INSPE ANGERS - FRANÇAIS

Analyse de l'activité

L'enseignement de la grammaire

Le cadre institutionnel

Après le cycle 2 qui a permis une première structuration des connaissances sur la langue, le cycle 3 marque une entrée dans une étude de la langue explicite, réflexive, qui est mise au service de la compréhension de textes et de l’écriture de textes. Il s’agit d'assurer des savoirs solides en grammaire autour des notions centrales et de susciter l'intérêt des élèves pour l'étude de la langue. Cette étude prend appui sur des corpus, des éléments collectés, des écrits ou des prises de parole d’élèves.

Dans des séances spécifiques, elle doit permettre un éclairage des textes lus, des propos entendus et un accompagnement des textes écrits. Son objectif est de mettre en évidence les régularités et de commencer à envisager le système de la langue.

Ministère de l'Éducation Nationale et de la Jeunesse (2023). Programme du cycle 3.

La proposition de Cyrille

La parole est à vous 🎙️

Pourquoi la grammaire ?

La moindre production d'écrit réclame une grammaire en action, et une pratique de la réflexion presque constante (avant la mise en place des automatismes qui vont s'installer peu à peu). La correction orthographique exige en effet que l'élève soit en état de vigilance (expression des Instructions Officielles de 1977), qu'il fasse preuve constamment d'une réflexivité vis-à-vis du langage, c'est-à-dire qu'il passe continûment du langage pour l'action (ce qu'il a envie de dire) au langage pour la forme (le verbe a-t-il bien été accordé avec son sujet ?). On comprend bien alors pourquoi Bernard Lahire souligne qu'une orthographe grammaticale correcte est l'indice d'un rapport réflexif au langage.

Haas, Ghislaine, et Danielle Lorrot. "De la grammaire à la linguistique par une pratique réflexive de l'orthographe". Repères. Recherches en didactique du français langue maternelle, vol. 14, no 1, 1996, p. 161‑81.

Un exemple concret

Il a été démontré que les erreurs d'homophones grammaticaux (à/a ; et/est ; on/ont, etc.) étaient en fait des erreurs de classification de mot. Si l'élève sait identifier un verbe (qu'il a bien conceptualisé cette classe grammaticale), il n'a aucune raison de le confondre avec une préposition, une conjonction ou un pronom. Or, il a été remarqué que l'enseignement de l'orthographe dans les classes se limitait bien souvent à des leçons et exercices sur les homophones grammaticaux. Non seulement cet enseignement ne permet pas aux élèves de construire une représentation claire des classes grammaticales, mais il crée chez eux des confusions là où où il n'y en avait pas.

Risselin, K., En, A. J., & Busch, É. (2023). Travailler la maîtrise de la langue : faire progresser les élèves dans toutes les disciplines.

Comment ? Les corpus

Si l’enseignement de la grammaire à l’école n’a pas vocation à décrire l’ensemble du système de la langue française, il est important de définir clairement les zones de ce système qui sont accessibles à la description grammaticale. Ces zones sont celles des structures prototypiques. Toutes les entités et structures grammaticales (natures de mots ou de groupes de mots, fonctions, phrases, etc.) présentent des cas prototypiques, distincts de cas plus marginaux. [...] Un cas prototypique d’une catégorie est un membre clairement représentatif de la catégorie : une phrase verbale est un cas prototypique de la phrase (par opposition à la phrase averbale) [...], etc. Quand les élèves auront développé des capacités de catégorisation fiables sur les cas prototypiques, à l’école élémentaire et au collège, ils pourront, au lycée, approcher les cas plus complexes et développer leur esprit critique à l’égard de la catégorisation grammaticale elle-même, tout en acquérant peu à peu l’aptitude à percevoir les enjeux stylistiques des structures grammaticales.

Ministère de l'Éducation Nationale et de la Jeunesse (2022). Les guides fondamentaux pour enseigner. La grammaire du français du CP à la 6e.

Comment ? Des activités qui sollicitent cognitivement

Les activités doivent permettre de mobiliser les capacités intellectuelles et affectives des élèves ; elles ne doivent être ni trop faciles ni trop difficiles. Les tâches consistant à observer un phénomène grammatical dans des textes, à manipuler des énoncés en les transformant, à formuler des constats, à les commenter, etc., sont intéressantes pour les élèves parce qu'elles sont exigeants cognitivement et leur permettent de découvrir des aspects du fonctionnement de la langue, alors qu'appliquer une règle d'accord du participe passé dans un exercice ne constitue pas une activité stimulante sur le plan cognitif.

Chartrand, S. (dir.) (2016). Mieux Enseigner la grammaire. Pearson.

Comment ? Les interactions entre pairs

Le moment important, en classe, n’est pas celui où les enfants, individuellement, remplissent le carré (deux énoncés proches, une consigne de transformation, et deux cases vides pour écrire les réponses) mais le débat d’acceptabilité qui suit cette prolifération d’énoncés et valide ceux qui ont frayé, débat qui se termine par la proposition d’une "règle", consignée sur le carnet de chercheur. Selon les cas, la règle ressemble à celle que l’on trouve dans les manuels mais, le plus souvent, elle la modifie ou la précise (c’est le cas pour le pluriel de "un, une"). La règle à laquelle les enfants arrivent n’est pas importante en soi : l’objectif des ateliers est bien le débat lui-même, le processus métalinguistique qui fait bouger les représentations. Il faut bien, toutefois, arriver à une trace écrite de la conclusion de ce débat.

Audion, L. (2015). Les Ateliers d’Antoine : apports de la Théorie des Opérations Énonciatives en didactique du français à l’école élémentaire. Cognition RepréSentation Langages, 13‑2.

Exemple : les chantiers d'étude

Le chantier de grammaire est un temps de « réflexion » au sens fort du mot, un temps de regard différent sur la langue qui est moyen et objet d’étude dans le cours de français.

Des corpus de de 5 à 15 phrases sont conçus en fonction de la notion travaillée : la notion est réfléchie en amont par l’enseignant afin d’en dégager les attributs principaux : en 6e, par exemple, on définit 3 critères pour trouver un complément du verbe : il n’est pas supprimable, il n’est pas déplaçable, il est pronominalisable. En procédant ainsi, on circonscrit la notion sans prétendre embrasser tous les cas de figure. On décide selon la classe et les compétences des élèves, de ne pas évoquer tel cas limite, telle ou telle pronominalisation plus complexe. Le corpus est borné, bien ajusté à ce que peut manipuler une classe. On fonde les corpus sur les gestes du grammairien pour progressivement éliminer les questions de niveau sémantique du type « Il mange quoi ? une pomme / * Il est quoi ? – Courageux » pour préférer un questionnement syntaxique, pour appréhender le système linguistique.

Eduscol. (2022). "Conduire un chantier de grammaire pour permettre l’appropriation d’une notion".

Exemples de situations, d’activités et d’outils pour l’élève

- Repérage de groupes nominaux en position de compléments et caractérisation par des opérations de suppression, déplacement en début de phrase, pronominalisation (distinction complément d’objet / temps, lieu et cause. complément circonstanciel).

- Analyse logique de phrases simples.

- Rituels de jeux grammaticaux (jeux créatifs, recherche d’intrus dans des listes, jeux de transformation à partir de ses propres écrits, etc.).

- Appréciation des effets de sens : créés par le choix d’un article défini / indéfini ; créés par la position d’un adjectif par rapport au nom qu’il complète, etc.

Ministère de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports (2020). Programme du cycle 4.

À votre tour

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