Exposés possibles : les hikikomori ; les kodokushi ; le coworking ; les SCOP ; les AMAP ; les films de zombies ; l'architecture carcérale ; le harcèlement ; les confinements.
Qu'évoquent pour vous ces mots : "Seuls avec tous" ?
Répondez aux questions ci-contre (ou sur Kahoot).
En 2020, plus de ... de Français se trouvent en situation d'isolement
En 2010, ils étaient
Les plus touchés sont
Le réseau le plus important pour les français reste
En 2020, ... des Français n'entretiennent de relations qu'avec un seul réseau
Les femmes se sentent plus seules que les hommes
Les personnes isolées ont souvent un niveau de vie aisé
Les personnes isolées communiquent beaucoup avec les nouvelles technologies
Selon vous, qu'est-ce qui fait que l'isolement a augmenté entre 2010 et 2020 ?
Selon vous, les villes dans lesquelles nous vivons aujourd'hui aggravent-elles le sentiment de solitude ?
Vous répondrez en vous appuyant sur les oeuvres étudiées en cours et sur votre culture personnelle.
1. "Urbanifié" (néologisme) : habitué à la vie urbaine.
F. L. Wright, "Falling Waters", la maison sur la cascade, 1936.
Le bonheur du citoyen convenablement "urbanifié1" consiste à s'agglutiner aux autres dans le désordre, abusé qu'il est par la chaleur hypnotique et le contact contraignant de la foule. La violence et la rumeur mécanique de la grande ville agitent sa tête "urbanifiées" - comme le chant des oiseaux, le bruissement du vent dans les arbres, les cris des animaux ou les voix de ceux qu'il aimait remplissaient autrefois son coeur. [...]
Une agitation perpétuelle l'excite, le dérobe à la méditation et à la réflexion plus profondes qui furent autrefois siennes lorsqu'il se vivait et se mouvait sous un ciel pur, dans la verdure dont il était, de naissance, le compagnon.
Il a échangé son commerce originel avec les rivières, les bois, les champs et les animaux, pour l'agitation permanente, la souillure de l'oxyde de carbone et un agrégat de cellules à louer posées sur la dureté d'un sol artificiel. "Paramounts", "Roxies", boîtes de nuit, bars, voilà pour lui l'image de la détente, les ressources de la ville. Il vit dans une cellule, parmi d'autres cellules, soumis à la domination d'un propriétaire qui habite généralement l'étage au-dessus. Propriétaire et locataire sont la vivante apothéose du loyer. Le loyer ! La ville n'est jamais qu'une forme ou une autre de loyer. S'ils ne sont pas encore de parfaits parasites, ses habitants vivent parasitairement.
Ainsi, le citoyen parfaitement "urbanifié", perpétuel esclave de l'instinct grégaire, est soumis à une puissance étrangère, exactement comme le travailleur médiéval était l'esclave d'un roi ou d'un État. Les enfants poussent, parqués par milliers dans des écoles construites et dirigées comme des usines : des écoles qui produisent des troupeaux d'adolescents, comme une machine produit des souliers.
F. L. Wright, The Living city, 1958 (cité dans F. Choay, L'Urbanisme, utopies et réalités, coll. Points, éd. du Seuil, 1965).
Les moralistes ont, depuis longtemps, observé que les citadins flânent dans les endroits les plus actifs, s'attardent dans les bars et les pâtisseries, boivent des sodas dans les cafétérias ; et cette constatation les afflige. Ils pensent que si les mêmes citadins avaient des logements convenables et disposaient d'espaces verts plus abondants, on ne les trouverait pas dans la rue.
Ce jugement exprime un contresens radical sur la nature des villes. Personne ne peut tenir une maison ouverte dans une grande ville, et personne ne le désire. Mais, que les contacts intéressants, utiles et significatifs entre citadins se réduisent aux relations privées, et la cité se sclérosera. Les villes sont pleines de gens avec lesquels, de votre point de vue ou du mien, un certain type de contact est utile ou agréable ; vous ne voulez pas, pour autant, qu'ils vous encombrent. Eux non plus, d'ailleurs. J'ai indiqué plus haut que le bon fonctionnement de la rue était lié à l'existence, chez les passants, d'un sentiment inconscient de solidarité.
