INSPE ANGERS - MEEF/DIU LETTRES

Didactique du français

La coopération

Coopération et collaboration

Il y a d'abord la coopération qui pourrait se résumer à des interactions volontaires où chaque participant retire un bénéfice. On peut, par exemple, évoquer une relation d'aide entre deux élèves autour d'une même tâche. Celui qui se fait aider peut bénéficier du déblocage qui suit l'explication de celui qui aide. Ce dernier progresse davantage en expliquant la notion comprise. [...] Cette générosité réciproque, ici à l'oeuvre, fait la démonstration de l'interdépendance et ouvre à des solidarités étendues. Il y a aussi la collaboration. Dans ce cas, l'ensemble des élèves interagissent poiur produire une tâche commune, où chacun amène sa pierre à l'édifice. En termes d'apprentissages, elle économise du temps de réalisation de la production et peut permettre aux élèves de se sentir utile dans une contribution partagée. Elle prend aussi le risque de la spécialisation des individus et leur enfermement dans leurs compétences assignées, parfois involontairement. La compétition en groupe quant à elle ne s'oppose pas à la coopération ou à la collaboration, contrairement à l'individualisme indifférent ou à l'égoïsme. [...] Elle peut être à l'origine d'une plus grande cohésion entre les individus en mobilisant une solidarité clanique. Paradoxalement, si elle motive à l'engagement par l'émulation liée à la confrontation, elle démotive aussi les élèves qui sont trop rarement parmi les vainqueurs.

Reynaud, L. (2022). Faire collectif pour apprendre : des clés pour mettre la coopération au service des apprentissages.

Les bénéfices 1/3

Les démarches collaboratives servent mieux que d'autres les apprentissages reliés à des domaines complexes, peu ou mal structurés. Car la collaboration, qui est faite de la mise en commun de visions et de points de vue, permet de fournir des explications diverses d’un même phénomène et ainsi rendre compte de sa complexité. (Henri & Lundgren-Cayrol, 2001, p. 19) L’apprentissage collaboratif dans le cadre d’exercices de rédaction complexes comme une dissertation ou un commentaire littéraire permettrait de faire formuler aux élèves leur représentation de ces types de textes et de la confronter avec celle des autres ainsi qu’avec la méthode qui leur a été présentée en cours.

Capt, V., Depeursinge, M., & Florey, S. (2020). L'enseignement du français et le défi du numérique. Peter Lang Verlag. https://www.peterlang.com/document/1063527

Les bénéfices 2/3

Sous sa forme la plus simple – mais absolument essentielle –, la coopération, c'est d'abord l'entraide entre élèves. Je ne soulignerai jamais assez à quel point il y a là un enjeu essentiel à mes yeux. Notre École se prive en effet trop souvent d'un moyen fondamental pour favoriser le progrès intellectuel de deux élèves tout en leur permettant de découvrir à quel point leur collaboration les enrichit et leur solidarité est infiniment précieuse. Car l'entraide bénéficie tout aussi bien à celui qui aide qu'à celui qui est aidé ; elle peut se pratiquer entre des élèves d'une même classe ou des élèves d'âges et de niveaux très différents ; elle peut être ponctuelle ou prendre la forme d'un monitorat sur la durée ; elle peut s'effectuer dans une relation duelle ou s'inscrire dans un "réseau d'échanges réciproques de savoirs". En la négligeant, ou en la laissant à l'initiative de ceux, et surtout de celles, qui en connaissent les bénéfices, l'École, non seulement pèche au plan intellectuel, mais elle faillit aussi à sa mission sociale : en effet, c'est à partir de son entrée à l'école que l'enfant peut progressivement se dégager de la socialisation primaire, construite dans la famille, pour accéder à une socialisation secondaire dans laquelle il effectue ses propres choix.

Meirieu, P. (2018). La Riposte: Écoles alternatives, neurosciences et bonnes vieilles méthodes : pour en finir avec les miroirs aux alouettes. Autrement. https://doi.org/10.3917/autre.meiri.2018.01

Les bénéfices 3/3

Au-delà de l'entraide, il est essentiel de mettre aussi en place, à tous les niveaux de l'école, des formes de coopération où les élèves découvrent qu'un collectif est bien plus riche que la somme des individualités qui le composent et que l'intérêt général n'est pas la simple addition des intérêts individuels. Il existe aujourd'hui pour cela des jeux coopératifs dont l'usage en maternelle et en primaire devrait être généralisé. De même, la pratique du débat – telle que je l'ai proposée – est un moyen essentiel de découverte des bienfaits du collectif et peut être adaptée à tous les niveaux de la scolarité. J'ai proposé, pour ma part, la formule du "groupe d'apprentissage" où seule l'implication de chacun à partir d'un apport spécifique permet, tout à la fois, la réalisation d'une tâche – l'écriture d'un texte, la fabrication d'un objet technique, une création artistique, etc. – et l'acquisition, par tous les membres du groupe, de connaissances précises et identifiables. Makarenko avait souligné, lui, l'importance de la rotation systématique des tâches et des responsabilités dans les groupes, afin que chacun puisse faire toutes les expériences nécessaires à sa formation et prendre la mesure de la solidarité indispensable au bon fonctionnement du collectif. La pédagogie Freinet et la pédagogie institutionnelle ont insisté, de leur côté, sur la nécessité que chacun ait, dans la classe, une place – un rôle, un "métier" – grâce auquel il puisse se mettre au service de tous.

