Problématique : Quels rapports entretenons-nous avec les objets ?
Quelles définitions peut-on donner du mot 'objet' ?
1. Comment le texte de Baudrillard approfondit-il la définition des objets ?
2. Que nous montrent ces deux documents sur le monde des objets ?
"Peut-on classer l'immense végétation des objets comme une flore ou une faune, avec ses espèces tropicales, glaciaires, ses mutations brusques, ses espèces en voie de disparition ? [...] Les objets quotidiens (nous ne parlons pas des machines) prolifèrent, les besoins se multiplient, la production en accélère la naissance et la mort, le vocabulaire manque pour les nommer."
Catalogue de la Manufacture des armes et cycles de Saint-Etienne, 1910.
J. Baudrillard est un sociologue et philosophe atypique qui développe dans ses texte une critique radicale du monde contemporain.
Peut-on classer l'immense végétation des objets comme une flore ou une faune, avec ses espèces tropicales, glaciaires, ses mutations brusques, ses espèces en voie de disparition ? La civilisation urbaine voit se succéder à un rythme accéléré les générations de produits, d'appareils, de gadgets, en regard desquelles l'homme paraît une espèce particulièrement stable. Ce foisonnement, réflexion faite, n'est pas plus bizarre que celui des innombrables espèces naturelles. Or, celles-ci, l'homme les a recensées. Et, à l'époque où il a commencé de le faire systématiquement, il a pu aussi, dans l'Encyclopédie, donner un tableau exhaustif des objets pratiques et techniques dont il était environné. Depuis, l'équilibre est rompu, les objets quotidiens (nous ne parlons pas des machines) prolifèrent, les besoins se multiplient, la production en accélère la naissance et la mort, le vocabulaire manque pour les nommer. Peut-on espérer classer un monde d'objets qui change à vue et parvenir à un système descriptif ? Il y aurait presque autant de critères de classification que d'objets eux-mêmes selon leur taille, leur degré de fonctionnalité (quel est leur rapport à leur propre fonction objective), le gestuel qui s'y rattache (riche ou pauvre, traditionnel ou non), leur forme, leur durée, le moment du jour où ils émergent (présence plus ou moins intermittente, et la conscience qu'on en a), la matière qu'ils transforment (pour le moulin à café, c'est clair, mais pour le miroir, la radio, l'auto ? Or, tout objet transforme quelque chose), le degré d'exclusivité ou de socialisation dans l'usage (privé, familial, public, indifférent) etc. En fait, tous ces modes de classement peuvent paraître, dans le cas d'un ensemble en continuelle mutation et expansion, comme l'est celui des objets, à peine moins contingents que l'ordre alphabétique. Le catalogue de la Manufacture d'Armes de Saint-Etienne nous livre déjà, à défaut de structures, des subdivisions, mais il ne porte que sur les objets définis selon leur fonction. Chacun y répond à une opération, souvent infime et hétéroclite, nulle part n'affleure un système de significations.
J. Baudrillard, Le Système des objets, éd. Gallimard, 1968.
1. Combien d'objets possédez-vous ?
2. Est-ce que vous vous jugez matérialiste ?
3. De combien d'objets, selon vous, avez-vous besoin pour vivre ?
La démarche de Diogène et le challenge des 100 objets vous paraissent-ils similaires ? Justifiez votre point de vue.
D'après vous, les objets ont-ils trop de place dans notre vie ?
Cherchez la définition de la syllogomanie et du syndrome de Diogène.
Le philosophe grec Diogène assis dans une jarre avait pour compagnons des chiens, emblèmes de sa philosophie cynique. Il est connu pour son mépris des richesses et des conventions sociales. Une anecdote rapporte qu'il parcourait les rues d'Athènes en plein jour, une lanterne à la main, déclarant à ceux qui lui demandaient ce qu'il faisait : "Je cherche un homme. »
J.-L. Gérôme, Diogène, 1860.
Dans sa liste, on a pioché: un tee-shirt rouge, une planche de surf, une bouteille en plastique, une bible d'occasion, un téléphone portable avec chargeur, une alliance, des cartes de visite, un chapeau en laine (que sa femme trouve trop moche), une paire de Docs Martens achetée le 20 mai 2009... Au total, cent objets tout rond, pas un de plus sinon c'est triché.
