Les verbes précédés d'un clitique me, te, se, nous, vous sont dits « à la forme pronominale » si leur sujet se trouve à la même personne. Mais comme les énoncés de type pronominal ont des propriétés syntaxiques et des interprétations très variées il apparaît difficile d'établir l'homogénéité de cette catégorie, qui implique à la fois desphénomènes syntaxiques (les structures des phrases) et lexicaux (le sens des verbes) .
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
On qualifie traditionnellement de "pronominales" les formes verbales qui présentent une double caractéristique formelle: elles se construisent avec un pronom personnel conjoint ( objet direct ou indirect datif ) réfléchi ( c'est à dire coréférentiel au sujet ); elles forment leurs temps composés à l'aide de l'auxiliaire être - une caractéristique qu'elles partagent avec un petit nombre de verbes perfectifs comme "aller", "venir", "sortir", "naître", etc. Grammaire méthodique du français, Riegel, Pellat, Rioul, PUF, 1994 |
L'ensemble des formes pronominales des verbes partage deux traits : - devant le verbe (se laver) ou l'auxiliaire (s'être lavé) se trouve un clitique dit « réfléchi », le plus souvent complément du verbe, variable en personne, par accord avec les sujets de la phrase. À l'impératif il est adjoint à droite du verbe et se transfonne en pronom tonique: « Soigne-toi », « Évanouis-toi », « Offre-toi un livre ». Mais si l'impératif est négatif, il n'y a pas postposition :« *Ne lave pas toi ». - les formes pronominales ont le verbe être pour auxiliaire aux formes composées: « Il a lavé » mais « Il s'est lavé ». Même avec cet auxiliaire le verbe conserve ses propriétés de verbe transitif; s'il y a lieu, il peut ainsi avoir d'autres compléments que le réfléchi: « Il s'est donné à son travail ». Le fait que la présence du réfléchi déclenche le passage de l'auxiliaire avoir à l'auxiliaire être constitue un phénomène remarquable, qui rappelle la passivation. Ce phénomène semble lié à la disparition du complément d'objet (devenu sujet dans la passive ou réfléchi dans les formes pronominales). Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition ) |
La construction pronominale est une propriété des verbes qui admettent les deux types de constructions ( par exemple "se gratter"/"le gratter"/"gratter quelqu'un" ). Les constructions pronominales de ces verbes se subdivisent à leur tour en deux catégories distinctes par la forme et par le sens: les constructions pronominales réfléchies ( "le chien se gratte" ) et passives ( "un billet de tacotac se gratte avec l'ongle" ).
Grammaire méthodique du français, Riegel, Pellat, Rioul, PUF, 1994
L'interprétation réflexive assimile le verbe à une relation qui unit un élément à lui-même ( si le sujet est un singulier non-collectif ) ou chacun des éléments d'un ensemble à lui-même ( si le sujet est un singulier collectif ou un pluriel ). Jean s'est vêtu d'un costume. Le couple s'est sacrifié pour leur fils. Grammaire méthodique du français, Riegel, Pellat, Rioul, PUF, 1994 |
La plus immédiate, celle qui donne son nom au clitique, est l'interprétation réfléchie. Il s'agit de verbes transitifs dont l'objet direct ou indirect est coréférentiel du sujet: « Paul se voit » = « Paul voit lui-même ». Il y a donc complémentarité entre le et se: le premier a son antécédent hors de la phrase, le second dans la phrase. C'est là une situation très particulière dans la langue, qui exclut en général que deux GN de la même phrase puissent avoir le même référent (sauf s'il s'agit d'appositions ou d'attributs). Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition ) |
L'interprétation réciproque exprime une multiplicité de relations croisées entre les éléments d'un ensemble, sans que le procès verbal intervienne nécéssairement entre tous les couples possibles de membres. Pierre et Paul se serrent la min. Ils se détestent cordialement. Grammaire méthodique du français, Riegel, Pellat, Rioul, PUF, 1994 |
Mais la forme pronominale permet aussi de marquer la réciprocité, pour peu que le sujet ne soit pas unique. Avec : les enfants se regardent on hésitera entre la valeur réfléchie (chaque enfant se regarde) et la valeur réciproque (les enfants se regardent les uns les autres). La présence de l'un l'autre/les uns les autres permet de lever l'ambiguïté. Certains verbes donnent à la forme pronominale une interprétation de succession : les jours se suivent... Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition ) |
Un certain nombre de verbes subissent une modification sémantique quand ils passent à la forme pronominale: réveiller/se réveiller; promener/se promener; endormir/s'endormir, etc. On ne peut pas parler ici d'interprétation réfléchie (s'endormir = « endormir soi-même » ), mais on ne peut pas dire non plus qu'il s'agisse d'un autre sens du verbe. La difficulté vient du fait que le procès se déroule à l'intérieur du sujet, qui n'agit pas sur quelque chose d'extérieur.
