Drame

Le drame ( du grec drama ) désigne parfois toute oeuvre dramatique. C'est dans ce sens qu'il s'introduit au XVIIIe siècle:"Poème composé pour le théâtre et représentant une action soit comique soit tragique." ( Académie, 1762 ). Mercier souligne que c'est le "mot collectif, le mot originel, le mot propre" ( 1773 ). Il est concurrencé, dans cet emploi, par le mot de comédie ( on opposait autrefois le théâtre de comédie au théâtre lyrique ).

Mais dès le XVIIIe siècle, il désigne soit un genre neutre dont la définition est, en quelque sorte, négative, celui des pièces qui ne relèvent ni de la comédie ni de la tragédie, soit un genre intermédiaire, mixte, entre comédie et tragédie.

Lexique des termes littéraires, coll. Livre de Poche, éd. LGF, 2001

En grec, le mot drama signifiait action. Aussi le drame est-il d'abord synonyme du théâtre lui-même et il désigne toute pièce écrite pour le théâtre. A partir du XVIIIe s., l'usage du mot se restreint aux seuls textes sérieux qui se distinguent de la tragédie et de la comédie. Le drame désigne aujourd'hui une pièce sérieuse mais non tragique.

Dictionnaire du littéraire, coll. Dicos poche, éd. Quadrige / PUF, 2002

1. Histoire du genre

1.1. Gestation et naissance du genre

Parce qu'il échappe à l'inventaire des genres dénombrés par Aristote, le drame désigne une réalité résiduelle: il n'est ni comique, ni tragique. Cette imprécision lui permet d'être repris comme une catégorie indécise, composée de traditions ou d'innovations diverses. En Grèce, le drame satyrique, consacrant des traditions religieuses ou théâtralisant un thème ancien, était présenté en accompagnement à la tragédie. Au Moyen Age, le drame liturgique ou le drame biblique est un rituel mis en jeu scénique, une action dramatique inspirée de la Bible ou des vies de saints et insérée dans certains offices religieux. La naissance d'une forme dramatique originale, distincte à la fois de la comédie et de la tragédie et située dans un mélange de ces deux genres, est cependant plus tardive. Pressentie dans certaines pièces de Shakespeare, dans les comédies héroïques et les tragi-comédies de Corneille, l'idée d'un genre sérieux mais non tragique, écrit en prose, mettant en scène des personnages et des problèmes contemporains, se fait sentir au XVIlle s. de manière plus pressante dans les comédies morales de Destouches et les comédies larmoyantes de Nivelle de la Chaussée.

Certains ( seconde moitié du XVIIIe siècle ) appelleront drame, puis drame bourgeois ce que Diderot appelle tragédie domestique ou comédie sérieuse. A la même époque nait le drame historique; un peu plus tard, au tournant du XVIIIe siècle et du XIXe siècle, le mélodrame, puis le drame romantique et enfin le drame symboliste. L'influence de l'Allemagne, dont le théâtre se constitue en grande partie contre les modèles classiques français, et la découverte de Shakespeare en France contribuent à imposer de nouvelles formes de théâtre sérieux et ambitieux qu'on nommera drames. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe , chez Maeterlinck, Strindberg, Tchekhov , Hauptmann, Wedekind, Rolland, Claudel, on voit se dessiner un univers qu'on peut imputer au drame.

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1.2. Premières définitions

Le drame trouve sa formalisation dans Le fils naturel et les Entretiens avec Dorval sur Le fils naturel (1757) de Diderot. Celui-ci nomme cette nouvelle forme "genre dramatique sérieux"; on l'appellera bientôt drame bourgeois. Après Diderot, Beaumarchais (Essai sur le genre dramatique sérieux,1767) et Mercier (Du théâtre, 1773,) réaffirment les grands principes constitutifs du drame: vérité, sensibilité et moralité, ce qui en fait une sorte d'hymne à la vertu. Le genre, qui répond ainsi au goût d'un public où la bourgeoisie occupe une place accrue, trouve alors ses premières réalisations en France, sous la plume de Diderot, Beaumarchais (La; mère coupable, 1792), Sedaine et Mercier; mais elles restent limitées en nombre et en succès. Le genre se développe aussi en Angleterre (Lillo et Steele), en Allemagne (Gellert, Gemmingen et Lessing) et en Italie (Goldoni) où il contribue au déclin de la commedia dell'arte. Cette pratique du drame reste vivante jusqu'à la Révolution, après laquelle triomphe le mélodrame (qui influence le drame romantique).