Le gars qui a fait cette liste s'appelle Dave - son blog guynameddave. Il est né à San Diego aux Etats-Unis, et il y vit avec sa femme, ses trois filles et son chien Piper. Le 12 novembre 2008, il se lance un défi: vivre avec cent objets maximum pendant un an. Le "100 Thing Challenge" doit l'aider à se libérer de la société de consommation à l'américaine. "Beaucoup de gens ont le sentiment que leur penderie et leur garage débordent de choses qui ne rendent pas vraiment leur vie meilleure". D'où cette idée qu'il résume en trois verbes: "réduire, refuser, et redéfinir" ses priorités.
"Une forme de militantisme"
A-t-on besoin d'avoir toujours plus pour être heureux ? L'interrogation n'est pas nouvelle, certains se la posent depuis belle lurette mais la crise aidant, elle revient en force. Et inspire ici et là des actes de rébellions. Ce challenge des 100 objets en est un, comme l'explique Sophie Dubuisson-Quellier, chercheur au CNRS et à Sciences Po. "C'est une forme de militantisme. Avec un but précis: Porter un message sur la place publique. Vivre avec 100 objets, cela tient presque du slogan. Ça parle aux gens tout de suite..."
Définir les objets prioritaires amène à des questions existentielles du genre: faut-il se limiter en livres ? En sous-vêtements ? Et que faire du canapé du salon? Dave a décidé d'exclure tout les "biens partagés" (lit, table de la salle à manger...) pour ne décompter que les objets strictement personnels. En s'accordant quelques libertés comme pouvoir changer un objet par un autre. Ou compter les caleçons dans un même groupe, comme un seul objet. Idem pour les chaussettes.
Un peu trop facile au goût de Colin, beau gosse baroudeur, qui raconte sur son blog, photos à l'appui, comment il a réussi à tomber à 72 puis 51 objets, pour être libre comme l'air et déménager à la vitesse de l'éclair. Dans son règlement, précise-t-il, les lunettes de vue et son étui ne font qu'un, le papier toilette et la nourriture ne comptent pas.
"Le désordre est une forme de procrastination"
Plus pragmatique, le blog de RowdyKittens propose des conseils pratiques pour décrocher en douceur: "commencer petit, en donnant par exemple dix objets par semaine à une association caritative", "fuyez les galeries marchandes" et "les pubs à la télé" pour ne pas être tenté. Autre moyen de résister : se répéter chaque fois que nécessaire que "moins d'affaires simplifie le ménage" et que "le désordre est une forme de procrastination".
Sur sa liste, la blogueuse ne compte tout de même qu'un seul objet pour ses élastiques à cheveux. Elle affirme que "le challenge des 100 choses peut paraître arbitraire mais au fond, c'est un bon exercice. Il nous oblige à faire l'inventaire de tout ce qu'on a, nos buts dans la vie. Le plus gros défi est de décider ce qui compte et ce qui ne compte pas."
Caracolent en tête des objets indispensables: l'ordinateur portable, le wi-fi, MP3 et autres disques durs. "Ce grand écart entre un mode de vie dépouillé et un usage avancé des nouvelles technologies peut sembler paradoxal, reconnaît Sophie Dubuisson-Quellier. Mais pour eux, cela ne l'est pas du tout: les militants anti-consuméristes ont des pratiques très développées en matière d'usage des nouvelles technologies. C'est en accord avec leur objectif que de faire passer un message le plus largement possible".
Pour la sociologue Anne Chaté, aussi, "mettre dans sa liste un ordinateur est tout à fait défendable. C'est comme pour un régime minceur. Il vaut mieux des habitudes alimentaires saines qu'un régime sévère qui débouche sur des frustrations et les des excès. Il vaut mieux une modération... modérée."
Le 100 thing challenge n'est qu'un défi du genre. On en trouve à la pelle sur la toile, cheminant de blogs en blogs, de Facebook à Twitter, se revendiquant du courant de la "simplicité volontaire" bien ancré aux Etats-Unis...
