"À toute vitesse" : qu'est-ce que ces trois mots évoquent pour vous ?
Découpez et placez les évènements ci-contre sur une frise chronologique.
Pourquoi, selon vous, des véhicules toujours plus rapides ?
Amédée Bollée commercialise La Rapide, véhicule
à vapeur qui atteint 60 km/h.
Camille Jenatzy dépasse les 100km/h à bord de La
Jamais contente, une voiture électrique.
La Bugatti Chiron Super Sport 300+ atteint la
vitesse de 490km/h.
La capsule d'Apollo X rentre dans l'atmosphère à 39 897
km/h.
La Jaguar type E atteint la vitesse de 245km/h.
La première édition des 24 Heures du Mans est remportée
par une Chenard et Walcker Sport.
La SNCF fait rouler une rame à la vitesse de 574,8 km/h
sur la LGV Est européenne.
Léon Serpollet fait rouler une automobile à vapeur à
120,8 km/h.
Propulsé par réacteur, le Spirit of Australia
atteint sur l'eau la vitesse de 511,11 km/h.
Le Thrust SSC atteint une vitesse de 1228km/h pendant un
mile.
Le vaisseau USS Enterprise de la série Star
Trek se déplace à une vitesse très supérieure à celle
de la lumière.
Un Concorde de British Airways atteint la vitesse de 2
172 km/h en traversant l'Atlantique.
Soit le film Le Mans 66, de 1:53:40 à 1:57:40. Comment la course est-elle filmée ?
1. Dans le document A, quelle est la réaction des secouristes ? Comment le pilote est-il décrit ?
2. Décrivez et expliquez l'effet produit par la photographie (document B).
Selon vous, faut-il davantage limiter la vitesse sur les autoroutes ?
Arte, Décryptages : Allemagne : la limitation de vitesse, non merci !, 2020.
"Pourquoi courent-ils ?" titre le dernier chapitre d'un fort beau livre du spécialiste Daley, au titre éloquent : The Cruel Sport (paru en Londres en 1965). Le chapitre précédent regroupe des photos d'accidents : certaines motrent des bolides qui continuent de se poursuivre tandis que brûlent des carcasses. Et il y a la photo d'un pilote qui vient d'en réchapper : sa combinaison est éclaboussée, et il reste à regarder la cigarette qu'on lui tend. Oui, pourquoi courent-ils, comment vivent-ils un sport qui, des "sports de sang" (autre expression d'un connaisseur en compétition automobile), est le plus meurtrier puisqu'ils y mourraient autrefois très souvent ?
Et le public, nous-mêmes, pourquoi les regardons-nous passionnément tourner dans l'arène d'asphalte ? La passion des jeux du cirque qui tournent autour de la mort touche à ces pulsions difficilement avouables. Alors on commence par se dire que c'est plutôt la beauté du spectacle, l'intensité de la compétition, et ce rituel autour de l'automobile - jouet adulte et emblême de notre modernité - qui nous attire, c'est vrai en grande partie. Et ce l'est de plus en plus : dans les années 1960, rares étaient les Grands Prix retransmis à la télévision ; un calcul récent établit que, de nos jours, la centaine de millions de téléspectateurs par Grand Prix est dépassée. Et une épreuve est condamnée si elle n'entre pas dans le jeu des contrats.
Autre détail qui en dit long : passez au Pub Renault des Champs-Élysées et voyez qui regarde la Renault Turbo de Formule 1, qui s'attarde devant les pièces démontées, ici les tuyaux d'échappement torsadés, là la gomme cloquée d'un pneu après la course, et les fils aux embouts de plastique coloré qui se fichent autour du mot magique TURBO, et là le siège baquet dont on nous explique qu'il fut moulé sur le corps du pilote. Qui reste devant les écrans où défilent les images filmées sous l'arceau de sécurité du bolide, qui ? Des gens de tous âges, de toutes nationalités, des badauds aussi bien que des mordus, des hommes mais aussi des femmes, qu'on dit peu férues de technique. Signe des temps, d'une mythologie spécifique à notre époque.
Jean-Philippe Domecq, Ce que nous dit la vitesse, éd. Quai Voltaire, 1994.
