Des livres et moi

Objet d'étude : La littérature d'idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle

Problématique : Les livres et la lecture, quel intérêt aujourd'hui ?

Séance 01

Livres d'images, images de livres

Observation

1. Que nous disent, selon vous, ces images ?

2. Êtes-vous d'accord avec ces images ?

Pistes

Prolongement

Proposez une image dans laquelle vous représenterez, à votre tour, votre rapport au livre et à la lecture.

Séance 02

Scène de lecture

Lecture

Quelle est, dans cette scène, la relation entre le personnage qui lit et le texte lu ?

Pistes

Écriture

Racontez, dans l'ordre que vous le souhaitez, mais de façon précise, votre pire et votre meilleure expérience de lecture, que ce soit à l'école ou en dehors.

Notes

1. L'épouse défunte très jeune du narrateur.

Le personnage principal de ce roman, "le vieux", vit en Amazonie, parmi les indiens Shuars. C'est un passionné de romans "à l'eau de rose".

La pluie qui l'entourait de toutes parts lui ménageait une intimité sans pareille.

Le roman commençait bien.

"Paul lui donna un baiser ardent pendant que le gondolier complice des aventures de son ami faisait semblant de regarder ailleurs et que la gondole, garnie de coussins moelleux, glissait sur les canaux vénitiens."

Il lut la phrase à voix haute et plusieurs fois.

Qu'est-ce que ça peut bien être, des gondoles ?

Ça glissait sur des canaux. Il devait s'agir de barques ou de pirogues. Quant à Paul, il était clair que ce n'était pas un individu recommandable, puisqu'il donne un "baiser ardent" à la jeune fille en présence d'un ami, complice de surcroit.

Ce début lui plaisait.

Il était reconnaissant à l'auteur de désigner les méchants dès le départ. De cette manière, on évitait les malentendus et les sympathies non méritées.

Restait le baiser – quoi déjà ? – "ardent". Comment est-ce qu'on pouvait faire ça ?

Il se souvenait des rares fois où il avait donné un baiser à Dolores Encarnación del Santísimo Sacramento Estupiñán Otavalo1. Peut-être, sans qu'il s'en rende compte, l'un de ces baisers avait-il été ardent, comme celui de Paul dans le roman.

En tout cas il n'y avait pas eu beaucoup de baisers, parce que sa femme répondait par des éclats de rire, ou alors elle disait que ça devait être un péché.

Un baiser ardent. Un baiser. Il avait découvert récemment qu'il n'en avait guère donné, et seulement à sa femme, car les Shuars ne connaissent pas le baiser.

Il existe chez eux, entre hommes et femmes, des caresses sur tout le corps, sans se préoccuper de la présence de tiers. Même quand ils font l'amour, ils ne se donnent pas de baisers. [...]

Si c'était cela un baiser ardent, alors le Paul du roman n'était qu'un porc.

Quand arriva l'heure de la sieste, il avait lu environ quatre pages et réfléchi à leur propos, et il était préoccupé de ne pouvoir imaginer Venise en lui prêtant les caractères qu'il avait attribués à d'autres villes, également découvertes dans des romans.

Luis Sepúlveda, Le vieux qui lisait des romans d'amour, 1989.

Séance 03

Les livres de la jungle

Lexique

1. Expliquez la formation du mot "déraciner". Trouvez d'autres mots formés de la même manière.

2. Trouvez d'autres mots de la même famille que "hospitalité".

Lecture

Expliquez comment ces deux mots peuvent résumer le texte ci-contre.

Pistes

Oral

Pour ces migrants, qu'est-ce qui compte le plus dans la lecture ? Partagez-vous ce point de vue ?

