Problématique : Qu'est-ce qu'une bonne éducation ? Existe-t-il une forme d'éducation qui soit "la" bonne ?
Ce tableau s'intitule "La Bonne éducation". Qu'en pensez-vous ?
"Éduquer" : trouvez des synonymes. Quelles différences de sens entre chacun ?
Selon vous, qu'est-ce que l'éducation doit apporter en priorité aujourd'hui ? Pourquoi ? Comment ?
Chardin, "La Bonne éducation", 1749.
Lisez le texte et préparez-vous à expliquer, à l'oral, de façon précise, ce qu'il dit.
Catherine Gueguen invite les parents à "éprouver de l'empathie et de la compassion pour [le jeune enfant], au lieu de le punir." Selon vous, faut-il bannir punitions et sanctions ?
Auparavant, petit, l'enfant était étiqueté comme "capricieux", "tyrannique", "infernal", "méchant". Les recherches actuelles nous disent au contraire que l'enfant, dès sa naissance, est ouvert aux autres affectivement, qu'il est empathique, capable de sentir les émotions de son entourage, avide d'échanges, et qu'il montre très rapidement, au bout de quelques mois seulement, des capacités d'altruisme. Ce sont des atouts incroyables. En revanche, il a un immense besoin d'être sécurisé, rassuré quand il est en détresse, car il est extrêmement fragile, immature et dépendant de vous !
Ces observations doivent vous aider à poser un tout autre regard sur votre enfant et vous inciter à éprouver de l'empathie et de la compassion pour lui, au lieu de le punir.
Le cerveau de votre enfant est extrêmement malléable et les relations qu'il va nouer avec son entourage vont le modifier en profondeur. Ses cellules cérébrales, ses molécules, ses circuits neuronaux, ses structures cérébrales, ses connexions neuronales et même l'expression de ses gènes peuvent être influencés par ce qu'il vit et par votre attitude, selon que vous êtes empathique, ou à l'inverse vous montrez humiliant envers lui, souvent sans en avoir conscience. [...]
Vous avez constaté que votre enfant petit connaît de véritables tempêtes émotionnelles qui l'amènent à hurler, à se rouler par terre, à jeter ses jouets, à taper, griffer, mordre.
Pourquoi ? Parce qu'il subit ses émotions sans aucun filtre. Elles sont extrêmement intenses puisque son cortex orbitofrontal, je le répète, n'est pas encore mature. Il lui est donc impossible de s'apaiser seul, de prendre du recul, de se dire par exemple : "Ce qui m'arrive n'est peut-être pas si grave ; je vais y faire face ; je dois pouvoir trouver des solutions pour me sortir de là !" Non, l'enfant vit de véritables tsunamis intérieurs qui génèrent un très grand stress en lui. Tout se passe comme s'il était totalement submergé par d'immenses colères, de très grands chagrins, de véritables paniques qu'il ne contrôle pas. [...]
Quand vous éprouvez de la colère, de la tristesse, de la peur ou de la jalousie, vous sentez bien que ce sont des émotions très désagréables et qu'elles entraînent un mal-être en vous, une souffrance même. Mettez-vous à la place de votre enfant : lorsqu'il subit ces violentes perturbations émotionnelles, il souffre réellement. Et il a besoin de vous, parent, pour le comprendre, l'apaiser et l'aider à mettre des mots sur ce qu'il vit. [...]
L'Unicef nous le répète : les enfants sont les êtres les plus humiliés dans la société, et ce sur toute la planète. Pourquoi ? Sans doute parce qu'en voyant les petits crier, taper, mordre, se rouler par terre, jeter leurs jouets, les adultes ont cru que l'enfant était un animal sauvage qu'il fallait dresser et que la bonne solution passait par les punitions verbales ou physiques, les gifles, les fessées.
Or dresser c'est contraindre, instituer des rapports de force c'est punir, crier, menacer, humilier verbalement, physiquement. Je n'en veux pas aux adultes, car aujourd'hui encore, ils pensent bien agir. Ils sont persuadés que c'est ainsi que l'enfant, à l'avenir, va bien se comporter, progresser et apprendre. Mais on sait désormais qu'il faut absolument renoncer à cette façon d'élever les enfants.
Catherine Gueguen, Lettre à un jeune parent, 2020, éd. Les Arènes.
Lisez le texte et préparez-vous à expliquer, à l'oral, de façon précise, ce qu'il dit.
John Dewey affirme : "La première approche de tout sujet à l'école, s'il s'agit de développer la pensée et non d'apprendre des mots, doit être aussi peu scolaire que possible".
Selon vous, faut-il toujours partir de l'expérience réelle pour enseigner ?
1. Empirique : qui ne s'appuie que sur l'expérience, l'observation, non sur une théorie ou le raisonnement.
En général, l'erreur fondamentale des méthodes d'enseignement tient à ce que l'on suppose que les élèves possèdent déjà l'expérience. Nous insistons au contraire sur la nécessité pour la pensée de partir d'une situation empirique1 réelle. L'expérience a ici le sens que nous lui avons donné précédemment : elle consiste à essayer de faire une chose et à subir effectivement une conséquence que la chose nous impose en retour. L'erreur consiste à croire qu'on peut commencer avec un sujet d'étude tout fait : arithmétique, géographie, ou autre chose, sans avoir soi-même l'expérience personnelle directe d'une situation. [...]