Meirieu, P. (2018). La Riposte: Écoles alternatives, neurosciences et bonnes vieilles méthodes : pour en finir avec les miroirs aux alouettes. Autrement. https://doi.org/10.3917/autre.meiri.2018.01

Les principes 1/3

Il y a de très nombreuses années maintenant, quand j'observais systématiquement des groupes d'élèves enjoints à collaborer, j'avais été sidéré par la rapidité avec laquelle ils s'organisaient "spontanément" en "concepteurs, exécuteurs, chômeurs et gêneurs", tout autant que par la cécité des adultes devant ce phénomène. Plus encore même, j'avais été frappé par la confusion entre "la tâche" (ce que doit "produire" le groupe) et "l'objectif" (ce que chaque membre du groupe doit apprendre à faire). J'avais noté, avec une constante presque jamais démentie, que le maître considérait la division du travail, non seulement comme un "phénomène naturel", mais comme un moyen de finaliser l'activité collective et, au passage, de satisfaire le narcissisme du groupe, de l'éducateur, voire des parents, tous ébahis par un "résultat" où presque personne n'avait rien appris mais où le "produit" validait, en quelque sorte, la pédagogie mise en œuvre (préface de Meirieu, P.).

Connac, S. (2017). La coopération entre élèves. Réseau Canopé.

Les principes 2/3

On peut poser quatre jalons d'organisation du travail en groupe pour tenter d'éviter ces écueils et confusions : ne pas prévoir de production finale lors d'un travail en groupe, ou a minima ne pas chercher à l'évaluer de façon sommative. Ce jalon peut permettre d'éviter la répartition spontanée des tâches qui les enferme dans leurs compétences et leurs incompétences. Faire du travail en groupe un objectif d'apprentissage à part entière et le verbaliser. Le faire précéder d'un travail individuel pour que chacun puisse apporter quelque chose au groupe. Organiser le travail en groupe pour éviter la répartition spontanée des rôles.

Reynaud, L. (2022). Faire collectif pour apprendre : des clés pour mettre la coopération au service des apprentissages.

Les principes 3/3

Pour que l'interdépendance naisse au sein des groupes de travail, la consigne passée aux élèves a besoin de répondre à deux critères : 1. Chaque participant doit avoir un intérêt à échanger avec tous les autres (si ce n'est pas le cas, autoriser les élèves qui le demandent à travailler individuellement est pertinent) ; 2. Le matériel distribué doit permettre l'activité intellectuelle et la participation de chacun (afin d'éviter que certains s'enferment dans des activités subalternes, attendent que le travail soit fait par d'autres ou parasitent le climat de classe par ennui ou désintérêt). C'est en appui sur ce second critère que la mobilisation des élèves se construit autant que possible sur la base d'une production individuelle (plutôt qu'autour d'une production de groupe). Ce n'est donc pas pertinent de les conduire à procéder à un partage des tâches qui les spécialiserait chacun dans une activité ne permettant pas d'entrevoir la globalité et la complexité du problème.

Connac, S. (2017). La coopération entre élèves. Réseau Canopé.

Les principes 2/3

Première étape : un temps court de réflexion individuelle (en silence, sans interaction) pour essayer de réaliser la consigne par ses propres moyens et pour qu'émergent des stratégies et des questions, afin que chacun puisse apporter quelque chose au groupe. Ce préalable individuel aide les élèves à écouter l'avis des autres parce qu'ils entament le travail en groupe avec quelque chose à y apporter. "L'approche individuelle préalable permet à chaque participant d'avoir du contenu à partager avec le groupe, gage de communication entre les pairs." Deuxième étape : un temps de travail en groupe (après répartition de fonctions non figées sur le temps) encadré par des règles spécifiques : chacun doit se poser des questions et essayer d'y répondre : pas seulement les plus forts ; chacun doit apprendre : ne pas être d'accord est très intéressant ; chacun doit se sentir en sécurité : les erreurs ne sont pas des fautes (on ne se moque pas) ; chacun peut donner son avis : les échanges débutent par un tour de table ; chacun respecte la concentration des autres : on murmure pour discuter ; chacun doit progresser : il n'y a pas de compétition entre les groupes. Troisième étape : un temps bref de synthèse (si elle est absolument nécessaire), à partir de la remontée des secrétaires (pas forcément tous) et de l'avis de l'enseignant. Les secrétaires ne disposent alors que d'une seule minute pour faire leur compte-rendu et n'ont pas le droit de répéter une idée précédemment énoncée. Quatrième étape : une synthèse et une conclusion formelle, à partir du travail précédent des groupes et apportant des réponses au problème étudié. Cinquième étape (en début de processus) : une évaluation interne du fonctionnement de chaque groupe (respect de la consigne, engagement dans les fonctions, utilité pour les apprentissages individuels…) en vue d'optimiser les situations de groupe futures par le développement de "bonnes" habitudes de travail. Cela correspond à la phase de réflexion critique : "Qu'est-ce qui a été utile ?" "Qu'est-ce qu'on prévoit pour la suite ?" Les retours de l'enseignant participent à l'enrichissement du ressenti des élèves, par exemple pour signifier qu'un partage des tâches au sein d'un groupe répond peu aux objectifs de cette façon de travailler.

Connac, S. (2017). La coopération entre élèves. Réseau Canopé.

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