Quand on évoque les démonstratifs on pense habituellement à des éléments déictiques qui sont censés montrer en quelque sorte du doigt des référents visibles dans la situation d'énonciation. En réalité, la valeur du démonstratif, qu'il soit déterminant ou pronom, ne se ramène pas à ce geste élémentaire d'ostension comme le révèlent nombre de ses emplois (en particulier les anaphores ou les formes renforcées en ci / là).
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
Pronoms ou déterminants, les démonstratifs sont construits sur une base c- et susceptibles d'une forme simple et d'une forme renforcée qui utilise -ci / là. Le déterminant varie en genre au singulier mais le pluriel neutralise cette opposition. À la forme renforcée le nom s'intercale entre la partie variable et la partie invariable du déterminant. Les éléments de la série celui-celle-ceux-celles sont toujours déterminés par un complément, dans leurs emplois anaphoriques ( « Mon chien est malade; celui de Sophie non / *celui non » ) comme dans leurs emplois non anaphoriques ( « Ceux qui ont de l'argent s'en sortent toujours » / «*Ceux s'en sortent toujours » ). En revanche, la série en celui-ci n'a pas besoin de détermination supplémentaire : « Je préfère celui-ci.». Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition ) |
Les pronoms démonstratifs se répartissent en une série simple et une série composée ( élargie par les adverbes de lieu "ci" et "là" ). Les formes variables en nombre et en genre s'y opposent aux formes neutres "ce", "ça", "ceci", et "cela" qui ne se rencontrent qu'au singulier. Grammaire méthodique du français, Riegel, Pellat, Rioul, PUF, 1994 |
En employant le démonstratif déictique le locuteur réfère à un objet qui est présupposé exister et se trouver dans l'environnement immédiat de l'occurrence de ce démonstratif. Comme pour tout embrayeur,il faut donc prendre en compte le moment et le lieu de l'énonciation. Mais le démonstratif est beaucoup moins précis que des embrayeurs comme je ou demain, lesquels fixent un référent bien identifié: hors d'une énonciation singulière, ce + Nom et ça visent un référent indéterminé. Bien souvent le démonstratif désigne un référent que l'on ne peut pas isoler et montrer effectivement: cette nuit, cette vie... On ne peut pas disjoindre les emplois anaphoriques et déictiques. Dans:
les démonstratifs jouent un rôle comparable, permettant de référer de manière directe à un objet présent dans le contexte énonciatif,mais la notion de « contexte » n'est pas identique dans les deux cas. On peut distinguer en effet entre : - les déictiques anaphoriques pour lesquels le contexte estd'ordre textuel ( « co-texte » ) ; - les déictiques situationnels dont le contexte est l'environnement physique des interlocuteurs. Il existe toutefois des emplois où le déterminant démonstratif n'est ni un déictique anaphorique ni un déictique situationnel, mais où sa référence est donnée par le groupe nominal même qu'il introduit. Certains parlent d'emploi « cataphorique » mais cette dénomination ne fait pas l'unanimité car il n'y a pas dissociation entre l'élément cataphorique et l'élément qu'il est censé reprendre. Ce démonstratif entre dans trois structures distinctes : - la généralisation de cas particuliers: « L'homme portait cette veste à carreaux que les marins affectionnent. » La subtilité de ce tour est de susciter une connivence avec le destinataire; on feint delui rappeler un référent qu'en fait il reconstruit grâce aux éléments qui complètent le nom ; - le rappel d'une expérience personnelle: « Élise songea à cettemaison qu'elle aimait tant » ; - une relation d'identité entre le nom tête et son complément :« Ta solution a cet avantage qu' elle ne dérange personne » ( = ne déranger personne est un avantage ). Les pronoms ceci, cela, ça permettent de désigner des référents qui ne sont pas rangés dans une catégorie: « Prends ceci ! », « Tu appelles ça comment ? ». On comprend que s'en servir pour référer à un humain soit très péjoratif: on le présente comme innommable.On l'a vu, ça, et plus rarement cela, peuvent reprendre un GN à valeur générique. Ces pronoms sont également très utilisés pour les anaphores résomptives quand il faut reprendre une unité de taille égale ou supérieure à la phrase, unité par définition dépourvue de genre et de nombre :
Mais l'emploi de ceci anaphorique est peu fréquent, si l'on excepte des tours tels ceci dit.. Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition ) |
2.1. Le déterminantLe démonstratif sert à référer à une réalité présente dans la situation, y compris dans le contexte proprement linguistique. A la différence de l'article défini, la désignation qu'il opère ne passe pas d'abord par la prise en considération du concept signifié par le reste du GN. Dans ses emplois déictiques, il désigne un référent présent dans la situation de discours ou accessible à partir d'elle. Dans ses emplois non déictiques, il identifie anaphoriquement un référent déja évoqué au moyen d'une description identique ou différente. 2.2. Le pronomLes formes simples masculines ou féminines, sont des "symboles incomplets" qui reprennent le contenu lexical et le genre d'un nom antécédent ( ou de la forme lexicale associée à un référent présent dans la situation ), mais en modifient le nombre et les déterminations à de nouvelles fins référentielles. Aussi sont-elles toujours déterminées par un modificateur. Les formes composées variables "celui-ci", etc. toujours employées sans modificateur, véhiculent les mêmes valeurs anaphoriques et déictiques que le déterminant démonstratif. Elles peuvent prélever un ou plusieurs référents sur l'ensemble dénoté par le GN antécédent ( "Vos livres ne sont pas cher, je prends celui-ci" ) ou désigner de nouveaux référents à partir du contenu notionnel d'un nom antécédent ( "Pour le prix de ce seul livre, je peux acheter tous ceux-là" ). En emploi déictique, elles désignent un référent accessible dans la situation de discours. Les formes composées neutres "ceci", "cela" et "ça" servent à désigner déictiquement des référents non catégorisés, voire à décatégoriser péjorativement un référent en lui refusant sa dénomination usuelle. Elles anaphorisent aussi les antécédents dépourvus de genre et de nombre que sont les propositions ou les segments textuels plus larges. Enfin, en alternance avec "ce", elles reprennent un antécédent ( souvent générique ), dont elles neutralisent le genre et le nombre. Grammaire méthodique du français, Riegel, Pellat, Rioul, PUF, 1994 |