Pendant des années, Mary Jones, une enseignante britannique installée à Amiens, a véhiculé de la nourriture et quelques livres aux réfugiés vivant dans le camp de fortune installé à Calais. Jusqu'au jour de l'été 2015 où, pour leur apporter un "soutien réel", elle a créé une petite bibliothèque intitulée… Les livres de la jungle : "Nombre de ces personnes ont fait des études, elles veulent aller de l'avant et cherchent des livres qui les aideront à lire et écrire l'anglais, à chercher un emploi, à remplir des formulaires", explique Mary Jones, qui remarque : "C'est fascinant de voir ce que les gens demandent – des nouvelles et de la poésie, par exemple."

Pourquoi des réfugiés, en proie à des besoins matériels si pressants, veulent-ils des nouvelles et de la poésie ? [...] Parce qu'avant même d'être un univers doté de significations, les livres sont un espace où habiter, une autre dimension où reprendre souffle. S'embarquer pour les pays lointains qu'ils offrent permet de revenir dans le monde que l'on dit réel en se sentant un peu moins étranger.

C'est l'une des voies par lesquelles la lecture répond à une nécessité existentielle, une exigence vitale, y compris pour des gens qui ne lisent que de loin en loin – et encore aujourd'hui, en ces temps de révolution numérique [...]. Elle retient particulièrement l'attention alors que "les guerres, les conflits et la persécution ont généré le plus grand nombre jamais observé dans l'histoire moderne de personnes déracinées en quête de refuge et de sécurité." Toutefois, même si l'on n'est pas un exilé fuyant une guerre ou la misère, un livre est une hospitalité offerte, un objet donnant une opportunité de construire sa cabane dans la jungle [...]. Une chance d'édifier dès le plus jeune âge des maisons de paroles, d'interposer entre le réel et soi tout un tissu de mots, de connaissances, d'histoires, d'images, de fantaisies, sans lequel le monde serait sans doute inhabitable. [...]

"Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves…", dit Prospero dans La Tempête de Shakespeare. Le sociologue et critique brésilien Antonio Candido rappelle, lui, qu'il n'existe pas de peuple ou d'être humain qui puisse vivre, au quotidien, sans une dimension poétique, fictionnelle ou dramatique : "De la même façon que tous rêvent chaque nuit, personne ne peut passer les vingt-quatre heures d'une journée sans moments où se livrer à un univers fictionnel."

Michèle Petit, Éloge de la lecture, 2002.

Prolongement

Quelles sont les figures de style employées dans les citations suivantes : "de personnes déracinées", "un tissu de mots, de connaissances, d'histoires, d'images, de fantaisies", "Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves…", "De la même façon que tous rêvent chaque nuit, personne ne peut passer les vingt-quatre heures d'une journée sans moments où se livrer à un univers fictionnel."

Séance 04

Les pouvoirs des livres

Oral

Dans votre Journal du Lecteur, écrivez le titre "L'art de raconter", puis commencez par : "Pour moi, pour bien raconter une histoire, il faut..."

Écriture

Écrivez la fin de cette histoire.

Prolongement

Selon vous, quelle est la morale de cette histoire ?

Notes

1. Intendant. Personne chargée d'administrer la maison d'un riche particulier.

2. Métayage. Louage d'un domaine rural à un métayer (exploitant agricole) qui le cultive pour une partie du produit.

Julio Cortazar est un écrivain argentin qui s'est installé en France au début des années 50. Le texte qui suit est le début de la nouvelle.

Il avait commencé à lire le roman quelques jours auparavant. Il l'abandonna à cause d'affaires urgentes et l'ouvrit de nouveau dans le train, en retournant à sa propriété. Il se laissait lentement intéresser par l'intrigue et le caractère des personnages. Ce soir-là, après avoir écrit une lettre à son fondé de pouvoirs et discuté avec l'intendant1 une question de métayage2, il reprit sa lecture dans la tranquillité du studio, d'où la vue s'étendait sur le parc planté de chênes. Installé dans son fauteuil favori, le dos à la porte pour ne pas être gêné par une irritante possibilité de dérangements divers, il laissait sa main gauche caresser de temps en temps le velours vert. Il se mit à lire les derniers chapitres. Sa mémoire retenait sans effort les noms et l'apparence des héros. L'illusion romanesque le prit presque aussitôt. Il jouissait du plaisir presque pervers de s'éloigner petit à petit, ligne après ligne, de ce qui l'entourait, tout en demeurant conscient que sa tête reposait commodément sur le velours du dossier élevé, que les cigarettes restaient à portée de sa main et qu'au-delà des grandes fenêtres le souffle du crépuscule semblait danser sous les chênes.

