Exposés possibles : la F1 ; les bolides et les records de vitesse ; les moyens de transport de demain ; le burn-out ; le mouvement 'slow' ; les courses-poursuite au cinéma ; le ralenti au cinéma ; la procrastination, dangers et bienfaits ; etc..
"À toute vitesse" : qu'est-ce que ces trois mots évoquent pour vous ?
Selon vous, qu'est-ce qui nous attire dans la vitesse ?
De nombreuses villes adoptent des limitations de vitesse à 30km/h. Qu'en pensez-vous ? Vous proposerez un point de vue argumenté.
Durant 15 minutes les habitants de mazamet se sont couchés sur la chaussée pour symboliser les 16610 personnes tuées sur les routes de France en 1972 (Mazamet comptait alors environ 16000 habitants).
André Cros, "Mazamet ville morte" ou "La ville rayée de la carte", 1972.
Dans cet article le romancier et essayiste Jean-Philippe Domecq raconte le choc provoqué par l'accident du célèbre pilote dfe Formule 1 Ayrton Senna.
Lorsque sa voiture cessa de rebondir en tournoyant et que retombèrent roues, débris, poussière, on vit les secouristes accourir, puis, à deux mètres de la Williams-Renault, s'immobiliser, n'osant plus approcher, figés. Pour bien comprendre ce que cette réaction eut d'anormal, il faut savoir que les secouristes et commissaires en formule 1 sont professionnellement formés, rompus à intervenir très vite, ce qu'ils font la plupart du temps avec une remarquable efficacité. Exemple : sur ce même circuit d'Imola, en 1989, ils éteignirent en 24 secondes l'incendie de la Ferrari de Gerhard Berger réduite à sa coque après un choc en pleine vitesse. Pourquoi, cinq ans plus tard, ont-ils d'abord eu un premier moment de stupeur avant d'accourir (on les voit saisis, en arrière-plan des photos), et surtout, pourquoi ont-ils eu ce moment d'inhibition avant de franchir les deux derniers mètres qui les séparaient de Senna ? Parce qu'ils eurent sous les yeux quelque chose à quoi ils ne pouvaient croire ; quelque chose que leur conscience ne pouvait assimiler. Ils subissaient la première onde du choc. Ces secouristes, équipés de l'appareillage de l'invention moderne, autour d'une voiture qui représente la pointe extrême de la technologie, et d'un pilote qui dominait celle-ci mieux que quiconque, ont l'air de tracer, de visu pour nous, au coeur même de la modernité la plus strictement technicienne et platement rationnalisée, un cercle mythologique. [...]
Ce fut comme voir mourir un dieu. Voici comment Jean-Louis Moncet décrit le cercle des commissaires de piste : "Ils foncèrent, et puis, à environ deux mètres, ils s'arrêtèrent. Net. Plus étonnant encore : certains d'entre eux reculèrent, n'osant plus s'approcher. Bien sûr, ils étaient commissaires de piste et pas médecins et, par conséquent, il valait mieux attendre l'équipe de première urgence. Mais la vérité, c'était qu'ils venaient de découvrir quelque chose de stupéfiant, d'extravaguant, de terrifiant : l'archange gisait à terre, foudroyé."
Jean-Philippe Domecq, "Senna : pourquoi ce deuil mondial ?", Ce que nous dit la vitesse, éd. Quai Voltaire, 1994.
Que signifient ces trois mots : "Citius, Altius, Fortius"
Quelle image la photographie donne-t-elle de la vitesse ?
1. Pourquoi, selon vous, les records sportifs sont-ils sans cesse repoussés ?
2. Selon David Epstein, quelles sont les trois grandes raisons qui expliquent ce phénomène ?
David Epstein, Est-ce que les athlètes sont plus rapides, meilleurs et plus forts ?, Ted Talks, 2014.
1. En vous appuyant sur la suite du texte (document B), expliquez cette phrase : "Le sport rend visible, partout et à chaque instant, l'âme du monde moderne"
2. Pourquoi, selon Robert Redeker, cherche-t-on à aller "plus vite" ?
3. Le jugement que le philosophe porte sur ce phénomène est-il, selon vous, positif ou négatif ? Justifiez.
4. "Le sport ne supporte pas la limite" : partagez-vous ce point de vue ?
Usain Bolt en train de gagner la demi-finale du 100m aux Jeux Olympiques de Rio de Janeiro, Brésil avec un temps de 9,86 secondes.
Kai Oliver Pfaffenbach, Rio's Golden Smile, 2017.
Dans un article publié par le quotidien Le Monde, le philosophe Robert Redeker s'intéresse au sport dans le monde contemporain.
