On parle parfois, abusivement, de « conjugaison passive » alors que le passif n'a pas de morphologie propre, combinant seulement le verbe être et un participe passé. D'un point de vue syntaxique, le passif est souvent décrit comme un double mouvement de montée de l'objet direct en position de sujet et de descente du sujet en position de complément d'agent; mais cette présentation est trompeuse, car elle marginalise à tort les passifs sans complément d'agent et les passifs impersonnels.
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
Forme de phrase définie par opposition à l'actif, le passif s'y oppose par trois modifications: l'interversion du sujet et de l'objet, une modification sur le verbe désormais conjugué avec l'auxiliaire être, et la présence d'une préposition devant le complément, dit complément d'agent ( introduit par "par" ou "de". Le complément d'agent est très souvent supprimé. Il est introduit par la préposition "par", et plus rarement "de". La grammaire traditionnelle tente de le définir sémantiquement comme exprimant l'agent par qui une action est accomplie, avec le risque de la confondre avec le sujet. Il est donc préférable de le définir par le rapport structural qu"il entretient avec le sujet actif, ce qui lui donne une définition plus ou moins stricte selon l'extension que l'on donne au passif. "Les papiers sont jaunis par le soleil" et "les papiers jaunissent au soleil" ( de "le soleil jaunit les papiers" ); "Pierre tomba sous le choc" ( de "le choc fit tomber Pierre" ). La Grammaire d'aujourd'hui, Arrivé, Gadet, Galmiche, Flammarion, 1986 |
On parle de « passivation » parce qu' on met en relation des phrases du type : (1) Le lion a mangé le rat et : (2) Le rat a été mangé par le lion On considère qu'il s'agit du même verbe et que les relations entre ce verbe et les deux GN, le lion et le rat, sont identiques dans les deux phrases: bien que le sujet syntaxique varie, le lion reste le mangeur et le rat le mangé. Il n'y a pas symétrie entre sujet de la passive et complément d'agent: l'objet de l'active quitte une position directe pour une autre position directe, celle de sujet, tandis que le sujet de l'active devient complément en par. En outre, le sujet de la passive est obligatoire alors que la présence du complément d'agent est facultative ( « Le rat a été mangé » ). D'un point de vue morphologique, le verbe combine être et un participe passé. Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition ) |
Tous les verbes transitifs directs ne sont pas passivables. C'est en particulier le cas de :
- avoir, comporter, contenir...;
- les verbes de mesure (peser, valoir...) ;
- les verbes d'état (être, devenir...) qui sont suivis d'un GA ;
- les verbes d'odeur (sentir, puer...) ;
- beaucoup de locutions verbales (faire les pieds, prendre son temps, prendre la mouche...).
Ces verbes ont en commun d'être difficilement rapportables à un agent, à une instance qui puisse déclencher un processus.
