Préparez un exposé sur l'une des réalisations suivantes : (1) Le Familistère de Guise, 1859 ; (2) Ferdinand Cheval, Le Palais idéal, 1879-1912 ; (3) Sarah Winchester, La Maison Winchestern 1884 ; (4) La Maison Bleue, Angers, 1929 ; (5) Frank Lloyd Wright, Falling water, Pennsylvania, 1935-1937 ; (6) La maison des frères Collyer ; (7) Grand ensemble, Sarcelles, 1956 ; (8) Moshe Safdie, Habitat, Montreal, 1967 ; (9) les tiny houses ; (10) l'habitat participatif.
Pour vous, quelle est la pièce ou l'endroit le plus important dans une maison ou un logement ?
Rester chez soi, un plaisir ? Que nous disent ces deux documents ?
Matthieu Persan, "Restez à la maison", 2020.
Un Français sur cinq - ce qui représente près de huit millions de foyers - affirme avoir "mal supporté" son logement durant le confinement. Certaines catégories sont surreprésentées dans cette fraction de la population : les jeunes (28% des moins de 35 ans), les personnes seules (26%), celles vivant en appartement (29%) et celles disposant de revenus modestes (32% de personnes gagnant moins de 1.250 euros). Un sentiment qui peut s'expliquer au vu d'une autre étude sur le confinement, publiée cette fois-ci par l'Insee et montrant que cinq millions de personnes étaient confinées dans des logements surpeuplés.
Sans aller jusqu'à un tel ressenti, 41% des Français disent néanmoins qu'"il y a eu des moments de tension" dans leur logement au cours du confinement. Les plus concernés sont les jeunes (54% d'entre eux disent avoir vécu de tels moments), les familles avec des enfants en bas âge (51%) - on devine sans peine la raison - et les personnes vivant en appartement (49%).
Les personnes satisfaites de leur logement pendant le confinement présentent un profil inverse. Le portrait type serait "une personne de plus de 60 ans, vivant en couple, propriétaire d'une maison en commune rurale". Plus d'un Français sur trois (34%) affirmait même, au bout de six semaines, "qu'il pourrait vivre en confinement très longtemps sans problème". De même, 37% des répondants affirment avoir "adoré" leur logement pendant le confinement.
Globalement, il apparaît que "la France des campagnes, qui juge en temps normal plus favorablement la qualité de son logement [...], a globalement mieux vécu le confinement. 65% des personnes vivant en zone rurale jugent que leur logement est tout à fait adapté pour vivre confiné, contre 47% pour les personnes vivant dans une grande métropole (35% pour l'Île-de-France)".
Jean-Noël Escudié, "Le Confinement a mis en évidence les inégalités dans le logement", Localtis-France, 17 juin 2020.
Comparez les deux types d'habitat présentés dans ces deux photographies. Quels sont les avantages et les inconvénients de chacun ?
En 2021, lors d'un discours, la ministre du logement, Emmanuelle Wargon, a déclaré que "le modèle du pavillon avec jardin", "ce modèle d'urbanisation qui dépend de la voiture" était "un non-sens écologique, économique et social" qui "nous mène à une impasse". Partagez-vous ce point de vue ?
Comment le documentaire Le pavillon : rêve ou cauchemar ? enrichit-il votre réflexion ?
Gaspard Koenig, "Maisons Phénix : allons-nous enfin sortir de l'ère pavillonnaire ?", Les Échos, 13 juillet 2022.
Caroline Guiol, "La Cité de Le Corbusier, toujours plus radieuse à Marseille ", Côté Maison, 29 janvier 2018.
Que nous dit la publicité de Leroy Merlin "Prendre soin de sa maison c'est prendre soin de soi" (2021) sur le lien entre le logement et ses habitants ?
1. Dans le premier document, quels liens unissent la veuve Vauquer et sa pension ?
2. Imaginez les chambres/les enfants qui correspondent aux images absentes.
1. Qui se situe à côté.
2. Petit salon élégant de dame.
3. Éclat, splendeur.
4. Tissu mince, léger et transparent, de fils fins de coton, de soie, etc.
5. Laisser s'écouler presque imperceptiblement un liquide.
6. Se dit d'une odeur forte, écœurante, répugnante.
7. Personne qui prête de l'argent, usurier.
8. Autrefois, surveillant chargé, dans les bagnes, de la garde des forçats.
Cette première pièce exhale une odeur sans nom dans la langue, et qu'il faudrait appeler l'odeur de pension. Elle sent le renfermé, le moisi, le rance ; elle donne froid, elle est humide au nez, elle pénètre les vêtements ; elle a le goût d'une salle où l'on a dîné ; elle pue le service, l'office, l'hospice. [...] Eh ! bien, malgré ces plates horreurs, si vous le compariez à la salle à manger, qui lui est contiguë1, vous trouveriez ce salon élégant et parfumé comme doit l'être un boudoir2. Cette salle, entièrement boisée, fut jadis peinte en une couleur indistincte aujourd'hui, qui forme un fond sur lequel la crasse a imprimé ses couches de manière à y dessiner des figures bizarres. Elle est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont des carafes échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique, des piles d'assiettes en porcelaine épaisse, à bords bleus, fabriquées à Tournai. Dans un angle est placée une boîte à cases numérotées qui sert garder les serviettes, ou tachées ou vineuses, de chaque pensionnaire. [...]
