INSPE ANGERS - MEEF LETTRES

Didactique de la lecture

L'oeuvre ouverte

Un peu de lecture

Lisez l'extrait proposé, tiré de Perceval, ou le Conte du Graal.

Le lendemain soir, les personnages écrivent leur journal personnel. Choisissez l'un des deux personnages, imaginez et écrivez cette page.

Les sens tremblés de l'oeuvre

Écrire, c'est ébranler le sens du monde, y disposer une interrogation indirecte, à laquelle l'écrivain, par un dernier suspens, s'abstient de répondre. La réponse, c'est chacun de nous qui la donne, y apportant son histoire, son langage, sa liberté ; mais comme histoire, langage et liberté changent infiniment, la réponse du monde à l'écrivain est infinie : on ne cesse jamais de répondre à ce qui a été écrit hors de toute réponse : affirmés, puis mis en rivalité, puis remplacés, les sens passent, la question demeure. Ainsi s'explique, sans doute, qu'il y ait un être trans-historique de la littérature ; cet être est un système fonctionnel dont un terme est fixe (l'œuvre) et l'autre variable (le monde, le temps qui consomment cette œuvre). Mais pour que le jeu s'accomplisse, pour que l'on puisse aujourd'hui encore parler à neuf de Racine, il faut respecter certaines règles ; il faut d'une part que l'œuvre soit vraiment une forme, qu'elle désigne vraiment un sens tremblé, et non un sens fermé ; et d'autre part (car notre responsabilité n'est pas moindre), il faut que le monde réponde assertivement à la question de l'œuvre, qu'il remplisse franchement, avec sa propre matière, le sens posé.

Barthes, R. (1960). Sur Racine.

L'oeuvre ouverte

Une forme est esthétiquement valable justement dans la mesure où elle peut être envisagée et comprise selon des perspectives multiples, où elle manifeste une grande variété d'aspects et de résonances sans jamais cesser d'être elle-même. (Un panneau de signalisation routière ne peut, au contraire, être envisagé que sous un seul aspect; le soumettre à une interprétation fantaisiste, ce serait lui retirer jusqu'à sa définition.) En ce premier sens, toute œuvre d'art, alors même qu'elle est forme achevée et "close" dans sa perfection d'organisme exactement calibré, est "ouverte" au moins en ce qu'elle peut être interprétée de différentes façons sans que son irréductible singularité en soit altérée. Jouir d'une œuvre d'art revient à en donner une interprétation, une exécution, à la faire revivre dans une perspective originale.

Eco, U. (1962). L'oeuvre ouverte.

Des "fragments de monde"

Une œuvre littéraire n'est jamais complète, ou, si l'on préfère, ne constitue pas un monde complet, au sens où l'est, quelles que soient ses imperfections, celui dans lequel nous vivons. Si elle emprunte des éléments à des mondes déjà existants, dont le nôtre, elle ne donne pas à voir et à vivre un univers entier, mais délivre une série d'informations parcellaires qui ne seraient pas suffisantes sans notre intervention. Il serait plus juste alors de parler, à propos de cet espace littéraire insuffisant, de fragments de monde. Dès lors, l'activité de la lecture et de la critique est contrainte de compléter ce monde. Ajouter des données là où elles font défaut, finir les descriptions, poursuivre des pensées inachevées, inventer du passé et de l'avenir au texte. Ainsi l'œuvre se prolonge-t-elle chez chaque lecteur, qui, en venant l'habiter, la termine temporairement pour lui-même. Cette clôture personnelle concerne tous les niveaux de l'œuvre, notamment ceux où la littérature est en manque de représentation par rapport à l'image.

Bayard, P. (2014). Enquête sur Hamlet : Le dialogue de sourds.

Une séquence ordinaire

Par groupes de deux : Quelles réflexions vous inspirent ces pages de manuel ?

Justifiez vos remarques par des analyses précises.

Les limites des questionnaires 1/3

"À plat ventre sur la plus grosse branche de tilleul, Colin, immobile comme un chasseur à l'affût, observe le manège du chat Tibère. Tapi sous un banc de l'allée où les miettes de pain font le régal des moineaux, Tibère attend patiemment que ceux- ci s'approchent suffisamment de lui pour bondir sur la proie qu'il convoite".

Paour, J.-L. Cèbe, S. (2011). Améliorer la compréhension de l'écrit : apports d'une conception constructivisite de l'apprentissage et du développement. Travaux & documents, 2011, 38, pp. 121-134.

