des pistes pour faire progresser le "chantier
professionnel " repéré. [...]
La conduite de l'entretien conseil
La conduite de l'entretien conseil se décline en cinq
étapes.
1. En préliminaire, le tuteur présente à
l'ES la manière dont l'entretien conseil va se dérouler, le
rôle de chacun et les outils d'observation et de conseil
qu'il utilise.
2. Le tuteur indique les règles de métier
maîtrisées et/ou en progrès de façon succincte.
L'objectif est de réaliser une entrée bienveillante dans
l'entretien conseil afin que l'ES puisse s'exprimer sans
retenue.
3. Le tuteur aborde les règles de métier non
maîtrisées. Il convient d'en choisir un nombre
restreint pour ne pas submerger l'ES et pouvoir en
approfondir l'examen.
Si l'on constate l'absence d'une règle de métier
(ou d'un de ses éléments), le tuteur la nomme,
fournit un exemple "exemplaire" et précise
le résultat attendu lorsqu'elle est mise en œuvre, et
cela de manière ostensive parce que les règles de
métier ne sont pas discutables (le genre
professionnel).
Par exemple, le tuteur indique au stagiaire qu'il
a omis de vérifier la compréhension des consignes par
les élèves (règle de métier : présenter une
situation). Il lui fournit un exemple ("demande à
un élève de démontrer ce que tu viens de dire")
et le résultat attendu ("les élèves parviennent
rapidement à réaliser ce que tu as
demandé").
Ensuite, le tuteur s'engage avec l'ES dans une
construction collective des pistes permettant de
faire progresser le "chantier
professionnel". Celle-ci s'engage à partir de la
discussion de l'exemple afin de permettre à l'ES de
s'approprier la règle de métier (le style
professionnel). Il peut, par exemple, exprimer un
doute sur sa capacité à mettre en œuvre l'exemple
fourni ("je ne me vois pas faire ça"), le
tuteur pouvant alors lui proposer une autre piste
("tu peux questionner les élèves") qui sera
accueillie plus favorablement ("oui, je préfère
leur demander de reformuler ce que je dis en prenant
un élève au hasard"). La proposition ne doit pas
être imposée mais véritablement émerger d'une
co-construction. En effet, en l'absence de son
adhésion, tout conseil sera contre-productif en
particulier lorsque l'ES agit pour "faire
plaisir".
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Si l'on constate un usage inadéquat d'une règle de
métier (ou d'un de ses éléments), le tuteur la nomme,
donne la parole au stagiaire pour qu'il qualifie son
activité (" qu'est-ce que tu penses de ta
délivrance des consignes ?"… " c'est
peut-être un peu long") puis le tuteur la juge à
son tour ("oui, je trouve qu'elle est trop longue
pour des 6 e "). Ce jugement du tuteur peut être
en adéquation ou en décalage avec celui de l'ES, mais
il l'étaye en fournissant des preuves issues de
l'observation ("ça a duré 8 minutes" et
"les élèves discutaient"). Il rappelle le
résultat attendu d'un suivi adéquat de la règle
considérée ("ça doit être court pour que les
élèves retiennent les informations") et
multiplie les exemples ("tu pourrais intégrer des
éléments de la présentation de la situation pour
gagner du temps, par exemple, en effectuant ta
démonstration sur le terrain et non devant le
tableau", ou bien "en hiérarchisant les
informations à donner", ou encore "en
utilisant des images pour les captiver, etc.").
On s'engage ainsi dans une construction collective à
partir de la discussion des exemples.
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Le tuteur doit clairement distinguer, dans son activité de
conseil, le genre (les règles de métier) et le style (la
manière singulière dont chaque enseignant en use). Il
conseille à partir du genre professionnel même s'il peut
ponctuellement, et avec prudence, mobiliser sur le style
professionnel, en termes d'illustration et non de
prescription. Généralement, le conseil se joue dans une
double temporalité (apprentissage du genre et construction du
style) et l'objectif est bien d'amener l'ES à construire son
propre style professionnel à partir du genre
professionnel.
4. Les pistes retenues sont actées entre l'ES et
les tuteurs. La date de la visite suivante est fixée
collectivement et son objet, aider à l'accompagnement des
tentatives de mise en œuvre des propositions, précisé. Le
tuteur ne sera pas dans l'obligation d'assister à l'ensemble
de la leçon : il peut être pertinent de venir voir seulement
le moment particulier où la piste est mise en œuvre ("je
viendrai voir ta prise en main lundi prochain"). Il
apparaît également intéressant d'alterner des visites
rapprochées (du constat d'un "chantier
professionnel" jusqu'à sa finalisation) et d'autres plus
distantes afin que l'ES puisse stabiliser son activité
professionnelle et se ressourcer.
5. L'entretien conseil s'ouvre sur une
discussion, selon la même démarche [...] pour
analyser les règles de métier différées de l'intervention
devant les élèves.
Gaudin, C., Perrot, F., Chaliès, S.,
Escalie Escalié, G., Raymond, J. (2014). La visite de stage:
de l'observation au conseil à partir des règles de métier.
EPS : Revue education physique et sport,
pp.38-41.