Le sport rend visible, partout et à chaque instant, l'âme du monde moderne [...]
. Commencés en Europe au XVIIe siècle, les Temps modernes se manifestent par le refus de la finitude. Rousseau, ainsi que la plupart des autres penseurs des Lumières, en particulier Kant, dissertent sur la "perfectibilité1" de l'homme. La butée2 de la mort est trouée par la perfectibilité, où l'on reconnaît le concept central de l'anthropologie3 des Lumières : l'homme est fini mais, à l'opposé des autres espèces vivantes, il est perfectible. Il se perfectionne lui-même, l'histoire le perfectionne. La perfectibilité imaginée par les philosophes des Lumières est tout ensemble : celle de chaque individu et celle de l'espèce prise dans son entier. [...]Le sport ne supporte pas la limite - cette haine de la limite signalant le trait saillant distinguant la civilisation moderne occidentale de toutes les autres. Désormais, l'existence humaine épouse les contours du sport - il est exigé d'elle de faire toujours plus, de courir toujours plus vite, de vivre plus longtemps, de travailler plus intensément, de gagner toujours plus d'argent, d'améliorer ses performances, de rester jeune le plus longtemps possible, de plus en plus longtemps au fur et à mesure que passent les générations.
L'homme moderne voit dans la limite l'ennemie qu'il importe de vaincre, et qui pourtant résiste. Il se bat contre la limite à l'instar de l'ascète4 de jadis contre la tentation. Il la voit comme le Diable l'empêchant d'être un homme. Elle est l'ennemie de chaque instant - dont il sait bien pourtant que, sous la forme de la mort, elle finira par avoir le dernier mot. Sur tous les écrans, sur toutes les ondes et dans tous les journaux, le sport illustre, en flux continu, cette bataille incessante. L'infatigable popularité du sport s'explique par là : il est l'imagier de la préoccupation constante de l'être humain contemporain, tout attaché à repousser les limites de ses forces, de l'âge, du vieillissement, de la mort.
R. Redeker, Sport mondialisé et ruse de l'histoire, Le Monde, article publié dans l'édition du 11/06/2010.
1. Capacité à s'améliorer.
2. L'obstacle.
3. Etude de l'homme, science de l'homme.
1. Quels sont les trois temps de cette séquence ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le jeu d'acteur, la musique.
2. Qu'est-ce qui fait le comique des différentes courses-poursuites ?
3. Quelle est, selon vous, la morale de cette séquence ?
Selon vous, les progrès techniques nous font-ils gagner du temps ?
Charlie Chaplin, Les Temps Modernes, 1936 de 14'14 à 19'12.
Contractez le texte ci-contre en 100 mots.
Puisque l'accélération technique signifie que moins de temps est nécessaire à l'accomplissement d'une tâche donnée, le temps devrait devenir abondant. Si au contraire dans la société moderne le temps devient de plus en plus rare, nous voici en présence d'un paradoxe qui appelle une explication sociologique.
Nous pouvons commencer à entrevoir une réponse si nous considérons les conditions requises pour atteindre l'abondance de temps ou la décélération : comme nous l'avons dit plus haut, les ressources en temps nécessaires pour accomplir les tâches de notre vie quotidienne diminuent de façon significative tant que la quantité de ces tâches demeure la même. Mais est-ce qu'elle demeure vraiment la même ? Pensez simplement aux conséquences de l'introduction de la technologie du courrier électronique sur notre budget temps. Il est correct de supposer qu'écrire un courrier électronique est deux fois plus rapide qu'écrire une lettre classique. Considérez ensuite qu'en 1990 vous écriviez et receviez en moyenne dix lettres par journée de travail, dont le traitement vous prenait deux heures. Avec l'introduction de la nouvelle technologie, vous n'avez plus besoin que d'une heure pour votre correspondance quotidienne, si le nombre de messages envoyés et reçus demeure le même. Vous avez donc gagné une heure de "temps libre" que vous pouvez utiliser pour autre chose. Est-ce que c'est ce qui s'est passé ? Je parie que non. En fait, si le nombre de messages que vous lisez et envoyez a doublé, alors vous avez besoin de la même quantité de temps pour en finir avec votre correspondance quotidienne. Mais je soupçonne qu'aujourd'hui vous lisez et écrivez quarante, cinquante ou même soixante-dix messages par jour. Vous avez donc besoin de beaucoup plus de temps pour tout ce qui touche à la communication que vous n'en aviez besoin avant que le Web ne soit inventé.