Cette pièce est dans tout son lustre3 au moment où, vers sept heures du matin, le chat de Mme Vauquer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent plusieurs jattes couvertes d'assiettes, et fait entendre son rourou matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle4 sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis, elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d'église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte5 le malheur, où s'est blottie la spéculation, et dont Mme Vauquer respire l'air chaudement fétide6 sans en être écœurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d'automne, ses yeux ridés, dont l'expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l'amer renfrognement de l'escompteur7, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. Le bagne ne va pas sans l'argousin8, vous n'imaginez pas l'un sans l'autre.
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1834-1835
James Mollisonn "Dans ma chambre" (Where Children Sleep), 2011, éd. Textuel.
Faites le plan de la maison de vos rêves.
Que nous disent ces trois documents sur les maisons de verre ? Proposez un plan de synthèse.
Et vous, aimeriez-vous vivre dans une maison de verre ?
1. Soit le film Playtime (1967, de 13' à 27'). Quelle image de l'architecture contemporaine nous est donnée ?
2. Soient les 13 premières minutes du film Mon Oncle (1958) de Jacques Tati.
Quelles sont les deux formes d'urbanisme représentées ? Comment chaque architecture est-elle caractérisée ?
Cherchez, dans votre culture personnelle, des films ou des oeuvres qui reposent sur un bâtiment, une architecture.
À l'intérieur de la maison en verre. La très jeune fille et son père ont rejoint les trois femmes. La très jeune fille porte un petit sac à dos.
LA BELLE-MÈRE. Voilà, ça c'est notre chez-nous. Et ce chez-nous, j'espère, va bientôt devenir votre chez-vous à vous aussi !
LE PÈRE. On va tout faire pour ça en tout cas, je te promets !
(Se tournant vers sa fille : ) Hein... t'es d'accord, Sandra ?
La très jeune fille ne répond pas et regarde sa montre. Un temps.
SŒUR LA PETITE (se retenant de rire). T'as une grosse montre toi dis donc !
LA TRÈS JEUNE FILLE. Oui, c'est pour surveiller le temps qui passe et surtout pas oublier de penser à ma mère pendant trop longtemps de suite. Elle fait sonnerie en plus.
SŒUR LA GRANDE. Ah bon ? C'est quoi cette histoire ?
LA TRÈS JEUNE FILLE. Ma mère m'a demandé de jamais arrêter de penser à elle.
Sinon, si j'arrêtais de penser à elle pendant plus de cinq minutes, ça la ferait mourir pour de vrai.
LA BELLE-MÈRE (crispée). Ça c'est marrant ça comme histoire ! C'est joli ! [...]
(Petit temps.)
Bon, moi je voulais vous dire deux mots sur "votre" nouvelle maison très moderne et un peu particulière dans laquelle vous allez vivre à partir d'aujourd'hui. Cette maison, c'est une maison unique, non seulement parce qu'elle est entièrement transparente et construite en verre...
LE PÈRE. Oui, c'est très étonnant et très moderne.
SŒUR LA PETITE. D'ailleurs, les oiseaux n'arrêtent pas de s'écraser contre les vitres du fait qu'ils voient pas qu'y a des vitres justement.
SŒUR LA GRANDE. Et on ramasse tous les jours des dizaines de cadavres d'oiseaux morts.
Pendant ce temps, la très jeune fille sort un album de photos de son sac à dos et commence à le consulter. Elle se dirige vers les deux sœurs.
LA BELLE-MÈRE. Non seulement cette maison est en verre, mais elle a été construite par un architecte mondialement connu... Son nom va peut-être vous dire quelque chose...
LA TRÈS JEUNE FILLE (montrant les photos de son album aux deux sœurs). Tenez, ça c'est une photo de ma mère quand elle était jeune. Elle avait les cheveux courts à cette période. Mais après elle a toujours eu les cheveux longs ! Elle disait que ça lui allait beaucoup mieux.
(À son père.) T'en pensais quoi toi au fait ?
LE PÈRE. Tiens, range cet album dans ton sac maintenant !
La très jeune fille s'éloigne des deux sœurs mais ne cesse de regarder ses photos.
LA BELLE-MÈRE (troublée). Qu'est-ce que je disais ?
LE PÈRE. Tu parlais de la personne qui a construit la maison tout en verre.
LA BELLE-MÈRE. Oui, c'est quelqu'un de très moderne il a un nom très compliqué vous connaissez peut-être ? Il s'appelle...