Phrase après phrase, absorbé par la sordide alternative où se débattaient les protagonistes, il se laissait prendre aux images qui s'organisaient et acquéraient progressivement couleur et vie. Il fut ainsi témoin de la dernière rencontre dans la cabane parmi la broussaille. La femme entra la première, méfiante. Puis vint l'homme, le visage griffé par les épines d'une branche. Admirablement, elle étanchait de ses baisers le sang des égratignures. Lui, se dérobait aux caresses. Il n'était pas venu pour répéter le cérémonial d'une passion clandestine protégée par un monde de feuilles sèches et de sentiers furtifs. Le poignard devenait tiède au contact de sa poitrine. Dessous, au rythme du cœur, battait la liberté convoitée. Un dialogue haletant se déroulait au long des pages comme un fleuve de reptiles, et l'on sentait que tout était décidé depuis toujours. Jusqu'à ces caresses qui enveloppaient le corps de l'amant comme pour le retenir et le dissuader, dessinaient abominablement les contours de l'autre corps, qu'il était nécessaire d'abattre. Rien n'avait été oublié : alibis, hasards, erreurs possibles. A partir de cette heure, chaque instant avait son usage minutieusement calculé. La double et implacable répétition était à peine interrompue le temps qu'une main frôle une joue. Il commençait à faire nuit.

Sans se regarder, étroitement liés à la tâche qui les attendait, ils se séparèrent à la porte de la cabane. Elle devait suivre le sentier qui allait vers le nord. Sur le sentier opposé, il se retourna un instant pour la voir courir, les cheveux dénoués. A son tour, il se mit à courir, se courbant sous les arbres et les haies. A la fin, il distingua dans la brume mauve du crépuscule l'allée qui conduisait à la maison. Les chiens ne devaient pas aboyer et ils n'aboyèrent pas. A cette heure, l'intendant ne devait pas être là et il n'était pas là. Il monta les trois marches du perron et entra. A travers le sang qui bourdonnait dans ses oreilles, lui parvenaient encore les paroles de la femme. D'abord une salle bleue, puis un corridor, puis un escalier avec un tapis. En haut, deux portes. Personne dans la première pièce, personne dans la seconde... [La fin du texte a été tronquée.]

Julio Cortazar, "Continuité des parcs", Les Armes secrètes, trad. C. et R. Caillois, éd. Gallimard. Première publication 1959.

Séance 05

Les Français et la lecture

Observation

1. Observez l'enquête sur les français et la lecture réalisée par le Centre National du Livre sur "les Français et la lecture" en 2025. Quels chiffres, quels éléments vous surprennent ? Pourquoi ?

2. Est-ce que vous vous reconnaissez, est-ce que vous reconnaissez votre entourage dans ces chiffres ?

3. Racontez, dans l'ordre que vous le souhaitez, mais de façon précise, avec des détails, votre pire et votre meilleure expérience de lecture, que ce soit à l'école ou en dehors.

Séance 06

Des livres et moi

Écriture

1. Faites la liste des textes et des documents étudiés.

2. Parmi ces textes et documents, lesquels vous ont paru intéressants ? Pourquoi ?

3. Dans votre Journal de lecteur, écrivez le titre : "Peut-on se passer aujourd'hui des livres et de la lecture ?"

En-dessous du titre, rassemblez des éléments pour défendre votre point de vue par rapport à cette question. Vous listerez des arguments et des exemples, sans rédiger

Vous ferez référence à des livres et des lectures précises.