Il se trouve que la même chose s'est produite il y a un siècle avec l'introduction de la voiture, et plus tard avec l'invention de la machine à laver : bien sûr, nous aurions gagné d'importantes ressources de temps libre si nous avions parcouru les mêmes distances qu'auparavant et lavé notre linge à la même fréquence - mais ce n'est pas le cas. Nous parcourons aujourd'hui, en conduisant ou même en avion, des centaines de kilomètres, pour le travail ou pour le plaisir, alors qu'avant nous n'aurions sans doute couvert qu'un cercle de quelques kilomètres dans toute notre vie, et nous changeons maintenant de vêtements tous les jours, alors que nous n'en changions qu'une fois par mois (ou moins) il y a un siècle.
Hartmut Rosa, Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité, éd. La Découverte, 2012.
Qu'est-ce que ces deux documents nous disent sur les cadences professionnelles dans l'industrie et le tertiaire ?
Regardez Cash Investigation : Travail, ton univers impitoyable (de 17' à 21' et de 35' à 43'. Qu'est-ce que ce documentaire montre sur les nouvelles cadences professionnelles ?
Pensez-vous, comme Nicole Aubert, que notre société vit dans "le culte de l'urgence" ?
1. Villes de Bretagne où l'auteur a travaillé.
2. Billancourt : Célèbre usine où Renaut a fabriqué des voitures pendant près de soixante ans (1929-1992).
3. Blafard : d'une teinte pâle et sans éclat.
4. Marronnasse : d'un marron laid.
L'autre jour à la pause j'entends une ouvrière dire à un de ses collègues
"Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement speed que j'ai même pas le temps de chanter"
Je crois que c'est une des phrases les plus belles les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière
Ces moments où c'est tellement indicible que l'on n'a même pas le temps de chanter
Juste voir la chaîne qui avance sans fin l'angoisse qui monte l'inéluctable de la machine et devoir continuer coûte que coûte la production alors que
Même pas le temps de chanter
Et diable qu'il y a de jours sans
Je reviens à Barbara
"Je ne suis pas poète
Je suis une femme qui chante"
Se plaisait-elle à répéter
Pas de poésie non plus à l'usine
Nous sommes au mieux des gens qui chantons en travaillant
La fumée de l'usine de Clohars-Carnoët c'est la même que celle de Lorient de Priziac1 ou de Chicago ou de feu Billancourt2
Là-dedans
C'est nous
Quelle poésie trouver dans la machine la cadence et l'abrutissement répétitif
Dans des machines qui ne fonctionnent jamais ou qui vont trop vite
Dans cette nuit sans fin éclairée de néons blafards3 sur les carreaux blancs des murs les inox des tables de travail les tapis mécaniques et le sol marronnasse4
Joseph Pontus, À la ligne, coll. Vermillon, La Table Ronde, éd. Gallimard, 2019.
Notre culture temporelle est en train de changer radicalement. De même que des métaphores nouvelles sont apparues concernant le temps, de nouvelles modalités de rapport au temps deviennent dominantes : l'urgence, l'instantanéité, l'immédiateté ont envahi nos vies. Elles traduisent au quotidien ce phénomène général de "compression du temps" et elles s'inscrivent dans un processus global de passage du "temps long" au "temps court". Processus commencé depuis déjà longtemps, mais qui a connu ces dernières années une forte accélération et une nette intensification. [...]
Le soubassement de ce nouveau rapport au temps réside dans l'alliance qui s'est opérée entre la logique du profit immédiat, celle des marchés financiers qui règnent en maîtres sur l'économie, et l'instantanéité des nouveaux moyens de communication. Cette alliance a donné naissance à un individu "en temps réel", fonctionnant selon le rythme même de l'économie et devenu apparemment maître du temps. Mais l'apparence est trompeuse et, derrière, se cache souvent un individu prisonnier du temps réel et de la logique de marché, incapable de différencier l'urgent de l'important, l'accessoire de l'essentiel. [...]
