On ne badine pas avec l'amour

Support : Alfred de Musset, On ne badine pas avec l'amour, 1834.

Problématique : À quel jeu jouent les personnages de la pièce de Musset ?

Séance 01

Les jeux du coeur et de la parole

Observation

1. Observez ces deux couvertures. Que suggèrent-elles ?

2. Que signifie, pour vous, le titre ("On ne badine pas...") ?

Lecture

1. Lisez, à plusieurs voix, la première scène.

2. Que va-t-il, selon vous, se passer ? Écrivez une suite.

Séance 02

Un plaidoyer pour l'amour

Oral

Lisez à deux voix le passage qui, dans la scène II, 5, va de "J'ai pour amie une sœur..." à "...les matelas de crin"

Pistes

Recherche

Que pensez-vous de la réponse de Perdican ?

Prolongement

Quelle vision de l'éducation est proposée dans cette pièce ?

Perdican.

Sais-tu ce que c'est que des nonnes, malheureuse fille ? Elles qui te représentent l'amour des hommes comme un mensonge, savent-elles qu'il y a pis encore, le mensonge de l'amour divin ? Savent-elles que c'est un crime qu'elles font, de venir chuchoter à une vierge des paroles de femme ? Ah ! comme elles t'ont fait la leçon ! Comme j'avais prévu tout cela quand tu t'es arrêtée devant le portrait de notre vieille tante ! Tu voulais partir sans me serrer la main ; tu ne voulais revoir ni ce bois, ni cette pauvre petite fontaine qui nous regarde tout en larmes ; tu reniais les jours de ton enfance, et le masque de plâtre que les nonnes t'ont plaqué sur les joues, me refusait un baiser de frère ; mais ton cœur a battu ; il a oublié sa leçon, lui qui ne sait pas lire, et tu es revenue t'asseoir sur l'herbe où nous voilà. Eh bien ! Camille, ces femmes ont bien parlé ; elles t'ont mise dans le vrai chemin ; il pourra m'en coûter le bonheur de ma vie ; mais dis-leur cela de ma part : le ciel n'est pas pour elles.

CAMILLE.

Ni pour moi, n'est-ce pas ?

Perdican.

Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu'on te fera de ces récits hideux qui t'ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.

Alfred de Musset, On ne badine pas avec l'amour, II, 5, 1834.

Séance 03

L'interrogation

Observation

Quelles différences entre ces phrases ?

a. Bien que les nonnes aient fait la leçon à Camille, son coeur a battu.

b. Le coeur de Camille a battu, si bien qu'elle est revenue s'asseoir sur l'herbe.

c. Si le coeur de Camille battait, elle reviendrait s'asseoir sur l'herbe.

d. Les nonnes ont si bien fait la leçon à Camille, que son coeur ne bat plus.

Notion

Les propositions subordonnées circonstancielles

Application

1. Étudiez les subordonnées circonstancielles dans les phrases suivantes.

a. On est souvent trompé en amour parce que les hommes sont menteurs et les femmes perfides

b. Les nonnes ont tant fait la leçon à Camille, qu'elle a renié les jours de son enfance.

2. Complétez les phrases suivantes.

a. Si Camille avait écouté son coeur...

b. L'amour est une chose sainte et sublime, bien que...

Séance 04

Du coeur aux lèvres...

Recherche

1. Faites l'inventaire des lieux proposés dans l'acte II.

2. Faites une proposition de scénographie. Vous justifierez vos choix.

Lecture

1. Comparez ce dialogue avec le dialogue étudié précédemment.

2. Selon vous, quelle est l'intention de Perdican ?

Pistes

Perdican.

Regarde à présent cette bague. Lève-toi et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l'un sur l'autre ? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne ? Regarde tout cela s'effacer. (Il jette sa bague dans l'eau.) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l'eau qui s'était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n'y aura plus une ride sur ton joli visage : regarde ! c'était une bague que m'avait donnée Camille.

Camille, à part.

Il a jeté ma bague dans l'eau.

Perdican.

Sais-tu ce que c'est que l'amour, Rosette ? Écoute ! Le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t'aime. Tu veux bien de moi, n'est-ce pas ? On n'a pas flétri ta jeunesse ? on n'a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d'un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d'un jeune homme ; ô Rosette, Rosette, sais-tu ce que c'est que l'amour ?

Rosette.