Elle cherche.
SŒUR LA GRANDE. Comment il s'appelle ?
La très jeune fille se dirige à nouveau vers les sœurs.
LA BELLE-MÈRE (très perturbée). Euh, je sais plus...
Joël Pommerat, Cendrillon, 2011.
A Copenhague, la mode est aux façades en verre, y compris pour les immeubles résidentiels. Chacun vit sous les yeux des autres. Et de nouveaux codes sociaux se mettent peu à peu en place.
Au troisième étage, une femme en congé de maternité fait du rangement après une matinée agitée. Au premier trône, solitaire, un vélo d'appartement. Au rez-de-chaussée, une femme travaille sur son Mac tout blanc. Tels les habitants d'une maison de poupée, chacun vit sa vie, et nous pouvons tous les regarder, surtout à la tombée du jour.
Dans tout le Danemark, où l'immobilier est en plein essor, et en particulier à Copenhague, on construit en verre. La tendance architecturale et une nouvelle technologie permettant de réaliser d'importantes surfaces en verre se combinent pour créer un nouveau paysage urbain d'immeubles, d'entreprises et d'institutions transparents. "Nous n'avons plus besoin de nous cacher", explique Morten Schmidt, du cabinet d'architectes Schmidt, Hammer et Lassen, qui utilise le verre dans la plupart de ses projets. "Le verre permet de donner beaucoup plus de lumière au logement. Et, comme nous sommes devenus plus ouverts et plus tolérants, nous n'hésitons pas à préférer la lumière à l'intimité." "Dans un immeuble en verre, nous sommes des objets d'exposition, mais nous sommes également spectateurs du théâtre de la ville", souligne Anette Brunsvig Sørensen, professeur à l'école d'architecture d'Aarhus. [...] "De cette manière, le logement et la ville s'apportent mutuellement quelque chose. Les anciennes façades fermées, elles, n'apportaient rien du tout."
La plupart des nouveaux appartements aux grandes baies vitrées sont vendus avant même d'être achevés. Les brochures de vente montrent des croquis de l'appartement avec des meubles simples et une vue sur la grande ville. "Quand on peut regarder dehors avec une vue dégagée, le logement paraît beaucoup plus grand, assure Morten Schmidt. Et, avec toutes les nouvelles formes de persiennes et de cloisons, il est toujours possible de préserver son intimité." Lorsque les habitants des bâtiments en verre parlent de leur nouvel appartement, ils mettent en avant la lumière et le paysage. Une vue tellement belle qu'ils n'imaginent pas un instant suivre le conseil de l'architecte en fermant les persiennes. "Nous avions acheté de grands stores, que nous avons baissés les trois ou quatre premiers soirs. Maintenant, nous ne les utilisons qu'une fois par mois, et encore", raconte un habitant du quartier Ørestaden dans l'étude que Marie Stender a réalisée pour le Centre du logement et du bien-être. "Nous adorons la vue sur Fælleden [un terrain non construit] et la lumière de la ville de l'autre côté."
On regarde de travers ceux qui se protègent des regards extérieurs avec des plantes, des rebords de fenêtre bricolés ou, pire, de longs rideaux qui restent tirés même pendant la journée. Ce genre de comportement passe pour une faute de goût et est même jugé un peu suspect. "Ceux qui choisissent de vivre dans un immeuble aux grandes façades de verre ne le font pas par exhibitionnisme. Ils le font pour la lumière et la vue, fait remarquer Marie Stender [une antroplogue qui a travaillé sur le terrain parmi les habitants d'un nouvel immeuble en verre de Copenhague, pour étudier comment on vit dans une maison de verre pendant un an]. Mais on ne peut pas empêcher les gens de regarder à l'intérieur. Ils pourraient croire qu'on a quelque chose à cacher." La mode du verre dans l'architecture nous vient des Pays-Bas, où la tradition des grandes fenêtres nues date des piétistes [membres d'une secte luthérienne du XVIIIe siècle], pour lesquels des fenêtres sans rideaux étaient une marque de piété. "Il faut se garder de faire un parallèle avec une époque radicalement différente, mais je pense qu'il s'agit un peu de la même chose, ici, estime Marie Stender. Vouloir se cacher est un peu ostentatoire. Dieu et tout un chacun doivent pouvoir regarder." Ses interlocuteurs ont failli tomber à la renverse lorsqu'elle leur a dit qu'ils auraient pu faire installer des vitres sans tain, qui auraient empêché qu'on les voie. Dans leur esprit, une telle initiative aurait paru louche. "Les discussions dans les assemblées de copropriétaires tournent beaucoup autour de cela, explique l'anthropologue. Dans le parc Karen Blixen, à Ørestaden, les propriétaires ont des persiennes minimalistes, les locataires d'épais et lourds rideaux, ce qui agace les premiers, qui estiment que les rideaux nuisent à l'ensemble architectural." [...]