Certains parviennent jusque dans les colonnes des journaux, indépendamment du nombre de personnes concernées d'ailleurs. Si le défi des 100 objets n'a pas trouvé d'écho, pour l'heure, en France, d'autres initiatives s'exportent bien: la journée mondiale sans achat ("Buy not day"), ou le freegan, qui consiste à consommer le moins possible en récupérant les aliments encore consommables dans les poubelles des magasins.
"Il est important de distinguer ces formes de militantisme, pensées pour être médiatisées, des pratiques plus diffuses et éparses de ces consommateurs qui s'interrogent au coup par coup sur l'opportunité de tel ou tel achat et qui décident de modifier leurs comportements", conclut Sophie Dubuisson-Quellier.
M. Piquemal, "Ils ont décidé de vivre avec 100 objets", Libération, le 16 août 2010.
Qu'est-ce que les objets "cultes" ? Proposez une définition et plusieurs exemples.
Vous proposerez une synthèse organisée sur les deux documents ci-contre.
Votre devoir sera entièrement rédigé (pas de titres apparents), avec des paragraphes nets ; dans chaque paragraphe, une idée, et des références aux documents, mais pas de citations (uniquement des reformulations).
Vous devez brièvement présenter les documents la première fois que vous y faites référence.
Pensez-vous que les objets permettent d'atteindre à une certaine forme de bonheur ?
Préparez un exposé sur un objet culte. Vous expliquerez son concepteur, son histoire, ses qualités, et les raisons de son succès (populaire ou critique).
"Dans ma vie de consommateur, j'aurai connu trois produits parfaits. Ces produits je les aimés, passionnément, j'aurais passé ma vie en leur présence, rachetant régulièrement, à mesure de l'usure naturelle, des produits identiques. Cette joie simple, ne m'a pas été laissée. Leur fabrication a purement et simplement été stoppée."
Qu'on le veuille ou non, la société de consommation change. L'envie de consommer est toujours là, mais les moteurs du désir ne sont plus les mêmes que ceux qui ont marqué les décennies précédentes.
Les années 60 ont marqué le premier âge de la société de consommation, celui où les produits correspondaient à des besoins tangibles. On les achetait avant tout pour leur valeur d'usage, la fonction qu'ils accomplissaient et qui améliorait souvent le cadre de vie. Ainsi du réfrigérateur (10 % de la population équipée en 1958, 75 % en 1969), de la machine à laver (10 % en 1958, 66 % en 1974), de la télévision, de l'automobile, des couches-culottes, de la lessive et de bien d'autres encore. Par l'acquisition de biens matériels de plus en plus nombreux, la consommation a permis la transformation des modes de vie et s'est associée à la notion de progrès. En 1963, Edgar Morin écrivait dans le Monde l'entrée dans une nouvelle civilisation, "du bien-être, du confort, de la consommation, de la rationalisation".
Les années 80 ont incarné l'apogée du deuxième âge de la consommation, celui où la valeur d'image se substitue à la valeur d'usage. A l'âge de la dynamique individualiste, les objets ne répondent plus à des besoins collectifs mais se personnalisent. Ils visent essentiellement à différencier leurs utilisateurs. La consommation s'organise selon une logique de signes. Signes de réussite ou d'appartenance à un groupe social. Une voiture, des vêtements de marque, une maison bien équipée agissent avant tout comme des marqueurs sociaux. Ils ne répondent plus simplement à un besoin, mais sont choisis pour leur immatériel, l'imaginaire qu'ils incarnent, souvent construit par la publicité.
Trop souvent, les analystes comme les critiques en restent là. Pourtant, nous sommes entrés dans une nouvelle étape de la société de consommation. Les objets ne répondent plus simplement à des besoins : on n'a généralement pas besoin de changer de voiture ou de lave-vaisselle. Aux logiques d'arbitrage de prix ou de marquage social, s'ajoute un nouveau moteur, d'ordre psychologique. Nous choisissons de plus en plus les marques ou les produits pour le bénéfice psychique qu'ils nous apportent. Et celui-ci est souvent inconscient. Comment faire un choix rationnel quand, dans un hypermarché, on doit arbitrer entre 22 000 produits ?