Mais la première étape du contact avec de nouveaux objets, à n'importe quel âge, doit inévitablement être du genre essai et erreur. Un individu doit essayer réellement, dans le jeu ou le travail, à faire quelque chose avec les objets en exerçant ses propres activités impulsives et à noter alors les interactions de son énergie avec les objets utilisés. C'est ce qui se passe quand un enfant commence par manipuler un jeu de construction et c'est également ce qui se passe quand un savant commence par faire des expériences avec des objets qui ne lui sont pas familiers.Par conséquent, la première approche de tout sujet à l'école, s'il s'agit de développer la pensée et non d'apprendre des mots, doit être aussi peu scolaire que possible. Pour nous faire une idée de ce que signifie une expérience ou une situation empirique, il nous faut avoir à l'esprit le genre de situation qui se présente en dehors de l'école, le genre d'occupations qui suscitent l'intérêt et mettent l'activité en branle dans la vie ordinaire. Et si l'on examine soigneusement les méthodes qui réussissent toujours dans l'éducation organisée, que ce soit en arithmétique ou dans l'apprentissage de la lecture, dans l'étude de la géographie, de la physique ou d'une langue étrangère, on constatera que leur efficacité repose sur le fait qu'elles recourent au type de situation qui provoque la réflexion hors de l'école dans la vie ordinaire. Elles donnent à l'élève quelque chose à faire et non à apprendre, et l'action est telle qu'elle oblige à penser ou à noter des rapports entre les choses, ce qui conduit naturellement à apprendre. [...]
Personne n'a jamais expliqué comment il se fait que les enfants aient tant de questions à poser en dehors de l'école (à telle enseigne qu'ils empoisonnent la vie des adultes si on les encourage en répondant) et témoignent une absence totale de curiosité concernant l'objet des leçons à apprendre pour l'école. Si l'on réfléchit à cette opposition frappante, on comprendra qu'habituellement les conditions scolaires ne fournissent pas un contexte d'expérience dans lequel les problèmes se posent naturellement d'eux-mêmes. Quelle que soit l'amélioration que l'on apporte à la technique personnelle de l'enseignant, on ne pourra pas complètement remédier à cet état de choses. Il y faut plus d'objets réels, de matières, d'instruments et d'occasions de faire des choses. Alors seulement, l'écart entre les deux types de situation pourra être comblé. Quand les enfants sont en train de faire des choses et discutent de ce qui se passe pendant qu'ils les font, on constate que, même avec des méthodes d'enseignement comparativement médiocres, les recherches de ces enfants sont spontanées et multiples et les solutions proposées variées et ingénieuses.
John Dewey, Démocratie et éducation, éd. Armand Colin, 2011 (première publication en 1916).
1. En quoi cette éducation est-elle "négative" ? Qu'y a-t-il de "révolutionnaire" dans cette forme d'éducation ? (§ 1 et 2)
2. Quelle expérience propose Rousseau ? Quels rôles jouent la nature et l'enseignant dans cette expérience ? (§3 et 4)
Rendez votre élève attentif aux phénomènes de la nature, bientôt vous le rendrez curieux ; mais, pour nourrir sa curiosité, ne vous pressez jamais de la satisfaire. Mettez les questions à sa portée, et laissez-les lui résoudre. Qu'il ne sache rien parce que vous le lui avez dit, mais parce qu'il l'a compris lui-même ; qu'il n'apprenne pas la science, qu'il l'invente. Si jamais vous substituez dans son esprit l'autorité à la raison, il ne raisonnera plus ; il ne sera plus que le jouet de l'opinion des autres.
Vous voulez apprendre la géographie à cet enfant, et vous lui allez chercher des globes, des sphères, des cartes : que de machines ! Pourquoi toutes ces représentations ? que ne commencez-vous par lui montrer l'objet même, afin qu'il sache au moins de quoi vous lui parlez !
Une belle soirée on va se promener dans un lieu favorable, où l'horizon bien découvert laisse voir à plein le soleil couchant, et l'on observe les objets qui rendent reconnaissable le lieu de son coucher. Le lendemain, pour respirer le frais, on retourne au même lieu avant que le soleil se lève. On le voit s'annoncer de loin par les traits de feu qu'il lance au-devant de lui. L'incendie augmente, l'orient paraît tout en flammes ; à leur éclat on attend l'astre longtemps avant qu'il se montre ; à chaque instant on croit le voir paraître ; on le voit enfin. Un point brillant part comme un éclair et remplit aussitôt tout l'espace ; le voile des ténèbres s'efface et tombe. [...]