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
Le pronom complément d'un verbe essentiellement ( ou intrinséquement ) pronominal ne commute ni avec une forme pronominale non réfléchie ni avec un complément nominal ou propositionnel. S'évanouir, se démener, s'écrouler, s'arroger, se souvenir, se méfier, etc. On range dans la catégorie des verbes pronominaux autonomes les verbes pronominaux qui apparaissent également dans des constructions pronominales, mais avec un sens lexical différent et éventuellement une autre construction. tromper/se tromper, plaindre/se plaindre, etc. Grammaire méthodique du français, Riegel, Pellat, Rioul, PUF, 1994 |
Il existe une classe de verbes, dits intrinsèquement pronominaux, qui n'ont d'emploi que pronominal: s'arroger, s'évanouir, se souvenir, etc. Dans ce cas, on est en droit de se demander si le réfléchi possède encore un statut de complément, s'il n'y a pas lexicalisation complète. À côté de ces verbes, il en existe qui disposent d'une forme pronominale et d'une forme non pronominale, mais de sens distincts : douter/se douter, ennuyer/s'ennuyer, appeler/s'appeler, imaginer/s'imaginer, etc. On est tenté d'y voir des verbes distincts en raison de l'absence de régularité dans la relation entre les deux formes. Ces deux groupes de verbes correspondent à des classes sémantiques particulières; il s'agit surtout de verbes pour lesquels la transitivité n' a pas grand sens puisque leur agent est en même temps le siège du procès: pour des raisons physiques (s'évanouir) ou psychologiques (se souvenir...). "Se" associé à un verbe habituellement non-pronominal peut induire une valeur aspectuelle imperfective, au présent et à l'imparfait. On connaît le fameux « Madame se meurt » de Bossuet. Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition ) |
Un verbe qui peut entrer dans une construction passive peut également entrer dans une construction moyenne (ou passive pronominale) dans laquelle le GN qui s'interprète comme l'objet direct se trouve en position de sujet et où le verbe est précédé de se: « Ce tissu se mouille facilement. » Au présent, cette construction possède souvent une valeur générique. C'est la présence d'un agent implicite qui distingue ces constructions moyennes des médio-passives :
les chandelles se sont éteintes
la branche s'est rompue
Ici l'agent est éliminé du procès et il n'y a aucune interprétation passive. Quand on rétablit un agent implicite on retrouve l' interprétation moyenne ( « Les chandelles se sont éteintes difficilement » ).
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
Il existe des constructions impersonnelles avec se :
Il s'est dit tant de choses
Il s'est vu des gens pour le critiquer
Comme dans la passivation, le sujet sémantique appelé par le verbe n'occupe pas la position de sujet de la phrase (il est en effet éliminé) et la morphologie du verbe, est modifiée (par la présence de se). Le GN objet occupe sa place normale et doit être non-défini. Une telle construction implique la présence d'un agent mais celui-ci doit rester indéterminé. Elle est souvent très maladroite en l'absence de circonstants, qui donnent un cadre spatio-temporel :
*II se boit du vin
Il s'est bu beaucoup de vin ici autrefois
Il s'agit de constructions en relation systématique avec les constructions moyennes: « Il se dit tant de choses » / « Tant de choses se disent », « Il s'est bu beaucoup de vin » / «Beaucoup de vin s'est bu », etc.
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
Dans la langue familière on trouve un emploi d'un réfléchi datif qui permet de marquer l'intéressement du sujet au procès, dont il se donne à la fois comme l'agent et le bénéficiaire :
On se prend un bain
Je me mange un petit morceau
Le point remarquable est que les verbes auxquels sont associés ces réfléchis ne sont pas nécessairement des verbes qui appellent des compléments en à + GN: « Paul se prend un bain » / « *Paul prend un bain à lui-même ». Il y a donc une autonomie de ces clitiques par rapport à la complémentation du verbe.
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )
Traditionnellement on considère se comme un pronom réfléchi, mais sa valeur de réfléchi ne correspond qu'à une part restreinte de ses emplois, comme on a pu le voir. En outre, à la différence des pronoms substituts habituels, il est invariable en genre et en nombre. Dans ces conditions on peut hésiter entre deux hypothèses :
- le considérer quand même comme un pronom et faire des emplois non réfléchis des « extensions » de sa valeur réfléchie ;
- renoncer à voir en lui un pronom et le considérer comme une sorte d'opérateur très abstrait qui marque par exemple que le procès se retourne vers le sujet ou qu'un complément d'objet a été supprimé.
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )