Problématique : quelle image Marivaux donne-t-il des relations entre maître et esclave ? L'île des esclaves, utopie ou comédie de moeurs ?
Support : Marivaux, L'Île des esclaves, éd. Livre de poche.
1. Que suggèrent les couvertures ci-contre ?
2. Qu'est-ce que le titre de la pièce peut avoir de surprenant ?
Documentez-vous sur le personnage d'Arlequin : son origine, ses apparitions, ses interprètes.
Documentez-vous sur le personnage d'Arlequin : son origine, ses apparitions, ses interprètes.
Observez les quatre didascalies ci-contre. Que remarquez-vous ?
Comédie en un acte et en prose représentée pour la première fois par les Comédiens italiens, le 16 juillet 1720.
PERSONNAGES
LA FÉE.
TRIVELIN, domestique de la Fée.
ARLEQUIN, jeune homme enlevé par la Fée.
SILVIA, bergère, amante d'Arlequin.
Un BERGER, amoureux de Silvia.
Autre BERGÈRE, cousine de Silvia.
Troupe de danseurs et chanteurs.
Troupe de lutins.
La scène est tour à tour dans le palais de la fée et dans une campagne voisine de ce palais.
Comédie en trois actes et en prose, représentée pour la première fois par les comédiens italiens, le 5 février 1724.
PERSONNAGES.
LA PRINCESSE, souveraine de Barcelone.
HORTENSE , princesse du sang.
LE PRINCE DE LÉON, sous le nom de Lélio.
LE ROI DE CASTILLE, sous le nom de son ambassadeur
FREDERIC, ministre de la princesse.
ARLEQUIN, valet de Lélio.
LISETTE , maîtresse d'Arlequin.
UN GARDE.
FEMMES DE LA PRINCESSE.
La scène est à Barcelone.
Comédie en un acte et en prose représentée pour la première fois le lundi 5 mars 1725 par les Comédiens Italiens.
PERSONNAGES.
IPHICRATE, général athénien.
ARLEQUIN, son esclave.
EUPHROSINE, dame athénienne.
CLÉANTHIS, son esclave.
TRIVELIN, magistrat de l'île.
HABITANTS DE L'ILE.
La scène est dans l'île des Esclaves.
Comédie en trois actes et en prose, représentée pour la première fois par les comédiens italiens, le 23 janvier 1730.
PERSONNAGES
MONSIEUR ORGON, vieux gentilhomme.
MARIO, fils de M. Orgon.
SILVIA, sa fille.
DORANTE, amant de Silvia.
LISETTE, femme de chambre de Silvia.
ARLEQUIN, valet de Dorante.
Un laquais.
La scène est à Paris, dans la maison de M. Orgon.
Comment cette scène doit-elle, selon vous, être jouée ? Pourquoi ? Indiquez aux acteurs comment ils doivent interpréter chacun des personnages en vous appuyant sur le texte.
1. Comment, dans le début du texte (du début à "... notre histoire"), les personnages, le lieu sont-ils présentés ?
2. Qu'est-ce qui change entre le début et la fin de cet extrait ? Pourquoi ?
Iphicrate s'avance tristement sur le théâtre avec Arlequin.
Iphicrate, après avoir soupiré.
Arlequin !
Arlequin, avec une bouteille de vin qu'il a à sa ceinture.
Mon patron !
Iphicrate
Que deviendrons-nous dans cette île ?
Arlequin
Nous deviendrons maigres, étiques, et puis morts de faim ; voilà mon sentiment et notre histoire.
Iphicrate
Nous sommes seuls échappés du naufrage ; tous nos camarades ont péri, et j'envie maintenant leur sort.
Arlequin
Hélas ! ils sont noyés dans la mer, et nous avons la même commodité.
Iphicrate
Dis-moi : quand notre vaisseau s'est brisé contre le rocher, quelques-uns des nôtres ont eu le temps de se jeter dans la chaloupe ; il est vrai que les vagues l'ont enveloppée : je ne sais ce qu'elle est devenue ; mais peut-être auront-ils eu le bonheur d'aborder en quelque endroit de l'île, et je suis d'avis que nous les cherchions.
Arlequin
Cherchons, il n'y a pas de mal à cela ; mais reposons-nous auparavant pour boire un petit coup d'eau-de-vie : j'ai sauvé ma pauvre bouteille, la voilà ; j'en boirai les deux tiers, comme de raison, et puis je vous donnerai le reste.