"Les technologies de communication perfectionnées d'aujourd'hui rendent encore plus important le fait de pouvoir constater qu'il y a d'autres êtres humains dans le monde. Beaucoup racontent combien ils apprécient de voir de la lumière dans les salons des autres lorsqu'ils se lèvent tôt pour aller travailler. Ils se sentent alors moins seuls, même s'ils vont probablement rester assis devant leur ordinateur toute la journée. Mais ils doivent se contenter d'être des individus qui passent devant l'immeuble à pied ou à vélo. Ils ne doivent pas vous regarder soudain dans les yeux et faire de vous un objet", affirme-t-elle.
Johanne Mygind, "LA TENDANCE ARCHITECTURALE AU DANEMARK. Vivre dans la transparence", Weekendavisen, in Courrier International, 13/12/2006.
Photogramme extrait du film Playtime de Jacques Tati, de 49' à 57'.
Quel est, selon vous, le rôle d'un architecte ? Présentez votre point de vue.
Vous proposerez une confrontation organisée de ces documents.
Dans son texte, évoquant en particulier les immeubles de banlieue, Philippe Trétiak écrit : "l'architecture, c'est ce qui est moche et vieillit mal."
Discutez ce point de vue.
C. Rochefort, dans son roman, raconte la jeunesse d'une jeune fille dans le milieu ouvrier des années 60. La sortie du livre est contemporaine de la construction des grands immeubles de la banlieue parisienne.
Maintenant, notre appartement était bien. Avant, on habitait dans le treizième, une sale chambre avec l'eau sur le palier. Quand le coin avait été démoli, on nous avait mis ici ; on était prioritaires ; dans cette Cité les familles nombreuses étaient prioritaires. On avait reçu le nombre de pièces auquel nous avions droit selon le nombre d'enfants. Les parents avaient une chambre, les garçons une autre, je couchais avec les bébés dans la troisième ; on avait une salle d'eau, la machine à laver était arrivée quand les jumeaux étaient nés, et une cuisine séjour où on mangeait ; c'est dans la cuisine, où était la table, que je faisais mes devoirs. C'était mon bon moment : quel bonheur quand ils étaient tous garés, et que je me retrouvais seule dans la nuit et le silence ! Le jour je n'entendais pas le bruit, je ne faisais pas attention ; mais le soir j'entendais le silence. Le silence commençait à dix heures : les radios se taisaient, les piaillements, les voix, les tintements de vaisselles ; une à une les fenêtres s'éteignaient. A dix heures et demie c'était fini. Plus rien. Le désert. [...]
Il faisait nuit. Presque toutes les fenêtres des grands blocs neufs, de l'autre côté de l'Avenue, étaient éclairées. Les blocs neufs étaient de plus en plus habités. Un bloc fini, et hop on le remplissait.
Je les avais vus construire. Maintenant ils étaient presque pleins. Longs, hauts, posés sur la plaine, ils faisaient penser à des bateaux. Le vent soufflait sur les plateaux, entre les maisons. J'aimais traverser par là. C'était grand, et beau, et terrible. Quand je passais tout près, je croyais qu'ils allaient me tomber dessus. Tout le monde avait l'air minuscule, et même les blocs de notre Cité auprès de ceux-là ressemblaient à des cubes à jouer.
Christiane Rochefort, Les Petits Enfants du siècle, 1961, Grasset, Coll. Poche
Dans son essai, Philippe Trétiak réfléchit sur les erreurs de l'architecture en France.
Par une dérive inquiétante, la préoccupation d'hier des architectes - transformer toute la société par l'architecture et l'urbanisme, rêve d'ordre nouveau porté par Le Corbusier et les CIAM (congrès international d'architecture moderne) - est reprise à présent par les politiques, qui, à coups de ministères et de secrétariat à la Ville, espèrent estomper la "fracture sociale". [...] On sait que Le Corbusier fut un architecte à philosophie autoritaire, on pensait les architectes revenus de cette idée qu'un bon plan urbain rendrait les foules radieuses pour ne pas dire dociles. [...]
La question de la banlieue est assurément essentielle. Il faut penser un urbanisme qui saurait l'intégrer, qui cesserait d'enclore les villes dans des périphériques-barrières de classe infranchissables ; on en est loin. Pour distraire les foules, on les hypnotise par quelques destructions spectaculaires de barres et de tours. on fait sauter les HLM pourries des Minguettes, de Vaulx-en-Velin, la Muraille de Chine à Saint-Etienne, les Tarterêts, l'immeuble Renoir aux 4000 à La Courneuve, et chaque explosion culpabilise un peu plus les architectes montrés du doigt. Rasons l'architecture maudite.