On attend que vous exprimiez une opinion convaincante, que vous justifierez par des arguments et par des exemples littéraires, tirés notamment des textes étudiés en classe, mais aussi de vos lectures personnelles.

Vous rédigerez au moins trois paragraphes.

Pistes

Sujet de réflexion/essai

On parle souvent, aujourd'hui, d'une crise de la lecture. Mais, à notre époque hyperconnectée, les livres et la lecture sont-ils encore nécessaires ? Dans un premier temps, je montrerai qu'il existe d'autres moyens de s'instruire ; en revanche, ils procurent une expérience singulière que rien d'autre, à ce jour, ne peut remplacer.


Pour commencer, il est vrai que la lecture connaît un déclin aujourd'hui. Il me semble que c'est parce certaines de leurs fonctions sont remplies par d'autres outils. Par exemple, les livres ne sont plus, aujourd'hui, les seuls moyens d'apprendre. Pendant très longtemps, le savoir était stocké dans les bibliothèques et les encyclopédies. Aujourd'hui, il est disséminé sur Internet : les tutoriels nous montrent comment faire ; les pages de Wikipedia nous donnent toutes les informations dont nous avons besoin ; des intelligences artificielles répondent à toutes nos questions. Si, autrefois, lire était indispensable pour s'instruire, aujourd'hui ce n'est plus le cas.

Mais ce n'est pas la seule fonction des livres. Ceux-ci permettent aussi de s'évader, de vivre d'autres vies. Certes, des divertissements comme le jeu vidéo ou les séries le permettent aussi. Cependant, dans un livre, nous mettons une partie de nous-mêmes. Nous remplissons les lacunes de l'écriture avec notre imagination. Nous nous représentons les personnages, les lieux, nous vivons avec eux leur histoire. Nous participons à la création de l'histoire. Dans Continuité des parcs, de Julio Cortazar, un homme est tellement plongé dans le livre qu'il lit, que les frontières entre fiction et réalité se brouillent. Comme cet homme, les histoires que nous lisons peuvent profondément nous affecter. Il s'agit d'une forme de divertissement, mais il a quelque chose de singulier, d'unique.

La lecture et les livres sont aussi, enfin, une forme de refuge. Quelles que soient les circonstances dans lesquelles on se trouve, les livres sont hospitaliers : ils nous accueillent et nous réconfortent. Dans son Éloge de la lecture, Michèle Petit évoque ainsi ces migrants, loin de leurs pays et de leurs familles, qui recherchent de la poésie et de la littérature pour retrouver une forme d'enracinement. Nous avons besoin de fiction pour vivre, pour continuer à avancer et à espérer. Même quand les histoires sont difficiles à comprendre ou à accepter, elles donnent du sens à notre existence et nous font réfléchir.

La lecture et les livres sont aussi, enfin, une forme de dialogue avec d'autres hommes et femmes. La lecture et les livres sont le seul moyen qui existe pour entrer dans la conscience, dans les pensées de quelqu'un d'autre. Quand on lit Le Journal d'Anne Franck, on entre dans la conscience d'une jeune fille Juive sous l'Occupation, par exemple. En lisant, j'apprends à comprendre des hommes et des femmes qui ont vécu dans d'autres circonstances, j'apprends parfois à voir autrement les circonstances dans lesquelles je vis.


Pour moi, donc, on peut se passer des livres et de la lecture pour apprendre. En revanche, rien ne me paraît pouvoir remplacer cette expérience sigulière que nous vivons quand nous plongeons dans un livre pour vivre les péripéties avec les personnages, ou pour découvrir la beauté d'une histoire. Daniel Pennac, dans Comme un roman, évoque "Cette lecture [...] une compagnie qui ne prend la place d’aucune autre, mais qu’aucune autre compagnie ne saurait remplacer."