Iphicrate
Eh ! ne perdons point de temps ; suis-moi : ne négligeons rien pour nous tirer d'ici. Si je ne me sauve, je suis perdu ; je ne reverrai jamais Athènes, car nous sommes dans l'île des Esclaves.
Arlequin
Oh ! oh ! qu'est-ce que c'est que cette race-là ?
Iphicrate
Ce sont des esclaves de la Grèce révoltés contre leurs maîtres, et qui depuis cent ans sont venus s'établir dans une île, et je crois que c'est ici : tiens, voici sans doute quelques-unes de leurs cases ; et leur coutume, mon cher Arlequin, est de tuer tous les maîtres qu'ils rencontrent, ou de les jeter dans l'esclavage.
Arlequin
Eh ! chaque pays a sa coutume ; ils tuent les maîtres, à la bonne heure ; je l'ai entendu dire aussi, mais on dit qu'ils ne font rien aux esclaves comme moi.
Iphicrate
Cela est vrai.
Arlequin
Eh ! encore vit-on.
Iphicrate
Mais je suis en danger de perdre la liberté, et peut-être la vie : Arlequin, cela ne te suffit-il pas pour me plaindre ?
Arlequin, prenant sa bouteille pour boire.
Ah ! je vous plains de tout mon cœur, cela est juste.
Marivaux, L'Île des esclaves, scène 1, 1725.
Regardez la mise en scène d'Irina Brook, de 4'05 à 13'08.
1. Reconnaissez-vous les personnages à leurs costumes ?
2. À quoi servent la malle, la radio, le crane, la dune ?
3. Dans quelle position Arlequin est-il au début de l'extrait ? À la fin ?
Quelle est la tonalité de cette mise en scène ?
Proposez un plan de commentaire détaillé sur l'extrait étudié en vous appuyant sur les axes suivants :
- une scène d'exposition dynamique
- une comédie sur les rapports maître-valet
Résumez ce texte en 80 mots environ.
Selon vous, comment les livres peuvent-ils nous aider à mieux comprendre les opprimés ?
Appuyez-vous, pour répondre, sur les oeuvres étudiées.
Esclave. Le mot prononcé, les images affluent et il faudrait les contenir avant qu’elles n’emportent tout. Une existence sous domination, vécue au plus près de l’expérience de la mort, livrée à la violence en vue de l’exploitation économique et sexuelle : nous croyons savoir spontanément en quoi consiste l’esclavage. Mais d’où provient cette conviction ?
Nicey Pugh est au seuil de sa maison, à Mobile, en Alabama, et en ce jour de novembre 1936, elle répond aux questions que lui posent un groupe d’hommes blancs. Missionnés par l’État fédéral, ils sillonnent le sud des États-Unis pour collecter le témoignage des derniers hommes et des dernières femmes à y avoir vécu en esclavage. Nicey Pugh raconte à grands traits les lignes de son existence, depuis sa naissance sur la plantation de Jim Bettis. Elle décrit son enfance, sans loisirs et sans éducation, entièrement dévouée au travail domestique au service de ses maîtres. Elle se remémore la cruauté des sévices qui étaient monnaie courante sur la plantation et auxquels elle a assisté. Puis elle clôt l’entretien en lançant à ses interlocuteurs : "Je suis née esclave mais je n’ai jamais été esclave." La phrase est intrigante. Sans doute Nicey Pugh ne croit-elle pas que les enquêteurs blancs ("White folks", leur dit-elle) puissent seulement la comprendre et, dans ce cas, le paradoxe de la formule est une autre façon de préserver un silence. Mais il y a autre chose : le refus obstiné d’être assignée à une identité esclave, comme si l’usage du mot impliquait encore de consentir à l’autorité d’un maître.
Nommer l’esclavage ne relève jamais de l’évidence. Certes, l’expérience historique de l’esclavage peut se décrire et se raconter, sa mémoire se transmettre. Mais esclave est aussi le nom d’un performatif qui, sous la forme d’un stigmate, détient le pouvoir d’assigner une identité. L’usage du terme, dans notre vie ordinaire, dessine en outre une nébuleuse de significations, dont l’évocation excède tout lieu propre et par laquelle s’expriment la liberté bafouée et l’atteinte à la dignité humaine. Impassible, sur le seuil de sa maison, Nicey Pugh nous met en garde : nous ne savons pas bien ce que nous nommons lorsque nous employons le terme d’esclave.
