L'acteur

La place du jeu d'acteur au cinéma

Dans une expérience célèbre, le cinéaste russe L. Koulechov affirme la force du montage. Le même plan d'un acteur méditatif, suivant le contrechamp, pourra exprimer la faim, la tristesse, le désir. On parle d'effet Koulechov.

A la différence du théâtre, l'acteur de cinéma n'est donc pas le seul moyen d'expression du film. Il est donc sans cesse pris entre ces deux postures possibles : exprimer lui-même ou de laisser les autres moyens (montage, son) exprimer. Jouer ou ne pas jouer.

Les grandes catégories de jeu

Le corps

Au théâtre, l'acteur a d'abord été un orateur avant de s'exprimer par le corps. Au cinéma, l'évolution est inverse : au temps du muet, l'acteur doit d'abord être capable d'exprimer visuellement les sentiments et les pensées.

Les gestes et les déplacements : le corps en mouvement

C. Viviani propose de distinguer la gestuelle du crédible (le personnage accomplit les gestes dictés par sa situation), et la gestuelle du théâtral (l'acteur propose son interprétation personnelle du personnage).

Pour l'étude des gestes, on sera attentif aux parties du corps en mouvement, à l'ampleur, au rythme, à la fluidité des gestes et à leur portée : l'acteur agit-il sur son environnement (sol, mur, meubles, objets...) ?

Observez les jeu de pantomime de B. Keaton dans Sherlock Junior (1924, de 6'20 à 10'20).

Les attitudes et les expressions : le corps figé

Pour les attitudes et les expressions, on sera attentif à l'orientation du corps et du visage, aux durées des poses.

Les premiers acteurs du muet avaient un jeu très stylisé, fondé sur des poses très théâtrales. Peu à peu, un jeu plus naturel s'impose avec des actrices américaines comme L. Gish ou J. Gaynor : le 'naturel américain'.

Comparez cet extrait de Metropolis (1927, de 55'20 à 58'20) à Sunrise (1929, de 29'20 à 32'20).

Metropolis

Sunrise

Sous-jeu et sur-jeu

Certains acteurs comme H. Bogart ou J. Wayne ont un jeu très atténué : ils bougent peu, leur visage reste assez figé : "Je n'ai que cinq expressions", aurait dit le premier à N. Ray.

D'autres au contraire s'imposent par un mouvement et une expressivité importantes. On pense aux films exigeants physiquement, comme les films d'action ou les comédies musicales.

Rio Bravo (1959, de 46'35 à 50'30).

La place particulière du visage

Les gros plans de visage sont souvent le point d'orgue des séquences.

"La possibilité de s'approcher du visage humain est l'originalité première et la qualité distinctive du cinéma."

I. Bergman, in Cahiers du cinéma, octobre 1959.

"Il n'y a rien au monde qui puisse être comparé à un visage humain. C'est une terre qu'on n'est jamais las d'explorer, un paysage (qu'il soit rude ou paisible) d'une beauté unique."

C. Dreyer, réflexions sur mon métier, Paris, Cahiers du cinéma, 1983.

"Quand on photographie un visage, on photographie l'âme qui est derrière"

J. L. Godard, Le Petit soldat, 1960.

J. L. Godard, Le Petit soldat, 1960, de 23'20 à 28'20.

La voix

Avec l'apparition du parlant, la voix est devenue une partie essentielle du métier d'acteur.

Certains acteurs se caractérisent par une voix particulière : un accent (W. Herzog), une texture (J. Réno), un débit (C. Grant dans les screwball comedies, W. Allen).

Histoire du jeu dans le cinéma hollywoodien

Le typecasting et la métamorphose

Le typecasting est la pratique qui consiste à identifier un acteur avec un certain type de rôles. Cette pratique est une tendance récurrente de l'industrie hollywoodienne. Cependant, même à l'époque du cinéma classique hollywoodien, on demande aux acteurs de savoir faire évoluer leur personnage.

Spencer Tracy est un acteur de la période classique hollywoodienne qui a souvent joué le rôle de l'américain ordinaire, du brave type. Comparez la première et la seconde partie de Fury (1936).

l'adieu de Joe et de Katherine (de 3' à 7')

les retrouvailles de Joe et de Katherine (de 81'10 à 85'10)

La Méthode et l'Actors Studio

S'inspirant des théories de Stanislavski sur l'acteur, un certain nombre d'artistes se regroupent pour former une association avec pour but de permettre aux acteurs de se perfectionner.

L'acteur L. Strasberg en devient le directeur artistique. Sous sa direction, l'Actor Studio devient un centre de formation influent. Sa doctrine est connue sous le nom de Méthode.

L'acteur doit chercher dans sa propre mémoire affective les ressources dont il a besoin pour faire vivre son personnage. La Méthode laisse beaucoup de liberté à l'acteur, et donne une grande place au corps de l'acteur.

Comparez les prestations des deux acteurs.

J. Mason, acteur britannique

M. Brando, acteur américain formé à l'Actors Studio

J. L. Mankiewicz, Julius Caesar, 1953 (de 66'35 à 76'55).

Le réalisateur et l'acteur

Les réalisateurs s'entourent souvent d'acteurs avec lesquels ils ont une relations particulière : A. Kurosawa et T. Shimura ou T. Mifune ; R. Rosselini et I. Bergman ; J. L. Godard et A. Karina ; M. Scorcese et R. de Niro.

Cette collaboration peut être cordiale, proche ou violente. Le réalisateur allemand W. Herzog a réalisé un documentaire sur sa collaboration avec l'acteur K. Kinski nommé Ennemis intimes (1998).

Bibliographie

Pour commencer

Jacqueline Nacache, L'acteur de cinéma, Armand Colin, 2005.

Pour aller plus loin

Christian Viviani, Le Magique et le vrai, coll. Raccords, éd. Rouge profond, 2015.