André Cros, "Mazamet ville morte" ou "La ville rayée de la carte" : durant 15 minutes les habitants de mazamet se sont couchés sur la chaussée pour symboliser les 16610 personnes tuées sur les routes de France en 1972 (Mazamet comptait alors environ 16000 habitants).
Vous proposerez une synthèse organisée des trois documents ci-contre.
Pourquoi, selon vous, la vitesse fascine-t-elle autant ?
1. Monza : ville d'Italie célèbre pour son Grand Prix de Formule 1, le GP d'Italie.
2. Les cigares sont entourés d'une bague qui indique leur marque.
3. Timbrer : marquer d'un tampon.
4. Tubulaire : constitué d'un assemblage de tubes métalliques.
5. Mitré : couvert d'une mitre, coiffe traditionnelle de prêtres antiques et de diginitaires catholiques (évêques).
6. Commerce : relation, fréquentation.
À quinze kilomètres de Milan, ce n'est pas une représentation d'Aïda ou autre fresque historique exportée par la Scala, mais un vrai spectacle d'arène, où des chrétiens seront dévorés, qu'annoncent apparemment les rugissements des moteurs qu'on fait tourner au plus aigu avant la définitive mise en marche. [...] Ensuite, dans un bruit de tonnerre, le départ rangs serrés pour disputer le Grand Prix automobile de Monza1. Mais peu après ce moment qui abasourdit en même temps qu'il engage à un délire épique, le vacarme s'émiettera, le peloton s'étant vite étiré ; puis l'intérêt s'émoussera car on ne saura plus - à cause des tours d'avance pris par certains - lesquels sont les premiers et lesquels sont les derniers parmi tous ces mobiles, beaux cigares métalliques crûment colorés mais sans bague2 et timbrés3 seulement de numéros en noir sur blanc, petits ballons dirigeables propulsés ventre à terre par le vent qu'ils engendrent, baignoires tubulaires4 d'où émergent à peine des bustes moins casqués que mitrés5. [...]
Au bord de la piste de ciment, que l'on jurerait parfaitement lisse mais dont les joints invisibles font tressauter visiblement les bolides, une voiture de pompiers, une ambulance marquée de la croix rouge et un prêtre en soutane manifestent de gauche à droite, face aux tribunes, l'ordre très rationnel dans lequel sont prévus les secours : techniques, médicaux et, in extremis, spirituels.
Suivant presque jusqu'à la fin cette épreuve qui ne fit nulle victime humaine si, quoique sans brasiers, elle en fit de mécaniques, nous nous attachâmes spécialement au célèbre coureur Jim Clark, un peu comme on achète un produit sans autre motif de choix que d'avoir souvent lu son nom sur des annonces publicitaires. [...]
Depuis lors, un jeune Italien qui nous accompagnait est mort à son volant, dompteur un beau jour trahi par la Porsche que lui avaient donnée ses parents, restaurateurs à Côme. [...] Quant à l'écossais Jim Clark, qui à Monza avait dû abandonner après après avoir longtemps mené, il s'est tué, lui, en course et la presse de notre moitié du monde a fait unanimement son éloge : conducteur hors pair, nullement m'as-tu-vu mais homme d'un commerce6 agréable et d'une correction exemplaire à tous égards, comme il sied à un sportif qui, étranger à l'électronique, est doué pourtant d'un rayonnement guère moindre que celui d'un cosmonaute prêt à laisser dans les déserts de la Lune sa carte de visite.
Michel Leiris, Frêle Bruit, éd. Gallimard, 1976.
Lorsque sa voiture cessa de rebondir en tournoyant et que retombèrent roues, débris, poussière, on vit les secouristes accourir, puis, à deux mètres de la Williams-Renault, s'immobiliser, n'osant plus approcher, figés. Pour bien comprendre ce que cette réaction eut d'anormal, il faut savoir que les secouristes et commissaires en formule 1 sont professionnellement formés, rompus à intervenir très vite, ce qu'ils font la plupart du temps avec une remarquable efficacité. Exemple : sur ce même circuit d'Imola, en 1989, ils éteignirent en 24 secondes l'incendie de la Ferrari de Gerhard Berger réduite à sa coque après un choc en pleine vitesse. Pourquoi, cinq ans plus tard, ont-ils d'abord eu un premier moment de stupeur avant d'accourir (on les voit saisis, en arrière-plan des photos), et surtout, pourquoi ont-ils eu ce moment d'inhibition avant de franchir les deux derniers mètres qui les séparaient de Senna ? Parce qu'ils eurent sous les yeux quelque chose à quoi ils ne pouvaient croire ; quelque chose que leur conscience ne pouvait assimiler. Ils subissaient la première onde du choc. Ces secouristes, équipés de l'appareillage de l'invention moderne, autour d'une voiture qui représente la pointe extrême de la technologie, et d'un pilote qui dominait celle-ci mieux que quiconque, ont l'air de tracer, de visu pour nous, au coeur même de la modernité la plus structement technicienne et platement rationnalisée, un cercle mythologique. [...]
