Problématique : Le Cahier de Douai, révolte d’adolescent ou nouvel art poétique ?
Que savez-vous d'Arthur Rimbaud ?
Observez les couvertes ci-contre. Que vous montrent-elles sur le livre que vous allez étudier ?
Feuilletez le recueil, et sélectionnez un ou deux vers qui vous paraissent intéressants. Pourquoi ces vers ?
Complétez le poème ci-contre.
C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
...
...
...
Arthur Rimbaud, Cahier de Douai, "Le Dormeur du Val", 1870.
Comparez ce poème avec "Le Dormeur du val".
Qu'est-ce qui, selon vous, fait l'intérêt de ce poème ?
Préparez une lecture à haute voix de ce texte.
Cinq heures du soir
Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi,
— Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. — Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
— Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! —
Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,
Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse
D'ail, — et m'emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré.
Octobre 70.
Arthur Rimbaud, Cahier de Douai, "Au cabaret-Vert", 1870.
1. Quel est le sens d'heureux dans ces expressions ? "un heureux évènement", "le plus heureux des hommes", "être heureux au jeu", "avoir la main heureuse", "une heureuse nouvelle", "avoir tout pour être heureux", "couler des jours heureux", "un heureux hasard".
2. Soit le mot "bienheureux" : quelle différence avec heureux ?
Soit les deux phrases suivantes :
a. "je demandai des tartines // De beurre et du jambon qui fût à moitié froid."
b. "[Elle] m'emplit la chope immense, avec sa mousse // Que dorait un rayon de soleil arriéré."
1. Indiquez les propositions subordonnées relatives.
2. Pourquoi le pronom relatif est-il différent dans les deux propositions ?
3. Quelle différences entre les deux propositions subordonnées suivantes :
a. "Rimbaud contemple sa bière et la mousse que dorait un rayon de soleil arriéré."
b. "Rimbaud écrit qu'un rayon de soleil arriéré dorait la mousse de sa bière"
Préparez un bref exposé sur un des groupements de poèmes proposés.
Vous montrerez comment ces textes illustrent un thème important dans le recueil à travers un propos structuré :
Vous veillerez à présenter chaque poème clairement dans le développement : vous situerez le texte, résumerez le propos, lirez quelques vers.
Groupement | Groupe 1 | Groupe 2 | Groupe 3 |
---|---|---|---|
À la musique, Les effarés [la société] |
Anne-Sophie, Mariama |
Bedia, Karima |
Hawo, Nastia |
Le Mal, Le Dormeur du val, L'éclatante victoire de Sarrebrück [la guerre de 1870] | Lamisse, Fatoumata |
Ermando | |
Sensation, Roman, Ma Bohème [la liberté] |
Pauline, Victoire |
Keylencia | |
Vénus Anadyomène, Au Cabaret-vert, La Maline [les femmes] |
Amal, Solène |
Thaïs, Marine |
Wassim, Sélim |
L'échelle s'appuie sur les aptitudes indiquées dans le Bulletin officiel n°17 du 25 avril 2019.
/20 | De 1 à 5 | De 6 à 10 | De 11 à 15 | De 16 à 20 |
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Lire, analyser, interpréter |
Le propos sur les poèmes n'est pas compréhensible. L'élève ne cite pas le texte. |
Le propos se contente de reformuler les poèmes, reste très général, ou paraît discutable. L'élève cite le texte mais le choix des citations n'est pas toujours pertinent. |
Le propos donne sens aux poèmes. Les citations correspondent au propos. |
Le propos sur les poèmes est intéressant ; une lecture personnelle se dégage. L'élève cite et commente ; le choix des citations est intéressant. |
Tisser des liens entre différents textes |
Aucun lien n'est établi entre les textes. |
Les rapprochements proposés ne sont pas pertinents. |
Un rapprochement pertinent est effectué entre les poèmes. |
Plusieurs rapprochements pertinents sont effectués entre les poèmes. |
Construire un jugement argumenté |
Aucune organisation du propos n'est perceptible. |
Il y a une introduction, un développement, une conclusion, mais l'ensemble est peu organisé ou incomplet. |
L'introduction, le développement, la conclusion sont organisés selon une logique argumentative. |
L'introduction, le développement, la conclusion participent d'une argumentation efficace. |
S'exprimer à l'oral |
L'expression est confuse ou incorrecte. |
L'expression est globalement acceptable mais parfois incorrecte ou vraiment inexpressive. Le candidat peine à se détacher de ses notes. |
L'expression est correcte. L'élève s'adresse à son auditeur. |
L'expression est bien maîtrisée. L'élève communique avec aisance et conviction. |
Les Effarés | À la musique |
C'est un long poème qui évoque une scène qui se déroule la nuit, l'hiver : de jeunes enfants très pauvres sont blottis contre une grille et regardent le boulanger faire le pain. La chaleur, les odeurs, sont pour eux un bonheur immense. |