Un mot désigne ce sentiment : la confiance. Dans une rue, la confiance s'établit à travers une série de très nombreux et très petits contacts dont le trottoir est le théâtre. Elle naît du fait que les uns et les autres s'arrêtent pour prendre une bière au bar, demandent son avis à l'épicier, au vendeur de journaux, échangent leur opinion avec d'autres clients chez le boulanger, saluent deux garçons en train de boire leur coca-cola, réprimandent des enfants, empruntent un dollar au droguiste, admirent les nouveaux bébés. Les habitudes varient : dans certains quartiers les gens s'entretiennent de leur chien, ailleurs de leur propriétaire.
La plupart de ces actes et de ces propos sont manifestement triviaux ; mais leur somme, elle, ne l'est pas. Au niveau du quartier, c'est la somme des contacts fortuits et publics, généralement spontanés qui crée chez les habitants le sentiment de la personnalité collective et finit par instaurer ce climat de respect et de confiance dont l'absence est catastrophique pour une rue, mais dont la recherche ne saurait être institutionnalisée.
J. Jacobs, The Death and life of Great American Cities, 1961 (cité dans F. Choay, L'Urbanisme, utopies et réalités, une anthologie, coll. Points, éd. du Seuil, 1965).
Regardez la bande-annonce du documentaire de France 5, Le Monde en face : Harcèlement à l'école, 30/01/2015.
Qu'est-ce qui fait la force de cette vidéo ?
1. Cherchez l'étymologie du mot 'foule'.
2. Quelle image des foules est donnée dans ces documents ?
"Multitude, solitude : termes égaux et convertibles" écrit Charles Baudelaire. Êtes-vous d'accord ?
Dawn of the Dead est un film d'horreur américano-canado-français réalisé par Zack Snyder, sorti en 2004. C'est un remake du film Zombie réalisé par George A. Romero et sorti en 1978.
Zack Snyder, Dawn of the dead, 2004.
À la fin du XIXe siècle, Gustave Le Bon s'est intéressé aux foules et à leurs caractéristiques. Il montre que la foule a une psychologie différente des individus qui la composent.
Tel est à peu près aussi l'état de l'individu faisant partie d'une foule psychologique. Il n'est plus conscient de ses actes. Chez lui, comme chez l'hypnotisé, en même temps que certaines facultés sont détruites, d'autres peuvent être amenées à un degré d'exaltation extrême. Sous l'influence d'une suggestion, il se lancera avec une irrésistible impétuosité vers l'accomplissement de certains actes. Impétuosité plus irrésistible encore dans les foules que chez le sujet hypnotisé, parce que la suggestion étant la même pour tous les individus s'exagère en devenant réciproque. Les individualités qui, dans la foule, posséderaient une personnalité assez forte pour résister à la suggestion, sont en nombre trop faible pour lutter contre le courant. Tout au plus elles pourront tenter une diversion par une suggestion différente. C'est ainsi, par exemple, qu'un mot heureux, une image évoquée à propos ont parfois détourné les foules des actes les plus sanguinaires.
Donc, évanouissement de la personnalité consciente, prédominance de la personnalité inconsciente, orientation par voie de suggestion et de contagion des sentiments et des idées dans un même sens, tendance à transformer immédiatement en actes les idées suggérées, tels sont les principaux caractères de l'individu en foule. Il n'est plus lui-même, il est devenu un automate que sa volonté ne guide plus.
Aussi, par le fait seul qu'il fait partie d'une foule organisée, l'homme descend de plusieurs degrés sur l'échelle de la civilisation. Isolé, c'était peut-être un individu cultivé, en foule c'est un barbare, c'est-à-dire un instinctif. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs. Il tend à s'en rapprocher encore par la facilité avec laquelle il se laisse impressionner par des mots, des images - qui sur chacun des individus isolés composant la foule seraient tout à fait sans action - et conduire à des actes contraires à ses intérêts les plus évidents et à ses habitudes les plus connues. L'individu en foule est un grain de sable au milieu d'autres grains de sable que le vent soulève à son gré.
Et c'est ainsi qu'on voit des jurys rendre des verdicts que désapprouverait chaque juré individuellement, des assemblées parlementaires adopter des lois et des mesures que réprouverait en particulier chacun des membres qui les composent. Pris séparément, les hommes de la Convention étaient des bourgeois éclairés, aux habitudes pacifiques. Réunis en foule, ils n'hésitaient pas à approuver les propositions les plus féroces, à envoyer à la guillotine les individus les plus manifestement innocents ; et, contrairement à tous leurs intérêts, à renoncer à leur inviolabilité et à se décimer eux-mêmes.