Contentez-vous de lui présenter à propos les objets ; puis, quand vous verrez sa curiosité suffisamment occupée, faites-lui quelque question laconique qui le mette sur la voie de la résoudre. Dans cette occasion, après avoir bien contemplé avec lui le soleil levant, après lui avoir fait remarquer du même côté les montagnes et les autres objets voisins, après l'avoir laissé causer là-dessus tout à son aise, gardez quelques moments le silence comme un homme qui rêve, et puis vous lui direz : Je songe qu'hier au soir le soleil s'est couché là, et qu'il s'est levé là ce matin. Comment cela peut-il se faire ? N'ajoutez rien de plus : s'il vous fait des questions, n'y répondez point ; parlez d'autre chose. Laissez-le à lui-même, et soyez sûr qu'il y pensera.
Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l'éducation, 1762.
1. Quels sont tous les sens du mot "objet" dans ces expressions : un objet céleste, un objet volant non identifié, une vente d'objets, un objet de dégoût/d'admiration, l'objet d'une réunion, une plainte sans objet, complément d'objet ?
2. Trouvez le plus de mots possibles dérivés du mot "objet".
1. Comparez la négation dans les deux phrases suivantes : "Qu'il ne sache rien", "qu'il n'apprenne pas la science".
2. Expliquez ce que signifie la négation dans la phrase suivante : "il ne sera plus que le jouet de l'opinion des autres."
1. Identifiez et analysez les différentes négations présentes dans cette phrase : "N'ajoutez rien de plus : s'il vous fait des questions, n'y répondez point."
2. Qu'est-ce que la négation suivante a d'inhabituel : "Que ne commencez-vous par lui montrer l'objet même [?]"
3. La négation suivante est-elle totale ou partielle ? "Pour nourrir sa curiosité, ne vous pressez jamais de la satisfaire".
4. Mettez les phrases suivantes à la forme négative de plusieurs façons différentes : "Mettez les questions à sa portée".
Quels textes, quels documents vous ont marqué pendant cette séquence ? Pourquoi ? Qu'est-ce que ces textes, ces documents vous ont appris ?
Dans votre Journal de lecteur, écrivez le titre : "La bonne éducation" puis répondez à la question suivante, de façon argumentée : Selon vous, faut-il toujours répondre aux besoins et aux questions de l'enfant ?
On s'efforce aujourd'hui de considérer l'enfant comme une personne, non comme une chose ou un animal, comme cela a pu être le cas autrefois. Mais, pour autant, doit-on toujours répondre à ses besoins et à ses questions ? Nous verrons dans un premier temps l'importance d'écuter l'enfant, puis dans un second temps comment ne pas répondre à ses besoins peut aider l'enfant à grandir.
Il devrait être évident pour tous aujourd'hui qu'un enfant est un être sensible, qui a besoin d'être écouté, parce qu'il ne peut pas satisfaire ses besoins seul. Il est dépendant de ses parents. Et cette dépendance reste importante pendant des années. Comme le montre Catherine Gueguen dans son livre Lettre à un jeune parent, ce constat devrait nous inciter à être plus sensible aux besoins et aux sentiments des enfants. C'est ce que promeut l'éducation positive : considérer l'enfant comme une personne, avec des besoins et des questionnements très forts, qui parfois le submergent. Inutile alors d'user de violence verbale ou physique. Il faut écouter, dialoguer et répondre aux enfants.
Cependant, il me paraît aussi nécessaire de ne pas répondre, du moins pas immédiatement, à certains besoins. L'enfant peut à la fois se sentir écouté, et comprendre qu'il doit attendre pour certaines choses. L'attente est un puissant facteur de développement. L'enfant va chercher par lui-même, essayer de trouver des moyens pour obtenir ce dont il a besoin pour devenir plus autonome ou bien apprendre la patience, la maîtrise de soi. C'est peut-être le message du tableau de Chardin, intitulé "La Bonne éducation". On y voit une jeune fille qui écoute patiemment. Et, sans doute, la patience est une qualité indispensable, comme le montre la célébre expérience du chamallow. Certes, l'enfant est un être sensible, qu'il faut écouter. Mais c'est aussi un être en devenir, qui doit développer la patience, la maîtrise de soi, et toutes les qualités qui lui permettront de vivre en société.
De même, laisser des questions en suspens est nécessaire selon moi. Si on répond tout le temps, il n'y a pas de recherche intellectuelle. Ce sont les questions, les doutes, les problèmes qui font progresser. C'est ce que montre Rousseau dans L'Émile : il recommande au pédagogue de faire en sorte que l'enfant se pose des questions, mais sans jamais y répondre, pour qu'il cherche par lui-même. Il propose, par exemple, au cours d'une sortie, d'amener l'enfant à constater que le soleil se couche et se lève en des points opposés, mais sans lui donner aucune explication. Savoir poser des problèmes et laisser l'enfant les résoudre est sans doute le fondement de la pédagogie.
Il me paraît donc nécessaire d'écouter l'enfant pour répondre à ses besoins, parce qu'il est en grande partie dépendant de nous pour cela. Cependant, pour certains besoins et certaines questions, temporiser, faire attendre me semble tout aussi indispensable pour l'éducation de l'enfant. De même, amener l'enfant à se poser des questions et à chercher par lui-même les réponses est nécessaire pour éveiller son esprit. Il me semble que, comme Montaigne le disait, il vaut mieux un esprit bien fait qu'un esprit bien plein.