Redéfini par Lessing (La dramaturgie de Hambourg, 1767-1769), et composé par Schiller, Goethe, Kleist et Büchner, le drame trouve un second souffle dans le romantisme, tant en Allemagne qu'en France où Dumas connait le premier succès romantique avec Henri III et sa cour (1829). Empruntant ses sujets à l'histoire, renouvelant la no-

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2. Un genre ouvert

Le drame n'a pas de caractéristiques formelles précises, ce qui le distingue de la tragédie. Il ne vise pas principalement à faire rire, même s'il peut contenir des passages comiques. Il peut s'accommoder du vers comme de la prose. Il peut s'achever par une fin heureuse ou, au contraire tragique. Il peut être proche du roman, de la tragédie, de la haute comédie ou ressusciter le souvenir du drame religieux médiéval. L'intérêt de ce mot, dans l'histoire des formes dramatiques, réside précisément dans la souplesse et la diversité de ses acceptions et des concepts qu'il désigne. Il renvoie encore aujourd'hui, dans la presse spécialisée, à une catégorie de films ( drame psychologique, comédie dramatique ).

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Dès les premières manifestations du drame, théorie et pratique théâtrales sont intimement liées. Né dans la contestation de la tradition, le drame est modelé du même coup par une nouvelle conception de la mise en scène et du jeu de l'acteur, visant à produire une plus grande illusion dramatique et à provoquer la sympathie pour les personnages ou les actions représentées. il est remodelé plusieurs fois selon la conception de la scène romantique ou naturaliste, avant d'être fondamentalement remis en question, au XXe s., parArtaud et Brecht. De même, l'histoire du drame répond comme en miroir à celle du public de théâtre dont le goût et les attentes redéfinissent constamment l'organisation de l'action dramatique et la définition du héros, voire du personnage. Ainsi les révolutions anti-bourgeoises rejettent-elles caduque une certaine représentation des valeurs de la bourgeoisie, de même que lespublics d'avant-garde goûtent davantage l'anti-drame que le drame proprement dit.

Définir une poétique du drame devient ainsi une entreprise fort périlleuse: il ne s'agit pas d'un genre fixe, régi par des règles stables, mais de plus en plus d'une forme qui, selon Lioure, aurait progressivement absorbé tous les genres et tous les registres du théâtre. On peut certes retenir des critères formels simples: plus d'unité d'action, de temps, de lieu, et l'utilisation de tableaux (qui, au besoin, se substituent aux actes et scènes) mais le plus important est la logique structurelle. Les textes de Sartre, de Camus et afortiori de Beckett et d'Ionesco sont des drames au sens original du terme: une action organisée par une série de conflits successifs, trouvant leur résolution (unique) dans une fin qui montre une réalité nouvelle. Pour Sarrazac, si le drame ressuscite aujourd'hui [...], c'est en s'émancipant définitivement de la notion de genre". Cette position est toutefois marginale, tant chez les dramaturges que chez les théoriciens, et l'usage du mot pour désigner un genre tend à disparaître du discours critique.

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3. Les grandes occurences du genre

3.1. Drame bourgeois.

Expression qui désigne la forme du drame apparue au XVIIIe siècle avec les premières pièces de Diderot ( 1757-1758 ). Elle n'a guère été employée telle quelle au XVIIIe siècle et a servi surtout au XlXe siècle, où existait en effet la comédie bourgeoise, pour désigner les drames du siècle précédent. Au XVIIIe siècle, on a plutôt parlé de tragédie bourgeoise ou domestique pour souligner l'opposition avec la tragédie héroïque, de drame ou de genre dramatique sérieux ( Beaumarchais )."Bourgeois" renvoyait du reste, plutôt qu'à une définition sociologique de classe, à la vie du citoyen, du citadin et à la vie privée.

Le drame bourgeois peut ainsi porter à la scène des héros nobles ou même des rois ou des héros, mais ils sont présentés dans leur vie privée ou familiale. Le drame bourgeois s'apparente ainsi par certains aspects à la comédie larmoyante. Il est en prose plus souvent qu'en vers. Il use de ressorts pathétiques et fait appel directement à l'émotion des spectateurs. Il doit, selon Diderot, recourir aux"tableaux" plutôt qu'aux"coups de théâtre". Ses personnages doivent être conçus plutôt comme des"conditions" que comme des"caractères".

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Le drame trouve sa formalisation dans Le fils naturel et les Entretiens avec Dorval sur Le fils naturel (1757) de Diderot. Celui-ci nomme cette nouvelle forme "genre dramatique sérieux"; on l'appellera bientôt drame bourgeois. Après Diderot, Beaumarchais (Essai sur le genre dramatique sérieux,1767) et Mercier (Du théâtre, 1773,) réaffirment les grands principes constitutifs du drame: vérité, sensibilité et moralité, ce qui en fait une sorte d'hymne à la vertu. Le genre, qui répond ainsi au goût d'un public où la bourgeoisie occupe une place accrue, trouve alors ses premières réalisations en France, sous la plume de Diderot, Beaumarchais (La; mère coupable, 1792), Sedaine et Mercier; mais elles restent limitées en nombre et en succès. Le genre se développe aussi en Angleterre (Lillo et Steele), en Allemagne (Gellert, Gemmingen et Lessing) et en Italie (Goldoni) où il contribue au déclin de la commedia dell'arte. Cette pratique du drame reste vivante jusqu'à la Révolution, après laquelle triomphe le mélodrame (qui influence le drame romantique).