Ce fut comme voir mourir un dieu. Voici comment Jean-Louis Moncet décrit le cercle des commissaires de piste : "Ils foncèrent, et puis, à environ deux mètres, ils s'arrêtèrent. Net. Plus étonnant encore : certains d'entre eux reculèrent, n'osant plus s'approcher. Bien sûr, ils étaient commissaires de piste et pas médecins et, par conséquent, il valait mieux attendre l'équipe de première urgence. Mais la vérité, c'était qu'ils venaient de découvrir quelque chose de stupéfiant, d'extravaguant, de terrifiant : l'archange gisait à terre, foudroyé."
Jean-Philippe Domecq, "Senna : pourquoi ce deuil mondial ?", Ce que nous dit la vitesse, éd. Quai Voltaire, 1994.
Un accident spectaculaire a eu lieu au départ du Grand Prix de Formule 1 de Belgique en août 2018. Au premier virage, l'Allemand Nico Hülkenberg (Renault), parti 18ème, a complètement raté son freinage et percuté l'Espagnol Fernando Alonso (McLaren), 14ème sur la grille, qui s'est envolé par dessus la monoplace du Monégasque Charles Leclerc (Sauber), qui s'élançait de la 12ème position.
François Lenoir / Reuters, Paris Match, le 26 août 2018.
1. Quelle différence, selon ce document, entre vitesse moyenne, vitesse de pointe, vitesse critique ?
2. Les records de vitesse actuels, selon ce document, peuvent-ils être dépassés ?
1. Quelle image la photographie donne-t-elle de la vitesse ?
2. Selon David Epstein, quelles sont les trois grandes raisons qui font que les records de vitesse progressent ?
David Epstein, Est-ce que les athlètes sont plus rapides, meilleurs et plus forts ?, Ted Talks, 2014.
Usain Bolt sourit en regardant derrière lui alors qu'il est en train de gagner la demi-finale du 100m aux Jeux Olympiques de Rio de Janeiro, Brésil. Il a fait un temps de 9,86 secondes.
Kai Oliver Pfaffenbach, Rio's Golden Smile, 2017.
La vitesse est une notion centrale en sport. À un premier niveau elle constitue le critère de performance dans tous les sports chronométrés, tels que, par exemple pour ne citer que ceux-là, les courses athlétiques, les épreuves de natation ou encore les épreuves de ski alpin. C'est le plus rapide qui gagne ! Cependant, la durée de certaines épreuves chronométrées, comme par exemple le marathon, imposent une répartition de l'effort. Il ne s'agit plus d'être le plus rapide dans l'absolu mais de tenir la plus grande vitesse possible sur la distance ou la durée imparties : on parle alors de vitesse critique. [...]
Les performances sportives progressent de façon quasi constante depuis l'institutionnalisation des records par les instances sportives internationales. Cette progression peut-elle se concevoir avec une limite ? Certes, on peine à imaginer qu'un homme puisse un jour courir le 100 mètres en moins de 8 secondes, alors que le record du monde actuel est de 9,58 secondes. Mais il semble tout aussi inimaginable de concevoir une limite absolue à la performance humaine. En 1912, à l'issue d'une course "titanesque", le Français Jean Bouin fait descendre le record du monde du 5 000 mètres sous la barrière des 15 minutes. Les observateurs de l'époque considèrent ce record (14 minutes 36 secondes) comme "ultime". Pourtant, en 1954, Vladimir Kuts pulvérise toutes ces prédictions pour porter le record du monde vers un sommet qui fut de nouveau considéré comme infranchissable : 13 minutes 35 secondes ! Puis, en 1960, Kip Keino et Ron Clarke relèguent la performance de V. Kuts à plus de 30 secondes ! Aujourd'hui, K. Keino et R. Clarke feraient figures de bons coureurs de niveau international, sans pouvoir toutefois prétendre à une médaille mondiale ou olympique. Ainsi vont les records… [...]