La logique du désir s'est toujours articulée autour de la notion de manque. Mais ce manque est devenu psychologique. Les objets et les marques comblent des vides affectifs. Avec son fameux "Parce que je le vaux bien", la marque L'Oréal joue sur la satisfaction narcissique et aide les femmes à se sentir plus belles. Elle stimule leur confiance en elles et les aide à se sentir désirables, tout en véhiculant l'idée de contrôle, de maîtrise de soi et de son image. Le succès actuel des marques de luxe repose sur une mécanique similaire, celle du luxe "pour soi" plutôt que du symbole de statut.
Par la multiplication des objets, et des messages, la consommation protège de la panne de jouissance. Il n'y a plus de temps morts, ceux-ci sont comblés par des objets, qui ont une nouvelle fonction, celle de béquille identitaire. En identifiant le modèle de la "consommation compensatoire", les chercheurs anglo-saxons soulignent combien les objets du quotidien compensent des déficits identitaires. Ils deviennent une partie de nous-mêmes, traduisent qui nous sommes, ou qui nous rêverions d'être. Le choix paradoxal d'un 4x4, alors qu'on conduit en milieu urbain, vise avant tout à exprimer sa personnalité, à s'identifier à un style de vie rêvée. Dans une société de cols blancs, on se sent plus libre en Levi's, plus viril en Harley Davidson ! On se sent une meilleure mère en utilisant des couches de marque. On maîtrise son corps et son image en utilisant un nouveau shampooing à forte composante technologique. De même qu'on est plus féminine en Chanel. Les marques cultes développent une valeur ajoutée affective.
Dans une société vieillissante, en panne de repères et de projet collectif, la consommation devient une véritable thérapie. Le discours santé des marques alimentaires, les arguments sécurité des marques automobiles rassurent une société anxieuse et peu sûre d'elle. Les objets nous consolent, nous confirment dans notre existence, ou meublent le vide de sens auquel nous sommes confrontés. Il faut désormais aborder la société de consommation avec une nouvelle clé de lecture, où leur valeur affective l'emporte sur leur fonction.
N. Riou, Dis-moi ce que tu consommes, je te dirai qui tu es, Libération, 31 octobre 2005.
Lorsqu'il reprit la parole sa voix était douce, profonde, emplie d'une émotion naïve. "Dans ma vie de consommateur", dit-il, "j'aurai connu trois produits parfaits : les chaussures Paraboot Marche, le combiné ordinateur portable-imprimante Canon Libris, la parka Camel Legend. Ces produits je les aimés, passionnément, j'aurais passé ma vie en leur présence, rachetant régulièrement, à mesure de l'usure naturelle, des produits identiques. Une relation parfaite et fidèle s'était établie, faisant de moi un consommateur heureux. Je n'étais pas absolument heureux, à tous points de vue, dans la vie, mais au moins j'avais cela : je pouvais, à intervalles réguliers, racheter une paire de mes chaussures préférées. C'est peu mais c'est beaucoup, surtout quand on a une vie intime assez pauvre. Eh bien cette joie, cette joie simple, ne m'a pas été laissée. Mes produits favoris, au bout de quelques années, ont disparu des rayonnages, leur fabrication a purement et simplement été stoppée - et dans le cas de ma pauvre parka Camel Legend, sans doute la plus belle parka jamais fabriquée, elle n'aura vécu qu'une seule saison..." Il se mit à pleurer, lentement, à grosses gouttes, se resservit un verre de vin. "C'est brutal, vous savez, c'est terriblement brutal. Alors que les espèces animales les plus insignifiantes mettent des milliers, parfois des millions d'années à disparaître, les produits manufacturés sont rayés de la surface du globe en quelques jours, il ne leur est jamais accordé de seconde chance, ils ne peuvent que subir, impuissants, le diktat irresponsable et fasciste des responsables des lignes de produits qui savent naturellement mieux que tout autre ce que veut le consommateur, qui prétendent capter une attente de nouveauté chez le consommateur, qui ne font en réalité que transformer sa vie en une quête épuisante et désespérée, une errance sans fin entre des linéaires éternellement modifiés.