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
Quand le complément d"agent est supprimé, le passif peut être confondu avec un état. Quand un perfectif n'est pas suivi d'un complément, Il exprime l'état faisant suite à un procès achevé. Par contre, pour les perfectifs suivis d'un complément et pour les imperfectifs, la forme passive exprime un procès ayant un correspondant actif. La Grammaire d'aujourd'hui, Arrivé, Gadet, Galmiche, Flammarion, 1986 |
D'un point de vue interprétatif, la passive associe deux choses qui a priori s' accommodent difficilement : - la description d'un état (utilisation d'être suivi d'un participe passé, présence d'un sujet interprété non comme agent mais comme support d'une propriété) ; - l'évocation d'un processus, d'un événement, grâce au verbe au participe passé. C'est l'association de deux verbes dans la même phrase (être et le verbe au participe) qui permet cela. Selon les cas, la phrase passive prendra une valeur plus ou moins stative. Il suffit en effet d'ajouter des « circonstants » (un agent, une précision de temps ou de lieu...) pour accentuer le caractère événementiel de l' énoncé. Comparons ainsi : ( 1) le renard est vacciné (2) le renard a été vacciné hier (3) le renard sera facilement vacciné par le vétérinaire Dans l'énoncé (1), on décrit un état, tandis que dans les énoncés (2) et (3), il s'agit davantage d'un événement, inséparable de divers circonstants. Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition ) |
Dans la mesure où le passif n'a pas de morphologie propre et se définit avant tout par diverses opérations syntaxiques, il n'y a pas de raison en effet pour ne pas parler de passif pronominal pour des exemples tels ceux -ci :
(1) les fleurs se vendent mal
(2) Un chiot s'élève avec sévérité
Il y a bien ici montée du c.o.d. en position de sujet, mais ce sujet continue à être interprété comme l' objet du verbe. À la différence du passif en être, le passif pronominal peut exprimer le non-accompli; en outre, il ne se combine pas avec un complément d'agent, bien qu'il ait toujours un agent implicite. Au lieu d'exprimer un état, il exprime souvent une propriété et une valeur modale de possibilité ou d'obligation. On parle de construction médio-passive quand il y a effacement de tout agent implicite :
la fenêtre s'est cassée
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
Il peut y avoir morphologie et interprétation passives sans GN objet en position de sujet. Ce cas de figure est illustré par les passives impersonnelles ( « Il a été perdu un portefeuille noir ». Dans les passives impersonnelles, la position sujet est occupée par un il invariable. Comme le GN objet n'est pas mis en position de sujet, il n'est pas nécessaire que le verbe soit, comme dans les passives canoniques, transitif direct :
Il a été beaucoup couru sur cette piste
*Cette piste a été courue
Il a été recouru à l'impôt
*l'impôt a été recouru
Mais cette construction impose que le GN objet soit non-défini ( « *Il a été égaré les livres de Paul »), comme pour lesimpersonnelles extraposées ( « *Il vient les soldats / Il vient des soldats » ). Cette contrainte n'est donc pas liée à la passivation.
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
On est obligé de se demander si la notion de passif concerne aussi les GN dont la tête est un nom « déverbal ». Dans un GN tel :
La réfection du toit par le couvreur
Il y a là matière à discussion: faut-il proposer une définition du passif assez large pour englober les phrases et ce type de GN ou n'y a-t-il qu'une simple analogie entre ces GN et les phrases passives ?
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
L'effet essentiel du passif est de modifier le thème de la phrase. Cependant, certaines mises au passif peuvent avoir pour effet de modifier radicalement le sens. C'est le cas de phrases comportant une opération logique ( quantificateurs, négations ). Dans la mesure où il est formellement plus lourd que l'actif, le passif implique une recherche, qui permet au locuteur: - de ne pas exprimer l'identité du responsable du procès, grâce à la possibilité de supprimer le complément d'agent; - de faire porter l'attention sur l'information qui paraît primordiale au locuteur; - de faciliter la liaison avec une autre phrase; - de restituer un ordre préférentiel sujet bref/complément long. La Grammaire d'aujourd'hui, Arrivé, Gadet, Galmiche, Flammarion, 1986 |
Comme le passif modifie la position des arguments objet et sujet du verbe et permet d'effacer l'agent, il a une incidence sur l'enchaînement des énoncés dans le discours. En ne mentionnant pas l'agent, on peut faire porter la thématisation sur le GN qui joue le rôle de complément. Que l'on compare : (1) Paul a été vu avec Sophie et : (2) Luc a vu Paul avec Sophie où l'exemple (1) élimine l'agentivité de voir pour tout focaliser sur Paul. Dans la progression d'un texte, la passivation met l'objet direct en tête, facilitant ainsi certains enchaînements d' énoncés. Dans : Paul a réussi. Il a été élu député il se trouve en position initiale, grâce au passif, ce qui renforce la continuité thématique: Paul et il sont tous deux en position sujet. Indépendamment des enchaînements d'énoncés, le passif facilite la focalisation sur l' objet direct; ainsi dans un titre de journal : Trois soldats sont tués par une mine Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition ) |