Usain Bolt court aujourd'hui en vitesse de pointe, à plus de 43 km/h. Cette performance sera-t-elle battue, et si oui dans combien de temps ? Les analyses statistiques nous montrent que nous approchons d'une valeur limite au-delà de laquelle la physiologie humaine ne permettrait pas d'aller. Cependant, l'histoire des records nous apprend que tous les records ont été un jour ou l'autre vaincus, même ceux qui paraissaient sur le moment infranchissables.
Christian Miller et Guy Ontanon, "Vitesse limite ou les limites de la vitesse en sport", Le Genre humain, 2010/1 (N° 49).
Vous présenterez une synthèse organisée des documents ci-contre.
Pensez-vous, comme Nicole Aubert, que notre société vit dans "le culte de l'urgence" ?
1. Villes de Bretagne où l'auteur a travaillé.
2. Billancourt : Célèbre usine où Renaut a fabriqué des voitures pendant près de soixante ans (1929-1992).
3. Blafard : d'une teinte pâle et sans éclat.
4. Marronnasse : d'un marron laid.
5. TIC : Technologies de l'information et de la communication.
6. Polychronie : de "poly", plusieurs, et "chronie", le temps : le fait d'être pris dans plusieurs temps au même moment.
7. Cognitif : relatif à l'acquisition des connaissances, au raisonnement. Ici le mot est synonyme d'intellectuel.
8. Accélération technique : cette expression signifie que les nouvelles technologies permettent de diminuer le temps nécessaire à une tâche ou un déplacement.
L'autre jour à la pause j'entends une ouvrière dire à un de ses collègues
"Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement speed que j'ai même pas le temps de chanter"
Je crois que c'est une des phrases les plus belles les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière
Ces moments où c'est tellement indicible que l'on n'a même pas le temps de chanter
Juste voir la chaîne qui avance sans fin l'angoisse qui monte l'inéluctable de la machine et devoir continuer coûte que coûte la production alors que
Même pas le temps de chanter
Et diable qu'il y a de jours sans
Je reviens à Barbara
"Je ne suis pas poète
Je suis une femme qui chante"
Se plaisait-elle à répéter
Pas de poésie non plus à l'usine
Nous sommes au mieux des gens qui chantons en travaillant
La fumée de l'usine de Clohars-Carnoët c'est la même que celle de Lorient de Priziac1 ou de Chicago ou de feu Billancourt2
Là-dedans
C'est nous
Quelle poésie trouver dans la machine la cadence et l'abrutissement répétitif
Dans des machines qui ne fonctionnent jamais ou qui vont trop vite
Dans cette nuit sans fin éclairée de néons blafards3 sur les carreaux blancs des murs les inox des tables de travail les tapis mécaniques et le sol marronnasse4
Joseph Pontus, À la ligne, coll. Vermillon, La Table Ronde, éd. Gallimard, 2019.
Notre culture temporelle est en train de changer radicalement. De même que des métaphores nouvelles sont apparues concernant le temps, de nouvelles modalités de rapport au temps deviennent dominantes : l'urgence, l'instantanéité, l'immédiateté ont envahi nos vies. Elles traduisent au quotidien ce phénomène général de "compression du temps" et elles s'inscrivent dans un processus global de passage du "temps long" au "temps court". Processus commencé depuis déjà longtemps, mais qui a connu ces dernières années une forte accélération et une nette intensification. [...]
Le soubassement de ce nouveau rapport au temps réside dans l'alliance qui s'est opérée entre la logique du profit immédiat, celle des marchés financiers qui règnent en maîtres sur l'économie, et l'instantanéité des nouveaux moyens de communication. Cette alliance a donné naissance à un individu "en temps réel", fonctionnant selon le rythme même de l'économie et devenu apparemment maître du temps. Mais l'apparence est trompeuse et, derrière, se cache souvent un individu prisonnier du temps réel et de la logique de marché, incapable de différencier l'urgent de l'important, l'accessoire de l'essentiel. [...]