Et ce n'est pas seulement par ses actes que l'individu en foule diffère essentiellement de lui-même. Avant même qu'il ait perdu toute indépendance, ses idées et ses sentiments se sont transformés, et la transformation est profonde au point de changer l'avare en prodigue, le sceptique en croyant, l'honnête homme en criminel, le poltron en héros. La renonciation à tous ses privilèges que, dans un moment d'enthousiasme, la noblesse vota pendant la fameuse nuit du 4 août 1789, n'eût certes jamais été acceptée par aucun de ses membres pris isolément.
Gustave Le Bon, Psychologie des foules, livre I, chapitre 1, 1895.
Complétez les terminaisons suivantes.
En ville, nous sommes entour... par des milliers de personnes. La ville est d'ailleurs organis... pour donn... à chacun l'occasion de retrouv... des gens qui partagent les mêmes passions. Par exemple, à Angers, les jeunes qui sont venus pour étudi... peuvent se retrouv... dans des soirées festives organis... pour eux.
Ci-contre un exemple de paragraphes rédigés.
Certes, en ville, il y a beaucoup de monde, et les occasions de faire des rencontres sont nombreuses : les transports en commun, les cafés, les études, le travail... Comme le montre Jane Jacobs, une philosophe et urbaniste américaine, dans son livre The Death and life of Great American Cities (1961), la ville permet de nombreux contacts informels, sur le trottoir, dans les boutiques, sur le palier des appartements. Beaucoup d'évènements sont pensés pour favoriser les rencontres et lutter contre la solitude. À Angers, par exemple, beaucoup de soirées sont organisées pour faciliter l'intégration des jeunes venus parfois de très loin faire leurs études.
Mais les rythmes de vie des citadins peuvent générer une grande solitude. Beaucoup de gens sont tellement pris par leurs obligations, notamment professionnelles, par leurs impératifs (transports, achats, etc.) qu'ils n'ont plus de temps à consacrer aux rencontres et ne peuvent sortir de leur solitude. Dans un récent court-métrage des studios Disney, Paperman (2013), on peut ainsi suivre l'histoire d'un jeune homme qui rencontre une jeune femme en allant au travail. Mais son travail l'empêche de la rejoindre. Les images en noir et blanc, l'absence de parole, et les piles de document que le jeune homme doit traiter à son travail donnent une image très sombre de la vie moderne. Ce phénomène peut exister à la campagne, mais il me semble que c'est un problème plus important en ville.
Dans la photo ci-contre, trouvez l'intrus.
Lisez le document B. Quels points communs avec la photographie ?
Quelles réflexions ces deux documents vous inspirent-ils sur la relation entre l'individu et le groupe ?
Dans quelles circonstances le groupe, la foule peuvent-ils constituer quelque chose de positif ? Que se passe-t-il dans ces circonstances ? Quel rôle jouent le groupe, la foule ? Quels effets produisent-ils ?
Auguste Landmesser, ouvrier du chantier naval Blohm & Voss de Hambourg, lors du lancement d'un navire-école, le Horst Wessel, le 13 juin 1936.
Dans son ouvrage La Réalité de la réalité, P. Watzlawick interroge notre perception de la réalité. Ce passage est consacré à une célèbre expérience du professeur Solomon Asch, de l'université de Pennsylvanie.
On y montrait deux cartes à des groupes de sept à neuf étudiants. Sur la première, il y avait une ligne verticale unique ; sur la seconde, trois lignes verticales de longueurs différentes. On déclarait aux étudiants qu'il s'agissait d'une expérience de perception visuelle, leur tâche consistant à trouver laquelle des lignes de la carte 2 avait la même longueur que la ligne de la carte 1. Asch décrivit ainsi le cours des événements :
"L'expérience commence sans incidents. Les sujets annoncent leur réponse dans l'ordre où on les a assis, et au premier tour, chacun choisit la même ligne. Puis on leur montre une deuxième paire de cartes; là encore, le groupe est unanime. Ses membres semblent être prêts à subir poliment une nouvelle et ennuyeuse expérience. Au troisième essai se produit une agitation inattendue. Un sujet est en désaccord avec tous les autres sur le choix de la ligne. Il a l'air vraiment incrédule, surpris du désaccord. A l'essai suivant, il est de nouveau en désaccord, tandis que les autres restent unanimes dans leur choix. Le dissident s'inquiète et devient de plus en plus hésitant tandis que le désaccord persiste dans la succession des essais; il pourra marquer une pause avant d'annoncer sa réponse et parler à voix basse, ou bien sourire d'un air embarrassé."