Il est vrai que les architectes, longtemps exclus du champ de la commande, se sont retrouvés dans les années 50, puis durant les années de la reconstruction d'après-guerre, investis d'un pouvoir extrême. Au début des années 70, on construisait 500 000 logements par an, et ce sont près de 13 millions et demi de logements neufs qui sont sortis de terre en quatre décennies, quantité bien supérieure à tout ce qui avait été bâti jusque-là. la France est un pays neuf, et la destruction spectaculaire de quelques barres n'est qu'une goutte d'eau dans la mer des "cités". On se souvient que les effets de cet urbanisme ravageur ont même donné naissance au néologisme infamant de "sarcellite"et le jugement populaire s'est fait plus radical. En résumé, l'architecture, c'est ce qui est moche et vieillit mal. Ce qui n'est pas complètement faux. Gardons toutefois à l'esprit que ces logements édifiés dans l'urgence étaient censés céder leur place à d'autres, de meilleure qualité. Près d'un demi-siècle plus tard, ils nécessitent tous des travaux de remise aux normes, ne serait-ce que pour satisfaire à des impératifs de sécurité. A défaut, ils passent pour ce qu'ils sont : un ersatz surdimensionné de l'électroménager des années 60. Plutôt que de les entretenir, on veut les mettre à la poubelle. L'architecture n'en sort pas grandie.
P. Trétiack, Faut-il pendre les architectes ?, coll. Points, éd. du Seuil, 2001.
Sarcelles, avenue du 8 mai 1945, photographie de l'exposition "Le Grand ensemble: entre pérennité et démolition", Ecole Nationale Superieure d'Architecture Paris-Belleville.
Qu'est-ce que vous mettez derrière ces mots : "tâches domestiques" ?
Sandrine Rousseau, députée écologiste, a proposé en 2022 de créer un "délit de non-partage des tâches domestiques". Que pensez-vous de cette proposition ?
Observatoire des inégalités, "Le partage des tâches domestiques et familiales ne progresse pas", mai 2020.
Le Deuxième Sexe est un essai féministe de Simone de Beauvoir : à la fois constat sur la situation des femmes après la Seconde Guerre mondiale mais aussi oeuvre philosophique sur la condition de la femme, ce livre reste à ce jour une référence majeure de la philosophie féministe.
Un reporter américain, qui a vécu plusieurs mois parmi les "pauvres Blancs" du sud des U.S.A., a décrit le pathétique destin d'une de ces femmes accablées de besogne qui s'acharnent en vain à rendre habitable un taudis. Elle vivait avec son mari et sept enfants dans une baraque de bois aux murs couverts de suie, grouillante de punaises ; elle avait essayé de "rendre la maison jolie" ; dans la chambre principale, la cheminée recouverte d'un crépi bleuâtre, une table et quelques tableaux pendus au mur évoquaient une sorte d'autel. Mais le taudis demeurait un taudis et Mrs. G. disait les larmes aux yeux : "Ah ! je déteste tant cette maison ! Il me semble qu'il n'y a rien au monde qu'on puisse faire pour la rendre jolie !" Des légions de femmes n'ont ainsi en partage qu'une fatigue indéfiniment recommencée au cours d'un combat qui ne comporte jamais de victoire. Même en des cas plus privilégiés, cette victoire n'est jamais définitive. Il y a peu de tâches qui s'apparentent plus que celles de la ménagère au supplice de Sisyphe ; jour après jour, il faut laver les plats, épousseter les meubles, repriser le linge qui seront à nouveau demain salis, poussiéreux, déchirés. La ménagère s'use à piétiner sur place ; elle ne fait rien : elle perpétue seulement le présent ; elle n'a pas l'impression de conquérir un Bien positif mais de lutter indéfiniment contre le Mal. C'est une lutte qui se renouvelle chaque jour. On connaît l'histoire de ce valet de chambre qui refusait avec mélancolie de cirer les bottes de son maître. "À quoi bon ? disait-il, il faudra recommencer demain." Beaucoup de jeunes filles encore mal résignées partagent ce découragement. Je me rappelle la dissertation d'une élève de seize ans qui commençait à peu près par ces mots : "C'est aujourd'hui jour de grand nettoyage. J'entends le bruit de l'aspirateur que maman promène à travers le salon. Je voudrais fuir. Je me jure que quand je serai grande, il n'y aura jamais dans ma maison de jour de grand nettoyage." L'enfant envisage l'avenir comme une ascension indéfinie vers on ne sait quel sommet. Soudain, dans la cuisine où la mère lave la vaisselle, la fillette comprend que depuis des années, chaque après-midi, à la même heure, les mains ont plongé dans les eaux grasses, essuyé la porcelaine avec le torchon rugueux. Et jusqu'à la mort elles seront soumises à ces rites. Manger, dormir, nettoyer..., les années n'escaladent plus le ciel, elles s'étalent identiques et grises en une nappe horizontale ; chaque jour imite celui qui le précéda ; c'est un éternel présent inutile et sans espoir.
Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, II, "La Femme mariée", éd. Gallimard, 1949.