Jointe au climat d'urgence généralisé à l'oeuvre dans beaucoup d'entreprises, cette logique du profit immédiat produit des effets contrastés. L'urgence -et l'irréversibilité qu'elle sous-tend- n'est pas seulement une donnée externe, elle comporte une dimension intérieure. Galvanisés par l'urgence, parfois presque "shootés" à cette nouvelle forme de drogue, certains ont besoin de ce rythme pour se sentir exister intensément. Tels les héros d'une épopée contemporaine, ils ressentent l'ivresse d'accomplir des exploits en temps limité et de vaincre la mort en triomphant du temps. Pour d'autres, la perte du lien social, un travail dématérialisé et dépourvu de sens, la dépossession du sens de leur action conduit à un désinvestissement amer et morose. Dans certains cas, le climat de pression et d'urgence est tel qu'il confine à l'hystérie et corrode les relations interpersonnelles, tout comme les individus eux-même qui, parfois, "déconnectent" brutalement, comme sous l'effet d'une surchauffe énergétique intense. Un certain nombre de cadres, tels les fusibles d'une installation électrique, pètent alors "les plombs". Les plus atteints sont ceux que leur sens du travail bien fait ou leur goût de la perfection rend incapables de supporter un contexte qu'ils ne parviennent plus à contrôler et maîtriser. Soumises à des pressions trop fortes, "malades de l'urgence", certaines personnes dynamiques, fonceuses et motivées, sombrent dans des processus dépressifs. La dépression nerveuse semble alors, sur le plan symbolique, le seul moyen qu'aurait trouvé la nature pour "ralentir" le temps.
Nicole Aubert, Le Culte de l'urgence. La société malade du temps, coll. Champs, éd. Flammarion, 2009.
Puisque l'accélération technique signifie que moins de temps est nécessaire à l'accomplissement d'une tâche donnée, le temps devrait devenir abondant. Si au contraire dans la société moderne le temps devient de plus en plus rare, nous voici en présence d'un paradoxe qui appelle une explication sociologique.
Nous pouvons commencer à entrevoir une réponse si nous considérons les conditions requises pour atteindre l'abondance de temps ou la décélération : comme nous l'avons dit plus haut, les ressources en temps nécessaires pour accomplir les tâches de notre vie quotidienne diminuent de façon significative tant que la quantité de ces tâches demeure la même. Mais est-ce qu'elle demeure vraiment la même ? Pensez simplement aux conséquences de l'introduction de la technologie du courrier électronique sur notre budget temps. Il est correct de supposer qu'écrire un courrier électronique est deux fois plus rapide qu'écrire une lettre classique. Considérez ensuite qu'en 1990 vous écriviez et receviez en moyenne dix lettres par journée de travail, dont le traitement vous prenait deux heures. Avec l'introduction de la nouvelle technologie, vous n'avez plus besoin que d'une heure pour votre correspondance quotidienne, si le nombre de messages envoyés et reçus demeure le même. Vous avez donc gagné une heure de "temps libre" que vous pouvez utiliser pour autre chose. Est-ce que c'est ce qui s'est passé ? Je parie que non. En fait, si le nombre de messages que vous lisez et envoyez a doublé, alors vous avez besoin de la même quantité de temps pour en finir avec votre correspondance quotidienne. Mais je soupçonne qu'aujourd'hui vous lisez et écrivez quarante, cinquante ou même soixante-dix messages par jour. Vous avez donc besoin de beaucoup plus de temps pour tout ce qui touche à la communication que vous n'en aviez besoin avant que le Web ne soit inventé.
Il se trouve que la même chose s'est produite il y a un siècle avec l'introduction de la voiture, et plus tard avec l'invention de la machine à laver : bien sûr, nous aurions gagné d'importantes ressources de temps libre si nous avions parcouru les mêmes distances qu'auparavant et lavé notre linge à la même fréquence - mais ce n'est pas le cas. Nous parcourons aujourd'hui, en conduisant ou même en avion, des centaines de kilomètres, pour le travail ou pour le plaisir, alors qu'avant nous n'aurions sans doute couvert qu'un cercle de quelques kilomètres dans toute notre vie, et nous changeons maintenant de vêtements tous les jours, alors que nous n'en changions qu'une fois par mois (ou moins) il y a un siècle."