Les limites des questionnaires 2/3

"Ce repérage superficiel leur suffit bien souvent pour répondre aux questions. Ils mettent en œuvre des procédures relativement rudimentaires qui demandent peu d'efforts : ils identifient un mot-clé dans la question (qui, quand, où, comment…) puis ils cherchent à localiser, dans le texte, un indice (une majuscule…) ou un segment textuel (un complément de temps, de lieu…) qui renvoie à ce mot-clé ou qui est en rapport avec lui. Ils recopient l'information trouvée (la plupart du temps celle qui est placée à droite du mot-clé). [...] La résolution d'un questionnaire génère des difficultés qui ne se réduisent pas à la seule compréhension du texte."

Cèbe, S. Goigoux, R. Thomazet, S. (2004). Enseigner la compréhension. Principes didactiques, exemples de tâches et d'activités. Lire, écrire, un plaisir retrouvé, MEN-DESCO, CD-Rom.

Les limites des questionnaires 3/3

"Comprendre un texte implique de s'affranchir de la forme littérale, d'intégrer l'information sémantique selon un processus cyclique au fur et à mesure de l'avancée dans le texte. [...] Les mauvais "compreneurs" ont tendance à penser qu'il suffit de décoder tous les mots d'un texte pour le comprendre et ils utilisent en conséquence des procédures inadéquates : stratégies de lecture mot à mot ; traitent toutes les phrases comme des segments isolés (compréhension en "îlots") ; [...] ne traitent que les informations qui sont cohérentes avec leur représentation initiale et ne détectent pas les incohérences entre les informations délivrées par le texte et leur représentation initiale."

Paour, J.-L. Cèbe, S. (2011). Améliorer la compréhension de l'écrit : apports d'une conception constructivisite de l'apprentissage et du développement. Travaux & documents, 2011, 38, pp. 121-134.

Paroles d'élèves 1/2

ENSEIGNANT. Un peu et à quoi ça sert de poser des questions comme ça sur un texte ?

FRANCK (CM1). Ben pour savoir mieux le le texte pour savoir si tu le sais

E. Si tu le sais c'est-à-dire ?

F. Oui par exemple si tu l'as lu

E. Ah oui pourquoi des fois tu ne lis pas le texte ?

F. Oui il y en a des fois ils ne lisent pas le texte

E. Mmh toi tu lis toujours le texte ?

F. Oui mais pas tout le temps

E. Pas tout le temps qu'est-ce que tu fais alors quand tu ne lis pas le texte ?

F. Et ben je réponds tout de suite aux questions je regarde les questions d'abord (rire)

Guernier M.-C. (1999) Lire et répondre à des questions au cycle 3. In : Repères, n°19. pp. 167-181.

Paroles d'élèves 2/2

93. ENSEIGNANT. Alors c'est quoi ça lecture silencieuse

94. NICOLAS (CM1). Lecture silencieuse c'est c'est tu prends une fiche dans un petit bac et tu prends une autre fiche pour que tu écris il y a des questions et tu cherches sur la fiche la réponse et tu écris les réponses

95.E. Et elles sont où les réponses

96. N. Euh ben à côté il y a deux il y a deux petits bacs et à côté il y a les réponses et l'autre côté il y a les fiches et on et on doit v faire les questions

97. E. D'accord il faut que tu prennes deux fiches alors

98. N. Non d'abord on prend celle qui a les questions et après on prend euh la fiche corrective

99. E. Ben alors comment tu fais pour répondre aux questions

100. N. Ben il y a des questions c'est écrit euh c'est écrit euh .... et autre chose et tu dois aller chercher euh sur la feuille tu dois chercher sur la feuille la réponse

Guernier M.-C. (1999) Lire et répondre à des questions au cycle 3. In : Repères, n°19. pp. 167-181.

En forme de conclusion

— Alors, qu'est-ce qui lui est arrivé au prince, hein ? J'attends !

Ces parents qui jamais, jamais, quand ils lui lisaient un livre ne se souciaient de savoir s'il avait bien compris que la Belle dormait au bois parce qu'elle s'était piquée à la quenouille, et Blanche-Neige parce qu'elle avait croqué la pomme. (Les premières fois, d'ailleurs, il n'avait pas compris, pas vraiment. Il y avait tant de merveilles, dans ces histoires, tant de jolis mots, et tellement d'émotion ! [...])

— Je répète ma question : qu'est-ce qui est arrivé à ce prince quand son père l'a chassé du château ?

Nous insistons, nous insistons. Bon Dieu, il n'est pas pensable que ce gosse n'ait pas compris le contenu de ces quinze lignes ! Ce n'est tout même pas la mer à boire, quinze lignes !

Nous étions son conteur, nous sommes devenu son comptable.

Pennac, D. (1995). Comme un roman. Gallimard.

Prochain rendez-vous

Lundi 4 novembre 9h-12h : Les prix et les évènements littéraires ; l'oeuvre intégrale