Regardez les 20 premières secondes de la publicité Avec Eye Money.../Cache cache. Imaginez la fin.
1. Qui sont les auteurs de violences domestiques ?
2. Comment s'exercent ces violences ?
3. Quel a été l'impact du confinement sur ces violences ?
La période d'assignation à domicile au printemps 2020 a révélé l'ampleur des phénomènes de violence intrafamiliale.
La violence conjugale exercée par les hommes n'est pas soudaine ou ponctuelle. Elle s'inscrit dans une stratégie d'emprise : non seulement la victime est surveillée en permanence, mais également progressivement coupée des liens avec ses proches, et placée dans une dépendance matérielle et affective vis-à-vis de son agresseur. La question spatiale est cruciale dans ce processus de contrôle et d'isolement, ce que la chercheuse Evangelina San Martin Zapatero a mis en évidence à travers le terme de "déprise spatiale" (2019). S'inspirant du concept développé en sociologie du vieillissement, elle montre que les violences conjugales ont notamment pour conséquence une forte restriction des déplacements, une perte de compétence spatiale et une dépendance au conjoint pour la réalisation des déplacements. L'instauration du confinement en réponse à l'épidémie de Covid-19 a inévitablement été un atout pour les agresseurs dans leur stratégie d'emprise. C'est ce que montre l'augmentation considérable du nombre de signalements de faits de violence intraconjugaux pendant la période, que ce soit en France ou dans les autres pays concernés par des mesures de confinement. [...]
Le rapport de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et pour la lutte contre la traite des êtres humains paru au cours de l'été fait état également d'une forte hausse des signalements de violences sur les plateformes d'écoute des victimes, en particulier via les modes de communications "silencieux". Ainsi, "les tchats de la plateforme de signalement des violences sexistes et sexuelles "Arrêtons les violences" ont été multipliés par 4,4 par rapport à 2019 pour tous les faits de violences et par 17 pour les faits de violences intrafamiliales". Comme l'indique le rapport, cette hausse des signalements est liée à une aggravation des faits de violence plutôt qu'à un déclenchement de nouvelles violences dans des couples non concernés avant le confinement.Marion Tillous, "Violences conjugales, un confinement sans fin", Libération, 2 octobre 2020.
À deux, imaginez et écrivez le scénario d'un court film de sensibilisation à la répartition des tâches/aux violences domestiques.
Que désignent les mots et les expressions suivants : "marchand de sommeil", "habitat indigne", "vétusté", "insalubrité", "promiscuité" ?
Le mal-logement c'est... Que voyez-vous sur l'affiche de la fondation Abbé Pierre ?
Campagne de sensibilisation de la fondation Abbé Pierre 2014.
Deanna Van Buren, Imaginer un monde sans prison, Ted Talks, 2017.
1. Quels sont les différents types de bâtiment évoqués par Deanna Van Buren ?
2. Selon elle, comment l'architecture influence-t-elle la vie des gens ?
1. Dessinez le système architectural prévu par Bentham et décrit par Foucault.
2. Que pensez-vous de ce système ?
Le Panopticon de Bentham est la figure architecturale de cette composition. On en connaît le principe : à la périphérie un bâtiment en anneau ; au centre, une tour ; celle-ci est percée de larges fenêtres qui ouvrent sur la face intérieure de l'anneau ; le bâtiment périphérique est divisé en cellules, dont chacune traverse toute l'épaisseur du bâtiment ; elles ont deux fenêtres, l'une vers l'intérieur, correspondant aux fenêtres de la tour ; l'autre, donnant sur l'extérieur, permet à la lumière de traverser la cellule de part en part. Il suffit alors de placer un surveillant dans la tour centrale, et dans chaque cellule d'enfermer un fou, un malade, un condamné, un ouvrier ou un écolier. Par l'effet du contre-jour, on peut saisir de la tour, se découpant exactement sur la lumière, les petites silhouettes captives dans les cellules de la périphérie. Autant de cages, autant de petits théâtres, où chaque acteur est seul, parfaitement individualisé et constamment visible. Le dispositif panoptique aménage des unités spatiales qui permettent de voir sans arrêt et de reconnaître aussitôt. En somme, on inverse le principe du cachot ; ou plutôt de ses trois fonctions – enfermer, priver de lumière et cacher – on ne garde que la première et on supprime les deux autres. La pleine lumière et le regard d'un surveillant captent mieux que l'ombre, qui finalement protégeait. La visibilité est un piège. Ce qui permet d'abord – comme effet négatif – d'éviter ces masses, compactes, grouillantes, houleuses, qu'on