Ce que le dissident ne sait pas, explique Asch, c'est que les autres étudiants ont auparavant été soigneusement instruits de donner unanimement à certains moments des réponses fausses. Le dissident est le seul véritable sujet de l'expérience et se trouve dans une position des plus inhabituelles et des moins rassurantes: il lui faut contredire l'opinion générale du groupe et sembler étrangement perdu, ou bien douter du témoignage de ses sens. Aussi incroyable que cela paraisse, 36,8 % des sujets choisirent dans ces conditions la deuxième solution et se soumirent à la trompeuse opinion du groupe.
Asch introduisit ensuite dans l'expérience certaines modifications et put montrer que la force numérique de l'opposition - à savoir le nombre de personnes contredisant les réponses du sujet - était un élément important. Si seul un membre du groupe le contredisait, le sujet n'avait aucune peine à maintenir son indépendance. Dès qu'on faisait passer l'opposition à deux personnes, la soumission du sujet grimpait à 36,8%. Avec trois opposants, la courbe d'échecs atteignait 31,8%, et à partir de là se stabilisait, toute nouvelle augmentation du nombre des opposants n'élevant le pourcentage qu'aux 36,8% cités plus haut. Inversement, la présence d'un partenaire solidaire représentait une aide précieuse pour s'opposer à la pression du groupe: dans ces conditions les réponses incorrectes du sujet chutaient au quart du taux d'erreurs mentionné.
Il est particulièrement difficile d'apprécier l'impact d'un événement tel qu'un tremblement de terre avant d'en avoir fait réellement l'expérience. L'effet de l'expérience d'Asch est comparable. Quand on donna la parole aux sujets, ils racontèrent qu'ils avaient, au cours du test, vécu toutes sortes d'inconforts émotionnels, de l'angoisse légère jusqu'à quelque chose touchant à la dépersonnalisation. Même ceux qui refusèrent de se soumettre à l'opinion du groupe et continuèrent de se fier à leur propre perception, le firent au prix de l'idée harcelante qu'ils pouvaient, après tout, se tromper.
On trouvait cette remarque caractéristique: "A moi il me semble que j'ai raison, mais ma raison me dit que j'ai tort, parce que je doute de pouvoir être le seul à avoir raison tandis que tant de gens se trompent." D'autres recourent à des façons tout à fait typiques de rationaliser ou d'expliquer l'état de désinformation qui brouillait leur vision du monde: ils transférèrent leur inquiétude sur un défaut organique ("Je commençai à douter de ma vision"), ils décidèrent qu'il y avait une complication exceptionnelle (illusion d'optique), ou encore devinrent si soupçonneux qu'ils refusèrent de croire l'explication finale, tenant qu'elle faisait elle-même partie de l'expérience et qu'on ne pouvait en conséquence s'y fier. L'un des sujets résuma ce qu'apparemment la plupart des dissidents ayant bien répondu avaient ressenti: "Cette expérience n'est semblable à aucune autre que j'aie vécue: je ne l'oublierai jamais".
Comme Asch le fit remarquer, le facteur sans doute le plus angoissant pour les sujets était le désir ardent et inébranlable d'être en accord avec le groupe.
P. Watzlawick, La Réalité de la réalité / Confusion, désinformation, communication, éd. du Seuil, 1978.
Lisez les deux documents ci-contre. Que nous disent-ils sur le pouvoir fédérateur du sport ?
Quel est, selon vous, le type d'évènement le plus susceptible de rassembler et de lutter contre le sentiment de solitude ? Justifiez votre point de vue par des arguments et des exemples.