Hartmut Rosa, Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité, éd. La Découverte, 2012.
Charlie Chaplin, Les Temps Modernes, 1936.
1. Quel sentiment domine au début de l'extrait ?
2. À partir du moment où Chaplin est 'avalé' par la machine, comment la musique évolue-t-elle ? Comment les gestes, les déplacements du personnage évoluent-ils ?
3. Qu'est-ce qui fait le comique des différentes courses-poursuites ?
Selon vous, les nouvelles technologies nous libèrent-elles des cadences trop rapides du travail industriel ?
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Charlie Chaplin, Les Temps Modernes, 1936 de 14'14 à 19'12.
Au choix :
Résumez ce documentaire en une dizaine de phrases ;
ou
Proposez sept exemples précis (anecdotes, illustrations, etc.) que vous retiendrez de ce documentaire.
Répondez aux questions ci-contre.
1. "Dans la nature moi j'ai l'impression que le temps passe moins vite..." Pourquoi, selon vous ? Est-ce bien ?
2. "Accélérer, on se sent puissant. Ce qu'on aime en fait, c'est pas vraiment accélérer, c'est être plus rapide que les autres." Qu'est-ce qui, selon vous, suscite ce désir et ce plaisir ?
3. "Nous manquons de temps parce que nous sommes libres." Expliquez. Partagez-vous ce point de vue ?
1. Reliez l'auteur et son livre.
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2. Qui dit quoi ? Reliez chaque citation à son auteur.
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"Accélérer, on se sent puissant. Ce qu'on aime en fait, c'est pas vraiment accélérer, c'est être plus rapide que les autres." |
"Moi qui joue dans un club de foot, j'ai remarqué que toutes les semaines y'a des nouvelles chaussures qui sortent, les jeux vidéos ça sort tous les mois, ben tout accélère et tout sort de plus en plus vite." |
"Dans la nature moi j'ai l'impression que le temps passe moins vite, alors que dans la ville avec tous les gens qui marchent et tout ça, ça crée du stress, et on dirait que le temps passe beaucoup plus vite." |
"Nous disons que nous manquons de temps parce que nous sommes libres. Mon arrière grand-mère qui passait tout ses jeudis à faire la lessive n'avait absolument pas de temps libre, mais elle ne disait jamais qu'elle manquait de temps." |
"Dans une économie capitaliste, le temps manque toujours, puisque le temps c'est de l'argent. [...] Le principal moteur qui pousse la société à accélérer, qui presse chacun d'agir et de vivre de plus en plus vite, c'est en fait la sphère économique, et la technologie ne fait qu'ai der à satisfaire ces besoins économiques." |
"C'est compliqué parce que tout le monde stresse, tout le monde a des problèmes. Mais il faut quand même se dire que c'est pas si horrible. C'est bien quand même. Par exemple la technologie c'est beaucoup plus performant. Les ordinateurs, par exemple, ils sont beaucoup plus rapides" |
"Il y a toujours eu des grandes périodes comme ça, glacières, puis des périodes de réchauffement, etc. On a réussi nous en quelques années à prendre la main là-dessus, sur ce cycle. Et à faire que ces changements qui normalement s'induisent sur des dizaines ou des centaines de milliers d'années, peuvent se provoquer en une étincelle de temps, c'est-à-dire en quelques décennies." |
"Le rapport au temps n'a fait que s'accélérer depuis toujours. Ça n'a fait que croître et embellir durant le xxe siècle et cette accélération elle est devenue foudroyante à partir du milieu des années 90 en lien direct avec le fait que les nouvelles technologies se sont répandues dans le grand public." |
À quel genre appartient cette nouvelle ? Selon vous, qui est cette inconnue ?
Notez les différentes interruptions. Comment évolue le rythme de la nouvelle ? Pourquoi parler de chute ?
Dans la première histoire, philipp Delerm explique : "C'est bien de prolonger, d'alentir le matin". Selon vos, que signifie ce mot ? Comment ce texte contribue-tèil à "alentir" le temps ?
Selon vous, cette histoire est-elle un éloge de la vitesse ou de la lenteur ?