trouvait dans les lieux d'enfermement, ceux que peignait Goya ou que décrivait Howard. Chacun, à sa place, est bien enfermé dans une cellule d'où il est vu de face par le surveillant ; mais les murs latéraux l'empêchent d'entrer en contact avec ses compagnons. Il est vu, mais il ne voit pas ; objet d'une information, jamais sujet dans une communication. La disposition de sa chambre, en face de la tour centrale, lui impose une visibilité axiale ; mais les divisions de l'anneau, ces cellules bien séparées impliquent une invisibilité latérale. Et celle-ci est garantie de l'ordre. Si les détenus sont des condamnés, pas de danger qu'il y ait complot, tentative d'évasion collective, projet de nouveaux crimes pour l'avenir, mauvaises influences réciproques ; si ce sont des malades, pas de danger de contagion ; des fous, pas de risque de violences réciproques ; des enfants, pas de copiages, pas de bruit, pas de bavardage, pas de dissipation. Si ce sont des ouvriers, pas de rixes, pas de vols, pas de coalitions, pas de ces distractions qui retardent le travail, le rendent moins parfait ou provoquent les accidents. La foule, masse compacte, lieu d'échanges multiples, individualités qui se fondent, effet collectif, est abolie au profit d'une collection d'individualités séparées. Du point de vue du gardien, elle est remplacée par une multiplicité dénombrable et contrôlable ; du point de vue des détenus, par une solitude séquestrée et regardée. [...] C'est à la fois trop et trop peu que le prisonnier soit sans cesse observé par un surveillant : trop peu, car l'essentiel c'est qu'il se sache surveillé ; trop, parce qu'il n'a pas besoin de l'être effectivement. Pour cela Bentham a posé le principe que le pouvoir devait être visible et invérifiable. Visible : sans cesse le détenu aura devant les yeux la haute silhouette de la tour centrale d'où il est épié. Invérifiable : le détenu ne doit jamais savoir s'il est actuellement regardé ; mais il doit être sûr qu'il peut toujours l'être. Bentham, pour rendre indécidable la présence ou l'absence du surveillant, pour que les prisonniers, de leur cellule, ne puissent pas même apercevoir une ombre ou saisir un contre-jour, a prévu, non seulement des persiennes aux fenêtres de la salle centrale de surveillance, mais, à l'intérieur, des cloisons qui la coupent à angle droit et, pour passer d'un quartier à l'autre, non des portes mais des chicanes : car le moindre battement, une lumière entrevue, une clarté dans un entrebâillement trahiraient la présence du gardien. Le Panoptique est une machine à dissocier le couple voir-être vu : dans l'anneau périphérique, on est totalement vu, sans jamais voir ; dans la cour centrale, on voit tout, sans être jamais vu.
M. Foucault, Surveiller et punir, Naissance de la prison, éd. Gallimard, 1975.
Vous proposerez une confrontation organisée de ces documents + un plan.
Toujours voyager, est-ce, selon vous, rester libre ?
1. Tribu : Ici, famille au sens large.
2. Stigmatiser : Dénoncer, critiquer publiquement quelqu'un ou un acte que l'on juge moralement condamnable ou répréhensible
3. Rroms : variante orthographique de Rom.
4. Termes plus ou moins familiers désignant différentes communautés dites de "gens du voyage".
5. Se lover : se nicher, s'installer.
C'est le début du livre d'Alice Ferney consacré à la rencontre d'une institutrice et de la communauté des "gens du voyage".
Rares sont les Gitans qui acceptent d'être tenus pour pauvres, et nombreux pourtant ceux qui le sont. Ainsi en allait-il des fils de la vieille Angéline. Ils ne possédaient que leur caravane et leur sang. Mais c'était un sang jeune qui flambait sous la peau, un flux pourpre de vitalité qui avait séduit des femmes et engendré sans compter. Aussi, comme leur mère qui avait connu le temps des chevaux et des roulottes, ils auraient craché par terre à l'idée d'être plaints.
Le camp stationnait à l'est de la ville, circulant au gré des expulsions dans cette périphérie qui dissout les enchantements. Les décharges et les terrains vagues perçaient un paysage de pavillons et de logements sociaux. [...]
Au coin de la rue des Iris et de la rue des Lilas, un ancien potager restait inconstructible. L'institutrice retraitée qui en était la propriétaire refusait de le vendre à la commune. La terre, pleine de fondrières, était incrustée de verres cassés, de morceaux de pneus et de bouts de ferraille. Des portières de voitures démolies servaient de pont sur les grandes flaques qu'apportait la pluie. Une poubelle municipale scellée sur un socle de ciment débordait. Un pommier finissait de mourir dans le sol pelé, couvert de détritus et d'un peu de bois pourri.