- Je comprends ce que vous voulez dire", intervint Jed, "je sais que beaucoup de gens ont eu le cœur brisé lors de l'arrêt de la fabrication du Rolleiflex double objectif. Mais peut-être alors... Peut-être faudrait-il réserver sa confiance et son amour aux produits extrêmement onéreux, bénéficiant d'un statut mythique. Je ne m'imagine pas, par exemple, Rolex arrêtant la production de l'Oyster Perpetual Day-Date.
- Vous êtes jeune... Vous êtes terriblement jeune... Rolex fera comme tous les autres."
M. Houellebecq, La Carte et le territoire, éd. Flammarions, 2010.
Selon vous, le numérique nous libère-t-il des objets ?
1. Par groupes de 4, répartissez-vous les documents. Trois étudiants étudient chacun l'un des documents : il faut en dégager au moins 5 idées importantes. Le quatrième doit avoir une vue d'ensemble.
2. Confrontez les idées que vous avez dégagées : quels points communs pouvez-vous trouver ? Élaborez le plan d'une table ronde.
Dans sa célèbre émission de radio, l'animateur Bertrand Zistor reçoit :
- le journaliste Jay Greene, auteur d'un reportage sur les ateliers de recyclage en Chine (document A) ;
- la réalisatrice Cosima Dannoritzer, auteur d'un reportage sur les déchets électroniques diffusé en 2014 sur Arte Télévisions (documents B) ;
- Pascale Clark, journaliste, romancière et animatrice, qui a doublé l'ordinateur de bord de l'Axiom, dans Wall-E (document C) .
Le thème de l'émission : La tragédie électronique.
Après avoir assisté à la naissance de l'iPhone dans les exploitations minières de minéraux rares, Jay Greene s'est interessé pour CNET.com au devenir d'un iPhone en fin de vie et au délicat problème du recyclage.
Il évoque tout d'abord la ville de Guiyu en Chine, un village sinistré écologiquement parlant pour les défenseurs de la cause verte, le "Tchernobyl des déchets électroniques". Les circuits qui atterrissent dans cette ville sont brulés pour récupérer le plomb et les cendres restantes sont déversées dans les rivières de la ville et les canaux alentour.
Ces déchets toxiques contaminent fatalement les puits et eaux souterraines. C'est pourquoi Guiyu est la ville qui détient le triste record du plus haut niveau de dioxines cancérigènes au monde. Il en résulte un grand nombre de fausses couches pour les femmes et beaucoup d'enfants souffrent de saturnisme. [...]
Visite d'un atelier de recyclage en Chine
Jay Greene s'est ensuite mis en quête d'un atelier de recyclage qu'il a finalement trouvé dans le village de Dashan. Dans une chaleur étouffante une dizaines d'ouvriers, principalement des femmes, s'affairent à désassembler les composants. Le plastique, les câbles, fils et circuits d'ordinateurs sont triés, pas de téléphones mobiles dans le local ce jour là.
Le responsable de l'atelier semblait fier de son travail : "Nous allons tout désassembler et le recycler. Nous ferons de nouveaux produits avec, nous ne jetons rien".
"Est-ce bon pour l'environnement ?"a demandé notre reporter en montrant des images prises ce jour là à Jim Puckett, de Basel Action Network qui milite pour réduire l'export de nos produits électroniques vers les pays en voie de développement. Sa réponse surprend : "Ce type de recyclage est pire que de ne rien faire. Il serait préférable de simplement les mettre en décharge."
Le responsable de l'ONG pense que les plastiques sont fondus dans des conditions dangereuses, rejetant ainsi des toxines dans l'air, pour fabriquer de nouveaux objets de la vie courante. Les métaux sont fondus pour la revente dans les même conditions, câbles et circuits finissent à Guiyu selon lui.
Jay Greene a également rencontré Du Huanzheng, professeur à l'Université de Jiaxing, qui se rend souvent à Guiyu pour sensibiliser les habitants aux risques pour leur santé. Mais c'est avant tout l'argent qui les préoccupe explique-t-il, ils font "le choix"de souffrir plus tard afin de pouvoir se nourrir aujourd'hui. Sans les déchets électroniques ils ne pourraient pas.