Dans ce long poème, Rimbaud décrit un jardin public et les gens qui le fréquentent : des bourgeois (gandin, notaire, rentiers, "bureaux" -employés de l'administration-, épiciers), des voyous, des soldats ("pioupious"), des "bonnes"... Rimbaud s'y peint en jeune homme épris d'amour et de rêves. |
D'un côté, la satire de bourgeois ridicules et satisfaits d'eux-mêmes ; de l'autre, la peinture pathétique d'enfants misérables dans la nuit et le froid : Rimbaud peint une société profondément inégalitaire et prend position pour les plus démunis. |
Le Mal | Le Dormeur du val | L'éclatante victoire de Sarrebrück |
Dans ce sonnet, Rimbaud évoque l'horreur de la guerre, "folie épouvantable" qui "fait de cent milliers d'hommes un tas fumant". Il fait également la satire de la religion catholique qui reste indifférente et s'enrichit au lieu de soutenir les mères des soldats. |
v. Le poème travaillé en cours. |
Dans ce sonnet, Rimbaud fait comme s'il décrivait une illustration représentant Napoléon III "raide, sur son dada // Flamboyant". Le poème le représente "Féroce comme Zeus et doux comme un papa". La description satirique mêle ironiquement les lexiques soutenus et familiers. |
Dans les trois poèmes, la guerre est violemment dénoncée. Rimbaud se moque ceux qui soutiennent la guerre (les politiques, les religieux) et met en valeur ceux qui en souffrent (les soldats morts et leurs mères). |
Sensation | Roman | Ma Bohème |
Dans ce bref poème, l'un des premiers du recueil, Rimbaud décrit simplement une sensation : celle de marcher dans la campagne, "par les soirs bleus d'été" et de communier avec "la Nature". |
Dans ce poème, Rimbaud évoque le plaisir d'une "nuit de juin", quand "sous les tilleuls verts de la promenade" il rencontre "une demoiselle aux petits airs charmants" dont il tombe amoureux. |
Dans ce sonnet, Rimbaud évoque le plaisir à marcher le long des routes et à dormir à la belle étoile pendant une de ses fugues. |
Dans tous ces poèmes, Rimbaud se montre à la première personne, comme un personnage toujours en mouvement (il semble marcher dans tous les poèmes), en communion avec une nature accueillante. Les sensations sont très présentes dans ses textes. |
Vénus Anadyomène | Au Cabaret-vert | La Maline |
Dans ce sonnet, Rimbaud fait une parodie d'un thème célèbre en peinture : la déesse Vénus sortant des eaux. Dans ce sonnet, c'est une vieille femme, laide, probablement une prostituée, qui sort de sa baignoire. |
v. poème étudié en cours. |
Dans ce sonnet, Rimbaud évoque une scène très proche de "Au Cabaret-vert" : une servante, dans une auberge, invite le jeune poète à l'embrasser sur la joue en disant qu'elle a pris froid. |
Dans ces trois sonnets, Rimbaud évoque des figures féminines. Rimbaud évoque le corps féminin de façon très provocante, loin des clichés de la poésie traditionnelle : "anus", "tétons". Ce sont souvent des femmes très modestes : serveuses, prostituées. On retrouve là une certaine fibre sociale, déjà perçue dans "Les Effarés". |
1. Que signifie le mot "fantaisie" dans les exemples suivants ? a. "une pure fantaisie" b. "un bijou fantaisie" c. "une fantaisie littéraire/musicale" d. "agir à sa fantaisie" e. "une étrange fantaisie".
2. Que signifie, selon vous, le mot "fantaisie" dans le sous-titre du poème ?
1. Surlignez de deux couleurs différentes ce qui vous paraît réaliste et ce qui vous paraît imaginaire dans ce poème.
2. Observez les rimes. Que remarquez-vous ?
Selon vous, comment doit-on lire ce texte à haute voix ? Indiquez, sur votre journal de lecteur ou sur le texte, les indications que vous donneriez.
(Fantaisie)
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot2 aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse3 ! et j'étais ton féal4 ;
Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse5.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou6
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur7 ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres8, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied9 près de mon coeur !
1. Bohème : vie libre, sans règle, marginale.
2. Paletot : veste, manteau.
3. Muse : dans la mythologie gréco-romaine, déesse qui incarne la poésie et inspire les poètes.
4. Féal : fidèle serviteur (au Moyen-Âge).
5. Grande-Ourse : constellation d'étoiles. La phrase suggère qu'il dort à la belle-étoile.
6. Bruit produit par le frottement d'un tissu sur lui-même.
7. Vigueur : vitalité, énergie.
8. Lyre : instrument ancien à cordes, souvent synonyme de poésie.
9. Pied : partie du corps, mais aussi unité de mesure en poésie (on a longtemps utilisé le mot "pied" pour désigner une syllabe).