1. Kop : une tribune où se regroupent les supporteurs les plus actifs d'un club de football, de hockey sur glace.
Né en 1950, P. Delerm est l'auteur de nombreux textes sur le "merveilleux du quotidien." Dans La tranchée d'Arenberg et autres voluptés sportives, Philippe Delerm fait chanter les moments de sport «minuscules», mêlant allègrement champions et quidams, glorieuses victoires et tragiques défaites.
Un frisson vous parcourt l'échine. Le kop1 d'Anfield s'est mis à chanter. C'est quelque part sur les rives de la Mersey, au nord de l'Angleterre. Les Reds de Liverpool ont davantage que des supporters: des milliers d'officiants pour une messe en l'honneur du dieu Football, qui sublime toutes les cheminées d'usine, et les mélancolies poisseuses du chômage.
Les plus chanceux ou les plus débrouillards réussirent à faire le voyage d'Istanbul en mai 2005. Ils étaient assez fous pour y croire encore quand Liverpool s'est vu mener par Milan 3-0 en finale de la Ligue des champions. Ils avaient raison. Steven Gerrard leur a rendu l'espoir à la cinquante-quatrième. Le reste fut comme un rêve noyé dans une brume de bière. Les Reds ne pouvaient plus perdre aux tirs au but.
"You'll never walk alone." La symbolique de la chanson est d'autant plus prenante qu'on se demande toujours à qui elle s'adresse vraiment. Qui ne marchera jamais seul ? Chacun des joueurs, sans doute. Mais peut-être aussi les supporters de Liverpool eux-mêmes, abandonnés par la beauté du monde, mais trouvant dans l'énergie de leur souffle vital la ferveur de croire en quelque chose. Et cela devient chant, et nous donne la chair de poule.
Croire en Steven Gerrard ? L'enfant du pays, arrivé au club à huit ans, couvé au collège de West Derby jusqu'à seize, porteur du brassard de captain, semble incarner la pure tradition des Reds. Mais à l'intersaison, on a dû se résigner à envisager l'incroyable. Gerrard a failli partir chez les Bleus, les milliardaires de Chelsea, l'ennemi absolu : un club bâti seulement sur l'argent. Combien a-t-il fallu de cet argent maudit pour que Steven finisse par décider de rester à Liverpool ?
Le kop d'Anfield évite de se poser la question. Dans les clubs anglais, les spectateurs sont tout près du jeu, au ras de la pelouse. On croit aux joueurs pour croire un peu en soi. Quand ça va mal, on chante. "You'll never walk alone."
P. Delerm, La tranchée d'Arenberg et autres voluptés sportives, éd. Panama, 2007.
Le film de Clint Eastwood met en parallèle l'histoire politique et l'histoire sportive de l'Afrique du Sud, à travers deux personnages emblématiques : le président Nelson Mandela, et Francois Pienaar, le chef de l'équipe de rugby d'Afrique du sud, les Springboks.
C. Eastwood, Invictus, 2010.
1. En vous appuyant sur le texte, faites deux schémas, l'un pour représenter l'espace d'un concert traditionnel, l'autre pour représenter l'espace d'une rave ou free-party.
2. Comment le fonctionnement de ces fêtes contribue-t-il à rapprocher les gens ?
Solitude pendant une fête : est-ce que ça existe ? Pourquoi ?
On a souvent parlé de la déconstruction de l'espace spectaculaire opéré par les raves, puis par les free-parties. Il est vrai que la fête techno présente un dispositif tout autre que celui du concert, dont l'exemple paradigmatique est sans doute le concert de rock. La scène du rock est spectaculaire : les artistes sont placés sur une scène surélevée, tous les éclairages convergent vers eux. Le public se tient lui dans une fosse, en contrebas. En se tenant dans des lieux non dédiés aux manifestations musicales, ce qui implique la disparition de l'espace scénique, raves et free-parties rompent avec ce principe de verticalité. C'est un rapport d'horizontalité entre le DJ et les participants qui est instauré, tous sont au même niveau. Ce qui induit que chacun soit l'acteur de la fête, et pas uniquement l'artiste. Ce principe est encore accentué dans les free-parties avec la disparition physique du musicien, camouflé derrière une tenture, une tente, un camion. Lorsque les fêtes techno se déroulent dans des lieux plus conventionnels, ce principe de décentrement de l'action de la scène vers les participants est conservé par le fait que les éclairages et les jeux de lumière portent plus sur le public lui-même que sur l'artiste. Quoi qu'il en soit, il est vrai que, en déconstruisant l'espace spectaculaire, raves et free-parties accentuent la dimension participative. Il s'agit moins d'assister à une prestation musicale que de participer à la tenue d'un évènement collectif, d'où vient également l'intensité du vécu de la fête. Finalement, monter un sound system, organiser à son tour des fêtes se fait le plus souvent de manière fluide, comme la poursuite d'une plus grande implication dans le milieu techno, participation qui est déjà vécue comme telle de par la présence aux fêtes. Si l'organisation et la pratique musicale sont le plus souvent le fait d'individus fortement intégrés dans le milieu de la free-party, souvent organisés en sound systems, il y a plusieurs façons d'apporter sa participation lors des fêtes. Entre la simple participation et l'organisation ou le rôle de musicien, il existe d'autres manières de tenir un rôle plus actif : faire de la décoration (sculpture, peinture), monter des stands (de boisson, de restauration, de vente de tee-shirts, etc.), participer au nettoyage du site, animer l'espace festif par des activités traditionnellement associé au spectacle de rue (jongleurs, cracheurs de feu, etc.).