Durant son entrevue avec le professeur, il a utilisé son iPhone pour joindre un traducteur. En lui montrant l'appareil, il a demandé si des composants de l'iPhone parvenaient jusqu'à Guiyu. Pas encore a répondu Du Huanzheng, la plupart des iPhone ayant fait leur apparition fin 2009 lorsqu'Apple a lancé le produit en Chine. Mais c'est une bombe à retardement de 20 millions d'unités. "Tous deviendront des déchets électroniques et finiront à Guiyu"a-t-il conclu.
G. Bonvoisin, "Le difficile recyclage de l'iPhone et des produits électroniques en fin de vie", 28 septembre 2012, cnetfrance.fr.
Cinquante millions de tonnes de déchets électriques et électroniques sont produits chaque année dans le monde. A Accra, capitale du Ghana, échouent dans l'une des plus grandes décharges à ciel ouvert du monde ordinateurs, écrans, imprimantes, lave-linge… devenus trop encombrants dans nos pays occidentaux.
Cosima Dannoritzer est allée en 2011 visiter et enquêter sur ce sujet. Elle y est retournée cette année. Le constat est accablant et le problème ne fait qu'empirer. Comment se fait-il que ces milliers de tonnes de déchets électroniques toxiques continuent à arriver en masse au Ghana alors que, depuis le 22 mars 1989, la convention de Bâle, traité international ratifié, depuis, par près de 190 pays, en interdit le trafic ? La réponse est simple : le profit.
UN QUART DES DÉCHETS
Il faut dire que les revenus du trafic ont d'ores et déjà dépassé ceux de la drogue. Les systèmes mafieux, basés sur des sociétés écrans internationales, n'ont aucun mal à détourner les réglementations mises en place en Europe. Nos usines de recyclage, financées par des taxes comme l'éco-participation, ne reçoivent qu'un quart des déchets produits, comme l'a montré une expérience de traçage par balises réalisée en Espagne. Le reste disparaît sur des marchés parallèles, ferrailleurs ou déchetteries clandestins.
Aux Etats-Unis, premier producteur mondial de déchets électroniques, l'affaire est plus simple : n'ayant pas ratifié la convention de Bâle, le pays n'est pas obligé de vérifier les exportations de ses déchets. Ce sont entre 20 et 50 conteneurs de déchets chaque jour qui arrivent à Hongkong, plaque tournante d'un trafic en Chine, où des villes entières traitent dans des conditions inhumaines nos marées toxiques.
O. Dumons, "La tragédie électronique", Le Monde Télévisions, le 20/05/2014.
EEE = Équipement Électriques et Électroniques ; DEEE = Déchets d'Équipement Électriques et Électroniques.
Infographie tirée de Arte Future, "La Tragédie électronique", 2014.
Pixar, Wall-E, 2008.
1. Dans quels mouvements artistiques s'inscrivent ces oeuvres ?
2. Comment les objets y sont-ils intégrés ?
3. Quel est l'intérêt artistique de chacune ?
M. Duchamp, Roue de bicyclette, 1913 (réplique réalisée en 1964 sous la direction de l'artiste).
Andy Warhol, Campbell's Soup Cans, 1962.
1. Quelle scène avez-vous préférée ? Pourquoi ?
2. Sam et Suzie sont-ils, selon vous, deux âmes soeurs ?
3. Les adultes, sauveurs de deux enfants perdus ?
4. Qu'est-ce qui fait, selon vous, l'originalité des images de ce film ?
5. Quelle est la place des objets dans le film ?
Observez la scène du mariage (de 1'06'00 à 1'10'00). Vous parait-elle amusante, étrange ou émouvante ? Pourquoi ?
Wes Anderson, Moonrise Kingdom, 2012.
Vous proposerez une synthèse organisée des documents ci-contre.
Dans le salon l'horloge vocale chanta : Tic-tac, sept heures, debout dormeurs, debout dormeurs, sept heures ! comme si elle craignait que personne ne se lève. La maison matinale était déserte. L'horloge continua à tictaquer et à réitérer ses injonctions dans le vide. Sept heures douze, à table tous, sept heures douze !