Jointe au climat d'urgence généralisé à l'oeuvre dans beaucoup d'entreprises, cette logique du profit immédiat produit des effets contrastés. L'urgence -et l'irréversibilité qu'elle sous-tend- n'est pas seulement une donnée externe, elle comporte une dimension intérieure. Galvanisés par l'urgence, parfois presque "shootés" à cette nouvelle forme de drogue, certains ont besoin de ce rythme pour se sentir exister intensément. Tels les héros d'une épopée contemporaine, ils ressentent l'ivresse d'accomplir des exploits en temps limité et de vaincre la mort en triomphant du temps. Pour d'autres, la perte du lien social, un travail dématérialisé et dépourvu de sens, la dépossession du sens de leur action conduit à un désinvestissement amer et morose. Dans certains cas, le climat de pression et d'urgence est tel qu'il confine à l'hystérie et corrode les relations interpersonnelles, tout comme les individus eux-même qui, parfois, "déconnectent" brutalement, comme sous l'effet d'une surchauffe énergétique intense. Un certain nombre de cadres, tels les fusibles d'une installation électrique, pètent alors "les plombs". Les plus atteints sont ceux que leur sens du travail bien fait ou leur goût de la perfection rend incapables de supporter un contexte qu'ils ne parviennent plus à contrôler et maîtriser. Soumises à des pressions trop fortes, "malades de l'urgence", certaines personnes dynamiques, fonceuses et motivées, sombrent dans des processus dépressifs. La dépression nerveuse semble alors, sur le plan symbolique, le seul moyen qu'aurait trouvé la nature pour "ralentir" le temps.
Nicole Aubert, Le Culte de l'urgence. La société malade du temps, coll. Champs, éd. Flammarion, 2009.
Comparez les deux documents. Les deux morales sont-elles similaires ?
Soit la conférence suivante de Carl Honoré.
Carl Honoré, éloge de la lenteur, Ted Talks, 2005.
a. Selon Carl Honoré, qu'est-ce qui, dans notre vision du temps, nous pousse à aller toujours plus vite ?
b. Quels exemples l'orateur donne-t-il de bénéfices de la lenteur ?
c. Quelles citations, quelles anecdotes retenez-vous de sa prise de parole ?
La lenteur, handicap ou atout ?
1. "On dit proverbialement qu'un homme a besoin de deux grains d'ellébore pour dire qu'il est fou" (dictionnaire de Furetière).
2. "On dit poverbialement : renvoyer un homme aux calendes grecques pour dire le remettre à un temps qui ne viendra point" (dictionnaire de Furetière).
3. Le pari.
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
"Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Si tôt que moi ce but. - Si tôt ? Êtes-vous sage ?
Repartit l'animal léger.
Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d'ellébore1.
- Sage ou non, je parie encore."
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux :
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire,
Ni de quel juge l'on convint.
Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ;
J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes2,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D'où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur.
Elle part, elle s'évertue ;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la gageure3 à peu de gloire,
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à toute autre chose
Qu'à la gageure. À la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
"Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?"
La Fontaine, Fables, "Le Lièvre et la Tortue", livre VI, 1668.
Richard Allen, Slow Working (The Guardian), 2009.
Lisez les textes ci-contre. Qu'est-ce qui vous paraît bien ? Qu'est-ce qui peut être amélioré ?
La lenteur est à mon sens un atout car actuellement le monde va vite, très vite, trop vite. Personnellement je ne vois pas les journées passer, surtout les jours de match et d'entraînement. Entre les révisions, les choses du quotidien parfois mon sommeil en pâtit avec ce manque de temps. C'est pour cela que je pense que ce serait bien de ralentir. En fait je trouve la question compliquée car si nous ralentissions ne passerions-nous pas plus de temps sur nos plaisirs ? Ce qui ne serait pas vraiment ralentir mais plus profiter de ce plaisir. Je ne sais pas trop comment faire pour ralentir mais à mon sens nous devons le faire pour notre bien. Je me demande cependant si nous en sommes capables.
La lenteur, est-ce un handicap ou un atout ? Pour moi tout dépend des gens. Les gens ne sont pas tous pareils, il y a des gens qui réfléchissent ou travaillent lentement. Pour eux c'est naturel, mais dans les entreprises travailler lentement est très mal vu. Ça dépend aussi des situations. Dans la restauration les gens sont toujours pressés, ils veulent avoir plus de temps pour faire d'autres choses derrière. Mais la lenteur peut aussi être un atout car pour bien faire certaines choses il faut prendre son temps. Par exemple écrire un livre.
C'est vrai que la lenteur peut être considérée, aujourd'hui, comme un défaut. En entreprise, les employés "lents" sont très mal vus. Leurs collègues doivent les aider (en sacrifiant une partie de leur temps), leurs supérieurs voient les rendements baisser. On le voit bien dans le film de 1936 Les Temps Modernes de Charlie Chaplin. Le personnage de Charlot, plus lent, ralentit la chaîne et oblige ses collègues à se décaler sans cesse. La lenteur de Charlot se répercute sur leur charge de travail.