La fin de l'été ressembla cette année-là à une fin d'automne. L'hôtel désaffecté que squattaient les Gitans dans la campagne avait été muré sous leurs yeux. Chassée par la police et les huissiers, la tribu1 d'Angéline vint occuper le potager au début de septembre. C'était une propriété privée mais rien ne l'indiquait et ils avaient l'habitude de stationner là où on l'interdit. Un vent de bord de mer soulevait les cheveux longs des belles-filles d'Angéline. Elles serraient des cardigans râpés sur leur poitrine. Les enfants couraient autour d'elles. De temps en temps, l'une ou l'autre en attrapait un, le talochait et le relâchait en vociférant, qu'il se tienne un peu tranquille ou qu'il aille aider son père, c'était trop fatigant de les avoir à courir dans les jambes. Ils s'éclipsaient en poussant des cris stridents. Ils avaient des corps secs comme des triques, et lorsqu'ils grimpaient au pommier ils étaient prestes et agiles. Apportez-moi du petit bois ! leur criait Angéline. Elle était joyeuse, et plus que les autres, comme si, l'âge gagnant, elle avait fini par comprendre que la joie se fabrique au-dedans. Les enfants étaient entraînés par cette gaieté, leurs petites mains grises rapportaient des branchettes et des brindilles. Angéline riait. Oui les enfants étaient le premier bonheur. A cette pensée, elle cherchait des yeux ses fils. Ils faisaient rouler les camions en évitant les ornières.
Alice Ferney, Grâce et dénuement, éd. Actes Sud, 2006.
William Acker est juriste et issu des communautés dites des "gens du voyage".
Les Voyageurs, Rroms3, Sinté, Manouches, Gitans ou Yéniches4 savent, connaissent et voient depuis des années où l'État et ses collectivités les parquent, loin des villes, près d'installations polluantes ou nuisibles. Si bien que l'adage revient sans cesse "si tu ne trouves par l'aire, cherche la déchèterie". À Petit-Quevilly encore une fois cela se vérifie, ailleurs aussi, partout en fait. Dans le Nord, le Collectif des femmes d'Hellemmes Ronchin lutte pour les mêmes raisons depuis des années. Un parking de plus, insalubre, surpeuplé, situé aux pieds d'une usine de béton, d'une concasserie de pierre, de lignes de TGV et de zones d'épandages de pesticides. Des malades chroniques, des nuisances insupportables, une relégation hors de la ville : même schéma. [...]
Ce sont donc des parkings, des centaines, des milliers de parkings, fermés, à l'écart, surveillés, obligatoires, imposés, payants, pollués, réservés à des collectifs regroupés sous une même catégorisation administrative, celle des "gens du voyage". Catégorisation administrative qui, dans la pratique, se superpose indistinctement aux catégories ethnologiques. Ainsi il n'est pas rare de lire des textes utilisant "gens du voyage" et "tsiganes" comme synonymes. Ce qui est vrai dans les sciences sociales, mais aussi dans la doctrine administrative et juridique.
Nos parkings ne s'appréhendent pas par leur fonction usuelle, ils ne sont pas faits pour se garer, ils ne sont même pas vraiment faits pour "l'accueil", ils ont avant tout pour fonction de stocker, mettre à l'écart et contrôler. [...] Sur les réseaux, au téléphone ou sur place je récolte les témoignages d'habitants, certains me contactent directement, m'envoient des photos, me parlent de leur mal-être, de leurs conditions de vie, du sentiment d'abandon et d'infantilisation. Astreints à une surveillance ponctuelle ou constante sur les aires, à un contrôle de leurs déplacements et de leurs espaces de vie, d'autres entrent en contact pour des conseils sur leurs droits. Un besoin énorme de témoigner et d'exister. Pourtant nombre d'entre eux sont dans une position délicate. Parler est un risque. Ainsi dénoncer ses conditions de vie c'est prendre le risque d'une fermeture de l'aire d'accueil sans aucune solution de relogement et donc se voir condamné à l'errance et l'illégalité. Parler c'est aussi prendre le risque de se faire expulser, d'attiser l'hostilité des responsables publics ou privés en charge de l'accueil. [...]
Le silence se love5 dans la peur et suscite parfois l'hostilité des habitants de l'aire eux-mêmes à l'égard de celui qui témoigne. Peur de se voir expulser ou de perdre quelques petits avantages d'emplacement et de commodités obtenus au prix de longues années de présence et de négociation. Une habitante d'une aire en Loire-Atlantique m'a confié : "je veux rien dire publiquement parce que les autres m'en voudront si le terrain vient à fermer, même si on a pas grand-chose c'est difficile de prendre le risque de devoir partir, faut enlever les enfants de l'école et on va encore se retrouver sans rien dehors. Moi je leur dis de toute façon on est comme des chiens là, ici ou ailleurs ça pourra pas être pire, mais il n'y a rien à faire".
William Acker, Où sont les "gens du voyage" ? Inventaire critique des aires d'accueil, éditions du commun, 2021.
Le photographe Mathieu Pernot a suivi une famille rom, les Gorgan, de 1995 à 2015. Les portraits des membres de la famille constituent le deuxième volet de l'exposition Mondes tsiganes, Musée de l'Histoire et de l'Immigration, 2018.
Mathieu Pernot, Sans titre, Jonathan, Avignon, 1996.