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3.2. Drame romantique.

3.2.1. La remise en question des canons classiques

Le drame romantique se définit d'abord par opposition à la tragédie classique, secondairement par rapport au drame bourgeois.

Depuis la fin du XVIIIe siècle, I'esthétique de la tragédie se trouvait bousculée par la découverte progressive des drames de Shakespeare, puis de Schiller, par le succès populaire de nouvelles formes dramatiques comme le mélodrame, par les critiques théoriques venues d'Allemagne ( Lessing, Schlegel ), répercutées par Mme de Staël et par Benjamin Constant. D'autre part, les bouleversements de la Révolution et de l'Empire révèlent le dynamisme de l'Histoire et présentent d'autres types de héros et d'actions que ceux du théâtre inspiré de l'Antiquité.

Cependant, le goût classique, tout-puissant sous l'Empire, soutenu par la critique et par les institutions ( l'Académie, la Comédie-Française ), restait intransigeant. D'où la violence de la polémique, dont la bataille d' Hernani ( 1830 ) ne fut que l'épisode le plus marquant. D'emblée, les deux noms de Racine et de Shakespeare cristallisèrent les oppositions. Stendhal en fait le titre du premier manifeste romantique ( Racine et Shakespeare, 1823 ).

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Redéfini par Lessing (La dramaturgie de Hambourg, 1767-1769), et composé par Schiller, Goethe, Kleist et Büchner, le drame trouve un second souffle dans le romantisme, tant en Allemagne qu'en France où Dumas connait le premier succès romantique avec Henri III et sa cour (1829). Empruntant ses sujets à l'histoire, renouvelant la notion de héros, utilisant abondamment la veine épique, le drame romantique choque d'abord par la remise en question des trois unités classiques, ycompris l'unité d'action. Dumas est bientôt suivi par Hugo, dont les représentations donnent lieu àdes polémiques (bataille d'Hernani, 1830), puis par Vigny et Musset.

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3.2.2. Esthétique du drame romantique

[Stendhal, dans Racine et Shakespeare] définit le drame à venir:"une tragédie en prose qui dure plusieurs mois et se passe en des lieux divers". Le rejet des unités de temps et de lieu est commun à tous les dramaturges romantiques.

Plus essentiel est le rejet de l'unité de ton, le mélange du comique et du tragique, du pathétique et de la fantaisie ou, comme le dit Hugo, du "grotesque" et du "sublime". C'est qu'il s'agit de faire du drame le"miroir de la totalité d'une"société"" ( A. Ubersfeld ). Le souci de la couleur locale, l'importance donnée aux costumes et aux décors ne sont que la conséquence de la volonté de refléter un moment de l'Histoire, dans sa vérité et la multiplicité de ses acteurs. C'est par là que le drame romantique s'oppose au drame bourgeois, même quand il s'en rapproche en choisissant un sujet contemporain ( A. Dumas, Antony, 1831; Vigny, Chatterton, 1835 ).

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3.2.3. Devenir du drame romantique

Le succès de la nouvelle formule ne fut jamais total. Musset, après un premier échec, renonça à faire représenter ses pièces. On ne badine pas avec l'amour, publiée en 1834, ne fut créée qu'en 1861 et Lorenzaccio, le plus shakespearien des drames romantiques, ne fut pas écrit pour la scène. Beaucoup virent un symbole dans l'échec des Burgraves. Hugo, avec le Théâtre en liberté, n'écrira plus que pour des lecteurs. L'ouverture apportée par le drame romantique fut cependant décisive et Malraux pouvait affirmer avec quelque raison que le drame qui répond le mieux aux préceptes de la Préface de Cromwell n'est pas Hernani, mais Le Soulier de satin de Claudel.

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3.3. Drame symboliste.

Né en France dans le milieu littéraire du symbolisme, à la fin du XIXe siècle, en réaction contre le naturalisme, qui incarnait l'avant-garde théâtrale, le drame symboliste a été particulièrement illustré par Axël de Villiers de l'Isle-Adam ainsi que Tête d'or ( 1889 ) et La Ville ( 1893 ) de Claudel, pièces qui d'abord n'ont pas été représentées. Il a trouvé en Lugné-Poe ( théâtre d'Art dirigé par Paul Fort, puis théâtre de l'OEuvre ) un metteur en scène inspiré. Il monte des auteurs scandinaves ( Ibsen et Strinberg ), révèle Maeterlinck ( Pelléas et Mélisande en 1893 ) et Jarry ( Ubu roi en 1896 ) avant de mettre en scène Claudel ( L'annonce faite à Marie en 1912 ).

Le drame symboliste a profondément marqué la mise en scène théâtrale: la scène offre au spectateur les éléments partiels d'un monde qui le renvoie au-delà, à un univers imaginaire ou idéal qu'il doit recréer lui-même.

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