Cependant, pour moi, la lenteur est plutôt une qualité. Dans le monde professionnel, pourvu qu'elle reste raisonnable, elle montre qu'on cherche à bien faire les choses. Dans la sphère privée, il est pour moi impossible de cultiver les relations avec ses proches en allant à toute vitesse. Dans sa conférence "L'Éloge de la lenteur" (2005), Carl Honoré raconte l'anecdote de ses lectures du soir avec son fils : pressé par tout ce qu'il avait à faire, il voulait lire le plus vite possible, jusqu'à ce qu'il se rende compte de l'absurdité de cette dépendance à la vitesse.
Je trouve que le mouvement slow est une philosophie de vie très intéressante. Difficile à mettre en oeuvre, mais intéressante...
1. Comparez la gravure de Millet et la peinture de Van Gogh. Qu'est-ce qui rend la version de Van Gogh intéressante ?
2. Qu'est-ce que ces deux documents nous disent sur l'importance de ralentir ?
Ne rien faire, est-ce du temps perdu ?
1. Personnage de roman qui passe ses journées à ne rien faire.
Van Gogh, La Méridienne, d'après Millet, entre 1889 et 1890.
Pendant le premier confinement, Gaspard Koenig réfléchit à cette redécouverte des vertus de la lenteur.
Avec 3 milliards d'individus confinés, le monde traverse son Grand Ralentissement. Toute l'armada des avions, trains, voitures est à l'arrêt. Les livraisons prennent plus longtemps, sans que personne ne songe à s'en plaindre. Le débit Internet est ralenti. Les conversations traînent en longueur. Moi-même, j'ai l'impression de tout faire plus lentement ces jours-ci, y compris cette chronique; je m'enfonce dans mon sofa comme Oblomov1, rêvassant à chaque mot. Dans le rayon d'un kilomètre que la loi m'autorise à parcourir, je flâne, observant les détails qui auparavant m'échappaient. Je fais des siestes et je casse des noix. Au-delà de la commotion économique et sociale qui se profile, cet apprentissage de la lenteur pourrait nous être bénéfique. Mais au fait, pourquoi allions-nous si vite ?
Pour tenter de répondre à cette question, j'ai sorti de ma bibliothèque un ouvrage dont je repoussais toujours la lecture, faute de temps : "L'Invention de la vitesse" . Dans un style remarquable et avec une érudition colossale, Christophe Studeny nous entraîne du XVIIIe siècle à nos jours à la poursuite du temps gagné. Au commencement était le pas, celui de l'homme comme celui du cheval, qui durant des millénaires a rythmé les vies et les échanges. C'est le pas qui a construit les chemins, non pas destinés aux grandes traversées, mais réservés à un usage local, enveloppant les villages et les quartiers. La lenteur n'était pas seulement une fatalité, mais aussi un art de vivre. Montaigne se vante de ne tracer lors de ses voyages "aucune ligne certaine, ni droite ni courbe" ; Rousseau recommande à Emile de faire des détours; Diderot laisse son Jacques le Fataliste cheminer sans but; il arrivait même à Louis XIV de se perdre sur la route ! [...]
Mais si la civilisation précède la technique, alors nous avons toute latitude aujourd'hui pour inventer ou réinventer la lenteur, sans renoncer au progrès ni à l'innovation. Celle d'autrefois était subie, la nôtre sera choisie, mesurée, raffinée, et mettra les algorithmes à son service. Elle ne sera plus synonyme de clôture mais d'épaisseur. Elle inversera le paradigme social : l'ami "débordé", "super busy2", "sous l'eau", ne sera plus fréquentable. Elle nous installera dans la douceur des jours : quand le temps n'est plus compté, il passe si vite ! Elle nous permettra de devenir nous-mêmes, plutôt que de nous éparpiller dans le manège des réseaux.
Gaspard Koening, "L'invention de la lenteur", Lesechos.fr, 1er avril 2020
1. En vous appuyant sur les documents étudiés, indiquez dans quels domaines nos sociétés accélèrent.
2. Selon vous, nos sociétés vont-elles continuer à accélérer ou bien seront-elles, à un moment, forcées de ralentir ? Imaginez, à deux, à quoi ressemblera le monde dans 10, 20 ou 30 ans. Détaillez en particulier la société : les déplacements, les loisirs, le monde du travail, les effets sur la santé, sur les relations humaines, etc. Expliquez à l'aide d'une carte mentale illustrée que vous présenterez.
3. Stéphane Foucart écrit : "La science-fiction peut être un outil pour donner à voir les conséquences de nos actions. [...] La science-fiction est aussi ce qui permet aux jeunes générations d'investir et de s'approprier l'avenir."
a. Expliquez ces deux phrases en proposant des exemples concrets.
b. Êtes-vous d'accord ?