1. Sur quelles plateformes regardez-vous vos séries ?
2. Quelles sont les options de visionnage proposés ?
3. Quels sont les avantages et les inconvénients de ces options ?
4. Dans une vidéo tournée pour France Info, Anthony Haillant affirme à propos du 'speed watching' qu'il permet de "prendre le pouvoir" par rapport aux divertissements qui nous sont proposés. Partagez-vous son point de vue ?
5. Selon vous, accélérer, est-ce "prendre le pouvoir" sur le monde ?
Comparez les deux documents. Les deux morales sont-elles similaires ?
Dans quelles circonstances la lenteur peut-elle être un atout ?
1. "On dit proverbialement qu'un homme a besoin de deux grains d'ellébore pour dire qu'il est fou" (dictionnaire de Furetière).
2. "On dit poverbialement : renvoyer un homme aux calendes grecques pour dire le remettre à un temps qui ne viendra point" (dictionnaire de Furetière).
3. Le pari.
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
"Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Si tôt que moi ce but. - Si tôt ? Êtes-vous sage ?
Repartit l'animal léger.
Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d'ellébore1.
- Sage ou non, je parie encore."
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux :
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire,
Ni de quel juge l'on convint.
Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ;
J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes2,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D'où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur.
Elle part, elle s'évertue ;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la gageure3 à peu de gloire,
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à toute autre chose
Qu'à la gageure. À la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
"Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?"
La Fontaine, Fables, "Le Lièvre et la Tortue", livre VI, 1668.
Richard Allen, Slow Working (The Guardian), 2009.
1. Selon Carl Honoré, qu'est-ce qui, dans notre vision du temps, nous pousse à aller toujours plus vite ?
2. Quels exemples l'orateur donne-t-il de bénéfices de la lenteur ?
3. Quelles citations, quelles anecdotes retenez-vous de sa prise de parole ?
Carl Honoré, éloge de la lenteur, Ted Talks, 2005.
1. Résumez le propos de Nietzsche.
2. Comparez la gravure de Millet et la peinture de Van Gogh. Qu'est-ce qui rend la version de Van Gogh intéressante ?
3. Quel est le point commun de ces deux documents ?
1. Il est d'usage, depuis le Moyen-Age, d'opposer la vie contemplative, tournée vers Dieu, à la vie active, centrée sur les activités matérielles.
2. L'otium, terme latin, désigne le temps libre, le temps durant lequel une personne profite du repos pour s'adonner à la méditation, au loisir studieux.
3. La guerre.
On a déjà honte, aujourd'hui, du repos ; la méditation prolongée provoque presque des remords. On pense la montre en main, comme on déjeune, le regard rivé au bulletin de la Bourse, - on vit comme un homme qui constamment "pourrait rater" quelque chose [...]. Le travail ne cesse d'accaparer davantage toute la bonne conscience : le penchant à la joie s'appelle déjà "besoin de se divertir" et commence à avoir honte de lui-même. "On doit faire attention à sa santé" - dit-on lorsqu'on est surpris en flagrant délit de partie de campagne. Oui, on pourrait bientôt en arriver au point où l'on ne céderait plus à un penchant pour la vita contemplativa1 (c'est-à-dire pour la promenade avec des pensées et des amis) sans mépris pour soi-même et mauvaise conscience. - Eh bien ! jadis, c'était l'inverse : c'est sur le travail que pesait la mauvaise conscience. Un homme bien né cachait son travail, lorsque la nécessité le contraignait à travailler. L'esclave travaillait écrasé par le sentiment de faire quelque chose de méprisable : - le "faire" lui-même était quelque chose de méprisable. "La noblesse et l'honneur n'habitent que l'otium2 et le bellum3" : voilà ce que faisait entendre la voix du préjugé antique !
Nietzsche, Le Gai Savoir, Livre 4, 1882, trad. Wotling
Van Gogh, La Méridienne, d'après Millet, entre 1889 et 1890.
Vous proposerez une confrontation des documents ci-contre.
Dans le troisième livre de l'Émile, Rousseau écrit : "Riche ou pauvre, puissant ou faible, tout citoyen oisif est un fripon." Qu'en pensez-vous ?