Dans la cuisine le fourneau spécialisé dans le petit déjeuner émit un sifflement et éjecta de ses chaudes entrailles huit toasts impeccablement grillés, huit œufs au plat, seize tranches de bacon, deux cafés et deux verres de lait frais.
«Nous sommes aujourd'hui le 4 août 2057, récita une deuxième voix au plafond de la cuisine, à Allendale, Californie. » Elle répéta trois fois la date pour en aider la mémorisation. «C'est aujourd'hui l'anniversaire de Mr. Featherstone. C'est aujourd'hui l'anniversaire du mariage de Tilita. Assurance à payer, ainsi que les factures d'eau, de gaz et d'électricité. »
Quelque part dans les murs, des relais s'enclenchaient, des bandes magnétiques défilaient sous des yeux électroniques.
Huit heures une, tic-tac, huit heures une, départ pour l'école, départ pour le travail, vite, vite, huit heures une! Mais nulle porte ne claqua, nul talon de caoutchouc ne pressa les tapis. Dehors, il pleuvait. La cellule météo de la porte d'entrée chantonnait : «Pluie, pluie, hors d'ici; impers et bottes pour aujourd'hui... » Et la pluie, en écho, de crépiter sur la maison vide.
Dehors, le garage carillonna et releva sa porte pour révéler la voiture qui attendait. Après avoir longtemps patienté, la porte se rabattit.
À huit heures et demie les œufs étaient tout racornis et les toasts durs comme pierre. Un grattoir d'aluminium les expédia dans l'évier ; là, un tourbillon d'eau bouillante les entraîna dans un gosier de métal qui les digéra et les propulsa vers la mer lointaine. La vaisselle sale bascula dans une machine à laver dont elle émergea sèche et étincelante. Neuf heures et quart, chanta l'horloge vocale, au ménage sans retard.
Surgies de leurs tanières dans le mur, de minuscules souris-robots s'élancèrent. Les pièces se mirent à fourmiller de petites bêtes nettoyeuses, tout caoutchouc et métal. Elles se heurtaient aux chaises, faisaient tourner leurs moustaches balais-brosses, pétrissaient les poils des tapis, débusquaient et aspiraient en douceur le moindre grain de poussière. Puis, tels de mystérieux envahisseurs, elles disparurent dans leurs terriers. Leurs yeux roses électroniques s'éteignirent. La maison était propre.
Dix heures. Le soleil perça à travers la pluie. La maison se dressait au milieu d'une cité qui n'était plus que cendres et décombres. C'était la seule maison restée debout. La nuit, la cité en ruine émettait une lueur radioactive visible à des kilomètres à la ronde.
Dix heures et quart. Les arroseurs rotatifs s'épanouirent en gerbes dorées, emplissant la douceur matinale d'une douche de lumière. L'eau cinglait les carreaux, ruisselait sur le flanc ouest de la maison, celui dont la peinture blanche avait cramé pour faire place à une surface uniformément noire. Sauf en cinq endroits. Ici, un reste de peinture dessinait la silhouette d'un homme en train de tondre sa pelouse. Là, comme dans une photographie, une femme se penchait pour cueillir des fleurs. Un peu plus loin, leurs images décalquées sur le bois brûlé en un titanesque instant, un petit garçon, les mains tendues en l'air; plus haut, la forme d'un ballon en pleine trajectoire; et de l'autre côté, une fillette, les bras levés pour attraper un ballon qui n'était jamais redescendu.
R. Bradbury, "Août 2057 : Viendront de douces pluies", Chroniques martiennes, 1946, 1948, 1949, 1950, 1958, trad. de J. Chambon et H. Robillot, coll. Folio SF, éd. Gallimard.
Aux caisses des supermarchés, dans les entrepôts, au chevet des malades à l'hôpital, dans les cabinets d'avocats, au guichet de Pôle emploi… Ils sont partout. Des robots qui assurent des tâches jusqu'ici dévolues aux humains, au cœur d'une ville lambda, dans un futur proche. Certains hommes décident d'apprendre à vivre avec, d'autres s'y opposent en créant un mouvement extrême "100 % humain". Ce scénario, établi dans la série suédoise Real Humans (Arte), pourrait devenir bien réel d'ici à dix ans. C'est ce que démontre le cabinet Roland Berger dans une étude dévoilée au JDD.
