C'est parti pour la dictée 🪤
Les jeunes élèves n'ont pas trop de difficulté à marquer le pluriel du nom parce qu'ils se représentent bien l'opposition entre une chose et plusieurs choses : Ainsi, le jeune Romain, âgé de cinq ans et dix mois demande de rajouter un s à olive dans la liste des courses "parce qu'il en veut beaucoup". La variation en nombre du nom (et en genre pour certains d'entre eux) apparaît ainsi comme le prolongement adapté d'une expérience humaine. En revanche, il est difficile, voire impossible, de se représenter ce que pourrait être une action plurielle pour fermer la porte ou s'appeler. Le pluriel du verbe, comme celui de l'adjectif, n'est pas en relation directe avec les objets du monde, à la différence du pluriel du nom. Il relève d'un phénomène purement linguistique qui met un élément sous la dépendance d'un autre. C'est ce qu'on appelle l'accord, un donneur conférant ses propriétés morphologiques à un receveur. Pratiquer l'accord est une activité abstraite de haut niveau, coûteuse d'un point de vue cognitif. De plus, contrairement à l'accord dans le groupe nominal qui s'effectue au sein d'un groupe, l'accord sujet-verbe met en jeu deux constituants de la phrase de type différent.
Brissaud, C., & Cogis, D. (2011). Comment enseigner l'orthographe aujourd'hui ?
Il faut en matière d'accord (comme en bien d'autres aspects de l'écriture, telle la ponctuation...) rompre avec l'impératif drastique de la norme. Les connaissances déclaratives ne suffisent pas, puisque chacun connaît les règles d'accord et cependant ne les applique pas ipso facto. Le travail dès lors va commencer là où l'enseignement traditionnel tend à s'arrêter : déterminer avec les élèves les zones potentielles d'erreurs et tenter de mettre en place des connaissances procédurales durables. [...] En somme tout se passe comme si on posait le problème de la manière suivante aux élèves : vous connaissez la règle d'accord, vous rencontrez cependant des difficultés dans la gestion des marques du nombre (singulier / pluriel). Essayons de comprendre pourquoi.
Jaffré, J., & Bessonnat, D. (1993). Accord ou pas d'accord ? Les chaînes morphologiques. Pratiques, 77(1), 25‑42. https://doi.org/10.3406/prati.1993.1682
L'analyse de leurs erreurs montre que beaucoup d'élèves "accordent" le verbe avec un mot qui n'est pas le sujet, mais qu'ils prennent pour le donneur de marque, car il précède le verbe :
- - dernier nom d'une coordination (Pierre et Marik joue) ;
- - nom en fonction de complément (la mère des lionceaux arrivent) ;
- - pronom antéposé au verbe (il les donnent).
Ces trois constructions constituent de fréquents obstacles pour les élèves dans leur travail d'identification du sujet.
Brissaud, C., & Cogis, D. (2011). Comment enseigner l'orthographe aujourd'hui ?