Hélas ! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai.

Perdican.

Oui, comme tu pourras ; et tu m'aimeras mieux, tout docteur que je suis, et toute paysanne que tu es, que ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du cœur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l'atmosphère humide de leurs cellules ; tu ne sais rien ; tu ne lirais pas dans un livre la prière que la mère t'apprend, comme elle l'a apprise de sa mère ; tu ne comprends même pas le sens des paroles que tu répètes, quand tu t'agenouilles au pied de ton lit ; mais tu comprends bien que tu pries, et c'est tout ce qu'il faut à Dieu.

Rosette.

Comme vous me parlez, monseigneur !

Perdican.

Tu ne sais pas lire ; mais tu sais ce que disent ces bois et ces prairies, ces tièdes rivières, ces beaux champs couverts de moissons, toute cette nature splendide de jeunesse. Tu reconnais tous ces milliers de frères, et moi pour l'un d'entr'eux ; lève-toi ; tu seras ma femme, et nous prendrons racine ensemble dans la sève du monde tout-puissant.

(Il sort avec Rosette.)

Alfred de Musset, On ne badine pas avec l'amour, III, 3, 1834.

Séance 05

Les costumes

Écriture

Imaginez et dessinez, pour l'un des personnages principaux, un costume. Vous justifierez vos choix.

Notion : Les costumes et les accessoires

Observation

Observez les costumes ci-contre. Quels choix ont été opérés et pourquoi ?

Mise en scène de Jean-Pierre Vincent, 1993.

Séance 06

Le dénouement, ou presque

Observation

Comparez les aveux contenus dans III, 3, 6, 8.

Pistes

Lecture

1. Préparez une lecture à haute voix de la tirade de Perdican.

2. Quelles images traversent cette tirade ?

3. De quel type de fin s'agit-il ? Pourquoi ?

Prolongement

Imaginez et écrivez la fin de la pièce.

Perdican.

Insensés que nous sommes ! nous nous aimons. Quel songe avons-nous fait, Camille ? Quelles vaines paroles, quelles misérables folies ont passé comme un vent funeste entre nous deux ? Lequel de nous a voulu tromper l'autre ? Hélas ! cette vie est elle-même un si pénible rêve ! pourquoi encore y mêler les nôtres ? Ô mon Dieu ! le bonheur est une perle si rare dans cet océan d'ici-bas ! Tu nous l'avais donné, pêcheur céleste, tu l'avais tiré pour nous des profondeurs de l'abîme, cet inestimable joyau ; et nous, comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet. Le vert sentier qui nous amenait l'un vers l'autre avait une pente si douce, il était entouré de buissons si fleuris, il se perdait dans un si tranquille horizon ! Il a bien fallu que la vanité, le bavardage et la colère vinssent jeter leurs rochers informes sur cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser ! Il a bien fallu que nous nous fissions du mal, car nous sommes des hommes. Ô insensés ! nous nous aimons.

(Il la prend dans ses bras.)

Camille.

Oui, nous nous aimons, Perdican ; laisse-moi le sentir sur ton cœur. Ce Dieu qui nous regarde ne s'en offensera pas ; il veut bien que je t'aime ; il y a quinze ans qu'il le sait.

Perdican.

Chère créature, tu es à moi !

(Il l'embrasse ; on entend un grand cri derrière l'autel.)

Camille.

C'est la voix de ma sœur de lait.

Perdican.

Comment est-elle ici ? je l'avais laissée dans l'escalier, lorsque tu m'as fait rappeler. Il faut donc qu'elle m'ait suivi sans que je m'en sois aperçu.

Camille.

Entrons dans cette galerie ; c'est là qu'on a crié.

Perdican.

Je ne sais ce que j'éprouve ; il me semble que mes mains sont couvertes de sang.

Camille.

La pauvre enfant nous a sans doute épiés ; elle s'est encore évanouie ; viens, portons-lui secours ; hélas ! tout cela est cruel.

Perdican.

Non, en vérité, je n'entrerai pas ; je sens un froid mortel qui me paralyse. Vas-y, Camille, et tâche de la ramener. (Camille sort.)

(Camille rentre.)

Camille.

Elle est morte. Adieu, Perdican !

Alfred de Musset, On ne badine pas avec l'amour, III, 8, 1834.

Séance 07

Le procès de Perdican

Lecture