Les Mondes de l'esclavage, 2021.
Selon vous, comment faudrait-il mettre en scène cet extrait ?
Vous proposerez :
- un plan de scène indiquant la position et les déplacements des personnages
- des indications précises quant au jeu des acteurs, aux jeux de scène, etc. Ces indications prendront la forme de votre choix (conseils, illustrations, etc.).
Cléantis
Ah ! vraiment, nous y voilà, avec vos beaux exemples. Voilà de nos gens qui nous méprisent dans le monde, qui font les fiers, qui nous maltraitent, qui nous regardent comme des vers de terre, et puis, qui sont trop heureux dans l'occasion de nous trouver cent fois plus honnêtes gens qu'eux. Fi ! que cela est vilain, de n'avoir eu pour tout mérite que de l'or, de l'argent et des dignités ! C'était bien la peine de faire tant les glorieux ! Où en seriez-vous aujourd'hui, si nous n'avions pas d'autre mérite que cela pour vous ? Voyons, ne seriez-vous pas bien attrapés ? Il s'agit de vous pardonner, et pour avoir cette bonté-là, que faut-il être, s'il vous plaît ? Riche ? non ; noble ? non ; grand seigneur ? point du tout. Vous étiez tout cela ; en valiez-vous mieux ? Et que faut-il donc ? Ah ! nous y voici. Il faut avoir le cœur bon, de la vertu et de la raison ; voilà ce qu'il faut, voilà ce qui est estimable, ce qui distingue, ce qui fait qu'un homme est plus qu'un autre. Entendez-vous, Messieurs les honnêtes gens du monde ? Voilà avec quoi l'on donne les beaux exemples que vous demandez, et qui vous passent : et à qui les demandez-vous ? À de pauvres gens que vous avez toujours offensés, maltraités, accablés, tout riches que vous êtes, et qui ont aujourd'hui pitié de vous, tout pauvres qu'ils sont. Estimez-vous à cette heure, faites les superbes, vous aurez bonne grâce ! Allez, vous devriez rougir de honte.
Arlequin
Allons, ma mie, soyons bonnes gens sans le reprocher, faisons du bien sans dire d'injures. Ils sont contrits d'avoir été méchants, cela fait qu'ils nous valent bien ; car quand on se repent, on est bon ; et quand on est bon, on est aussi avancé que nous. Approchez, Madame Euphrosine ; elle vous pardonne ; voici qu'elle pleure ; la rancune s'en va, et votre affaire est faite.
Marivaux, L'Île des esclaves, scène 10, 1725.
1. Qui dit quoi ? Retrouvez les personnages qui prononcent les répliques ci-contre et remettez-les dans l'ordre.
2. En vous appuyant sur vos réponses précédentes, expliquez comment les personnages évoluent au fil de la pièce.
Quelles morales peut-on tirer de L'Île des esclaves ? Vous justifierez vos réponses en vous appuyant sur des citations de la pièce, notamment les citations ci-contre.
"Il est nécessaire que vous m'en donniez un portrait, qui se doit faire devant la personne qu'on peint, afin qu'elle se connaisse, qu'elle rougisse de ses ridicules, si elle en a, et qu'elle se corrige."
"Il faut avoir le cœur bon, de la vertu et de la raison ; voilà ce qu'il faut, voilà ce qui est estimable, ce qui distingue, ce qui fait qu'un homme est plus qu'un autre."
"Moi, l'esclave de ce misérable !"
"Peut-être que je serai un petit brin insolent, à cause que je suis le maître : voilà tout."
"Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable ; tu sauras mieux ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres. Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi."
"Que voulez-vous que je vous dise ? quand on a de la colère, il n'y a rien de tel pour la passer, que de la contenter un peu, voyez-vous."
"Si j'avais été votre pareil, je n'aurais peut-être pas mieux valu que vous."
"Tu es devenu libre et heureux, cela doit-il te rendre méchant ? Je n'ai pas la force de t'en dire davantage : je ne t'ai jamais fait de mal ; n'ajoute rien à celui que je souffre."
"Tu es né, tu as été élevé avec moi dans la maison de mon père ; le tien y est encore ; il t’avait recommandé ton devoir en partant ; moi-même je t’avais choisi par un sentiment d’amitié pour m’accompagner dans mon voyage ; je croyais que tu m’aimais, et cela m’attachait à toi."