La déconstruction de l'espace spectaculaire n'est pas la seule explication à cette dimension participative qui fait la richesse de l'expérience techno pour ceux qui la vivent. Ou plutôt, elle est une dimension de quelque chose de plus large, qu'on peut désigner comme la situation de marge.
Anne Petiau, "L'expérience techno, des raves aux free-parties", in La fête techno. Tout seul et tous ensemble, éd. Autrement, 2004.
Quelle est, selon vous, la morale de ce court métrage ? Justifiez votre réponse.
1. Montrez comment, dans ce texte, le téléphone devient un outil de non-communication.
2. Comment les nouvelles technologies modifient-ils les notions de "lieu" et de "présence" ?
3. Être seul/être ensemble, qu'est-ce qui a changé aujourd'hui ?
"De plus en plus de technologies, de moins en moins de relations humaines" : Racontez une anecdote pour illustrer votre point de vue sur cette affirmation.
Ben Brand, 97%, 2014.
De nos jours, le fait d'être connecté ne dépend pas de la distance qui nous sépare des autres, mais des technologies de communication qui sont à notre portée. Or nous les transportons avec nous presque tout le temps, à tel point que le fait d'être seul peut finir aujourd'hui par apparaître comme la condition sine qua none de l'être ensemble. Il apparaît en effet plus aisé de communiquer avec les autres si on peut rester concentré sur son écran sans interruption. Dans ce nouveau régime, une gare – ou un aéroport, un café, un parc – n'est plus un espace commun, mais un endroit où les gens sont rassemblés mais s'ignorent. Chacun est relié à un appareil mobile, ainsi qu'aux contacts et aux lieux auxquels il donne accès. J'ai grandi à Brooklyn, où les trottoirs avaient quelque chose de particulier : quelle que soit la saison (même en hiver, quand ils avaient été déneigés), on pouvait y trouver des marelles dessinées à la craie. Je discute avec un collègue qui habite aujourd'hui dans ce quartier. Les marelles ont disparu. Les enfants sont toujours dehors – mais sur leurs téléphones.
Quand les gens discutent au téléphone dans des espaces publics, ils n'ont pas l'impression d'exposer leur vie privée. Ils partent du principe que ceux qui se trouvent autour d'eux les traitent non seulement comme des personnes anonymes, mais aussi comme des personnes absentes. J'étais récemment assise dans le train entre Boston et New York à côté d'un homme qui racontait ses problèmes à sa petite amie. En essayant de ne pas écouter, j'ai pourtant pu apprendre les choses suivantes : cet homme sortait d'une période d'alcoolisme et son père ne voulait plus lui donner d'argent. Il trouvait sa petite amie trop dépensière et n'aimait pas sa fille entrée dans l'adolescence. Gêné, j'ai parcouru les couloirs pour trouver un autre siège, mais le train était complet. Je me suis donc résignée à me rasseoir à côté de l'homme, qui continuait de se plaindre. Certes, j'avais la consolation de savoir qu'il ne se plaignait pas à moi - mais j'avais tout de même envie de m'effacer. D'ailleurs, ce n'était même pas la peine : cet homme me traitait déjà comme si je n'étais pas là.