Étudiez les phrases dans les exemples suivants :
a. Mon unique culotte avait un large trou.
b. J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
c. Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front [...] ;
1. Étudiez les phrases dans les exemples suivants.
[...] J'entrais à Charleroi,
— Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
2. Comparez le fonctionnement des subordonnées dans les exemples suivants.
a. Quand j'entrais à Charleroi, je demandai des tartines de beurre et du jambon.
b. Je demandai des tartines de beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
c. Je demandai qu'on m'apporte des tartines de beurre et du jambon.
Vous contracterez le texte ci-contre en 80 mots.
Au moins dans les intentions de ceux qui s'y lancent, les voyages forment encore la jeunesse. Pourtant, lors d'un séjour à l'étranger, les promesses de départ ne sont pas toujours tenues. Quand on demande à ces jeunes de justifier leur séjour, ils évoquent le désir de partir à la rencontre de l'autre et d'apprendre quelque chose. Dans la réalité, cela ne se passe pas forcément ainsi, car la rencontre avec l'autre obéit à des logiques complexes, les natifs se dérobent à la demande implicite d'hospitalité chaleureuse à laquelle les voyageurs les obligent. Cette fraternité immédiate reste difficile en raison de barrières linguistiques et/ou culturelles. Par ailleurs, ces étudiants découvrent également que ce n'est pas parce qu'ils voyagent qu'ils deviennent forcément plus éclairés, qu'ils vont bien saisir les subtilités des codes culturels de la société d'accueil.
Ainsi, au lieu de parvenir à une plus grande lisibilité du pays où ils s'installent, c'est l'opacité, voire le mystère de l'autre, qui parfois transparaît dans le discours de ces jeunes. On comprend aisément que, souvent, les étudiants restent entre eux, fréquentant assez peu les populations locales, mais plutôt les autres étudiants Erasmus, c'est-à-dire une population d'individus assez proches sur le plan de l'âge, du statut social, des aspirations, en dépit de leurs différentes origines nationales.
Au-delà de l'enrichissement personnel réel, le séjour est constitué d'une suite d'épreuves qui les conduisent à devoir gérer la confrontation avec l'inconnu. Et ce qu'ils acquièrent tout particulièrement, c'est une forme d'aisance, une capacité à savoir se comporter, se tenir dans un milieu international. Au fond, il s'agit moins de l'apprentissage d'un contenu que de l'intériorisation d'un réservoir de situations qui leur servira, à l'avenir, à savoir faire face à des situations semblables. Ce qui compte, c'est moins d'avoir compris toutes les nuances d'une culture que les règles de base de fonctionnement d'une société autre : cela oblige ces jeunes à revenir sur leur propre société. Ce travail comparatif leur donne quelques grands enseignements de savoir-vivre dans un milieu international qui leur permettront, en cas d'autres séjours dans d'autres sociétés, d'être plus attentifs aux gaffes, d'anticiper les éventuels malentendus. C'est un esprit que l'on acquiert, un esprit cosmopolite. [...]
Être cosmopolite signifie plutôt conduire une culture particulière à la rencontre d'une autre culture, dans le respect des différences respectives, mais dans la tentative de construire des ponts. Comme l'écrivait Jean-Pierre Vernant, « pour être soi, il faut se projeter vers ce qui est étranger, se prolonger dans et par lui. Demeurer enclos dans son identité, c'est se perdre et cesser d'être. On se connaît, on se construit par le contact, l'échange, le commerce avec l'autre. Entre les rives du même et de l'autre, l'homme est un pont » (La traversée des frontières, p. 180).
Devient-on plus Européen grâce à ces séjours ? Il est permis de répondre par l'affirmative, en estimant que ces jeunes finissent par se sentir plus proches d'autres Européens. Pourtant, on ne saurait faire de l'appartenance européenne la projection, à une échelle plus large, de l'appartenance nationale ; les critères habituellement utilisés pour définir cette dernière font souvent défaut – par exemple, l'attachement. En revanche, avoir vu comment les choses se passent ailleurs conduit ces jeunes à penser qu'il leur sera possible de pouvoir cohabiter avec leurs voisins, en partageant une destinée commune, européenne. Ainsi, plutôt que d'avoir le sentiment d'appartenir à un ensemble indistinct, ces apprentis cosmopolites deviennent plus conscients de leur différence nationale spécifique, de leur vision de l'Europe et de leur inscription dans des ensembles géoculturels plus vastes (Europe du Sud, Europe centrale, pays nordiques, monde slave, etc.) – cela grâce au « frottement » avec d'autres façons de vivre en Europe.
Vincenzo Cichelli, "Les voyages forment la jeunesse : au-delà du lieu commun", Après-demain, 2012/4.