Lorsqu'on remet consciencieusement à demain ce que l'on pourrait faire aujourd'hui, on a toujours ce sentiment désagréable d'être un adolescent contraint de camoufler aux yeux de parents puritains une coupable activité masturbatoire. N'est-il pas curieux de se sentir ainsi en faute alors que l'on est simplement en train de mettre son esprit au repos ? Rappelons que certains vont jusqu'à rapprocher le mot "travail" du latin tripalium, nom d'un instrument de torture... A la lumière crue de cette exhumation étymologique parfois contestée, il est donc grand temps de réviser nos a priori : non, la procrastination ne doit plus être envisagée comme l'expression d'une inadaptation sociale, mais plutôt comme un signe enviable de bonne santé mentale. D'après une étude menée par la revue Computers in Human Behavior, le fait de regarder des vidéos de chats permettrait notamment de dissiper les émotions négatives et de provoquer un regain d'énergie chez le travailleur.
Si elle ne devient pas un moyen de fuir nos responsabilités mais uniquement de les différer, la procrastination est sans doute la meilleure réponse qui soit à l'accélération du temps productif. "Distraction is the new concentration", professe même le poète américain Kenneth Goldsmith, qui propose, dans le cadre de l'université de Pennsylvanie, des cours de cyber-glandouille intitulés "Wasting Time on the Internet". Flâner sur le Web serait, pour Goldsmith, le moyen d'élargir son horizon créatif, de s'ouvrir à des sphères inexplorées de son propre inconscient et de cultiver sa capacité à tisser des liens inattendus, ce qui pourrait constituer une bonne définition de ce qu'est l'intelligence.
En ce qui me concerne, j'ai transformé ma tendance à la procrastination en véritable méthode de travail. Tel Lance Armstrong pratiquant l'autotransfusion sanguine, mon "moi présent" a ainsi pour habitude de déléguer à mon "moi futur" les tâches qui lui incombent, en vue de susciter in fine un état de transe productif pareil au coup de pédale qui permet de partir sans effort à l'assaut de l'Alpe-d'Huez. Est-ce que ça marche vraiment? Permettez-moi de ne pas conclure dans la précipitation et de terminer auparavant le visionnage de ce passionnant documentaire : L'Histoire cachée de la Grande Muraille de Chine.
Nicolas Santolaria, Le Monde, "Éloge de la glandouille", 27 novembre 2017.
C'est ce mercredi la journée mondiale de la procrastination, ou l'art de remettre au lendemain ce qui pourrait être fait aujourd'hui. Une manie très répandue, mais de diverses façons. Et vous, quel procrastinateur êtes-vous ?
1. Vos listes de choses à faire, elles sont :
2. En ce qui concerne les factures, impôts et autres PV...
3. L'organisation des vacances.
4. Vous devez préparer tout un argumentaire ou une présentation pour vos chefs/conclure un marché/obtenir un prêt.
5. Le plat en sauce que vous avez ramené chez vous après le repas de famille a coulé dans le frigo.
6. A la maison, comment se passe la répartition des tâches (ménage, paperasse administrative, inscription des enfants au piano ou au centre de loisirs...) ?
Marina Cabiten, Julie Guesdon, France Bleu, Mercredi 25 mars 2015.
Majorité de ♦ : le procrastinateur modéré
Comme tout le monde, vous vous dites parfois que "ce n'est pas le jour" pour vous atteler à telle ou telle tâche, qui de toute façon n'a pas de caractère urgent. Mais les dossiers en attente, ça vous stresse, alors autant garder le contrôle. Votre défi : manger un yaourt une semaine après la date limite de consommation.
Majorité de ♠ : le procrastinateur organisé
Pour vous, procastiner est un mode de fonctionnement. C'est assumé, sans culpabilité, et vous retombez toujours (plus ou moins) sur vos pattes. Vous êtes un peu un punk de la société moderne (un peu). Votre défi : faire le tri dans vos post-it au bureau.
Majorité de ♣ : le procrastinateur fou
Oui, fou, en tout cas c'est ce que pense une bonne partie de votre entourage qui vous lance régulièrement des "je sais pas comment tu fais" , "moi ça m'empêcherais de dormir la nuit" ou encore "c'est quand même pas compliqué de payer ses impôts dans les temps, moi je le veux bien l'argent que tu donnes à l'État pour rien !" . Votre défi : trouver pire que vous.
Marina Cabiten, Julie Guesdon, France Bleu, Mercredi 25 mars 2015.