Son constat est édifiant : avec 20% de tâches automatisés d'ici à 2025 - un scénario que l'étude juge tout à fait probable - les robots mettraient sur le tapis plus de 3 millions de salariés en France. Agriculture, bâtiment, industrie, hôtellerie, administration publique, comme l'armée et la police, hôtellerie, services aux entreprises et aux particuliers… Tous les secteurs perdraient des emplois, sauf l'éducation, la santé et la culture. Le taux de chômage, en pertes brutes, s'élèverait à 18%. Seuls 500.000 postes seraient créés dans le domaine de l'environnement, des nouvelles technologies, de la relation clients. Les tâches restantes seraient très polarisées : d'une part, de la maintenance de robots, à faible valeur ajoutée. D'autre part, des métiers très pointus, avec une forte compétition au niveau mondial.
Après la mondialisation, le spectre de la robotisation
Cette nouvelle ère sera-t-elle celle des "robots tueurs"? Pour Hakim El Karoui, associé au cabinet Roland Berger, qui a piloté l'étude, "la robotisation pourrait être aux cols blancs ce que la mondialisation fut aux cols bleus". "Elle va toucher les classes moyennes, y compris les classes moyennes supérieures, souligne-t-il. C'est-à-dire certaines professions intellectuelles, dont on va pouvoir automatiser certaines tâches, comme les comptables, les juristes, les journalistes… La machine saura faire sans l'homme à très court terme."
Avec des conséquences en cascade sur l'économie française. Les robots assurant désormais les tâches des humains, des gains de productivité seront dégagés : cela permettra, selon l'étude, d'engranger 30 milliards d'euros de recettes fiscales et d'économies budgétaires, et de dégager des investissements privés de l'ordre de 30 milliards d'euros. Les entreprises mobiliseraient, en outre, quelque 60 milliards pour s'automatiser. Bonne nouvelle : ce bouleversement libérera également 13 milliards d'euros de pouvoir d'achat, sous forme de redistribution de dividendes et de baisse des prix.
Mais la population, soumise à une inactivité forcée, pourra-t-elle réellement en profiter? Charles-Édouard Bouée, PDG du cabinet et auteur de l'ouvrage Confucius chez les automates, prédit "une énorme déflagration économique". "Nous aurons plus de temps libre pour nos loisirs, mais moins de travail", assure-t-il. Cet accroissement des inégalités pourrait conduire, si rien n'est fait, à une explosion sociale. "Le numérique crée peu de croissance - c'est la surprise de la décennie - et peu d'emplois, complète Hakim El Karoui. Le système fiscal n'est pas adapté pour prélever une partie de la richesse engendrée ; l'effet de redistribution est donc très limité. C'est une industrie très inégalitaire, même si tout le monde peut se lancer en partant de zéro." Exemple : l'application américaine de messagerie WhatsApp, qui pèse 19 milliards de dollars et emploie seulement 55 salariés… devenus millionnaires à coup de stock-options!
La presse et la musique, premières victimes
Les défis posés à notre modèle social sont donc immenses. D'autant que la classe moyenne des services représente le "cœur de la démocratie", précise Hakim El Karoui. Selon lui, si on ne fait rien, la défiance envers les élites va encore augmenter, avec des impacts politiques graves. Le numérique a déjà remis en cause le modèle de la presse et de la musique. "On fait comme s'il s'agissait de cas isolés, regrette-t-il. Il n'y a aucun débat politique sur le sujet, alors qu'il faudrait anticiper, qualifier, dire la vérité… Il faut créer un électrochoc dans l'opinion dès maintenant, expliquer qu'un grand nombre de métiers seront potentiellement touchés. Lorsqu'un élu perdra une entreprise du tertiaire, dans sa ville, à cause des robots, il réagira peut-être. Mais ce sera trop tard."
"Les robots vont-ils tuer la classe moyenne ?", Le Journal Du Dimanche, 26 octobre 2014.