On peut envisager la situation dans le sens inverse : ne sont-ce pas ceux qui téléphonent qui se signalent d'eux-mêmes comme absents ? Parfois, les gens indiquent qu'ils sont "sur le départ" en sortant leur téléphone de leur poche et en le portant à l'oreille. Toutefois, le plus souvent, ces signes sont de nature plus subtile : un bref regard jeté sur un téléphone pendant un dîner ou un rendez-vous suffit. Au sens traditionnel du terme, un "lieu" renvoie à un espace physique et aux gens qui s'y trouvent. Mais que devient le "lieu" si ceux qui s'y trouvent ne prêtent attention qu'à des personnes absentes, et non plus à celles qui les entourent ? Dans un bar près de chez moi, presque tous les clients sont assis devant un ordinateur ou regardent leur téléphone portable pendant qu'ils boivent leur café. Ces gens ne sont pas mes amis. Pourtant, leur présence me manque.
Sherry Turkle, Seuls ensemble. De plus en plus de technologies, de moins en moins de relations humaines, 2011, éd. L'Échappée, 2015.
La solitude peut-elle être quelque chose de bénéfique ?
Que nous disent ces deux documents sur la solitude ?
Finalement, est-ce que la solitude n'est pas quelque chose de nécessaire ?
Sylvain Tesson, écrivain et aventurier, décide de passer six mois dans une cabane en Sibérie de février à juillet 2010, seul. Au fil du temps, il note ses réflexions dans un cahier.
25 mars
Lever en même temps que le soleil. Je me recouche un peu devant tant de grandeur. Ce matin, le temps permet de sortir pour la première fois depuis des jours.
Je monte à la cascade par un autre itinéraire, sur la rive droite du torrent. La forêt où s'accumule la neige me réserve son épreuve. Deux heures pour venir à bout des 400 mètres de dénivellation. Les pics martèlent les troncs morts. Puis viennent 200 mètres de bon terrain durci. Mais ensuite, calvaire pour traverser une combe encombrée de pins nains. Je m'écroule dans des chausse-trappes profondes de un mètre. Je vise une saillie de granit à cent mètres au-dessus de la cascade de glace. Du bas, à la jumelle, il m'a semblé y voir une plate-forme propice aux bivouacs.
Une fine neige brouille la vision du lac, sagement couché au pied de la montagne. L'intuition était bonne, à 1100 mètres d'altitude, la dorsale rocheuse offre un replat parfait, le plus beau poste d'observation. On pourrait passer là une idyllique nuit d'amour. J'ai l'endroit, c'est déjà quelque chose.
Je m'en reviens la neige aux cuisses, ahanant comme un Russe puis me taisant pour écouter crépiter la neige sur le dos des arbres blancs.
Au débouché de la rivière, je me délie les muscles sur la plaine lacustre en suivant une trace de renard. Il a marché trois kilomètres vers le large et est revenu en décrivant une boucle. Un simple renard se promenant.
La neige tombe dru à présent. Ce masquage du monde décuple la morsure de la solitude. Qu'est-ce que la solitude ? Une compagne qui sert à tout.
Elle est un baume appliqué sur les blessures. Elle fait caisse de résonance : les impressions sont décuplées quand on est seul à les faire surgir. Elle impose une responsabilité : je suis l'ambassadeur du genre humain dans la forêt vide d'hommes. Je dois jouir de ce spectacle pour ceux qui en sont privés. Elle génère des pensées puisque la seule conversation possible se tient avec soi-même. Elle lave de tous les bavardages, permet le coup de sonde en soi. Elle convoque à la mémoire le souvenir des gens aimés. Elle lie l'ermite d'amitié avec les plantes et les bêtes et parfois un petit dieu qui passerait par là.
Dans la fin de l'après-midi, je vérifie que mon bormouchse porte bien. Les petits êtres nagent dans la bouteille. Demain ou après-demain, ils serviront d'appât.
Il est 8 heures du soir. Je repose dans mon cube, à la lisière du bois, au pied de la montagne sur le fil de la rive, dans l'amour de toute chose qui m'entoure.
Sylvain Tesson, Dans les Forêts de Sibérie, 2011.
Tombe du sculpteur Arman (Armand Pierre Fernandez), cimetière du Père Lachaise, Paris, wikimedia commons, 2009.