L’enseignement du français en classe de seconde obéit à des finalités qui tiennent à la nature de ses objets principaux et à leur liaison consubstantielle : la langue et la littérature. Il est de ce fait en relation étroite avec les autres enseignements linguistiques, artistiques et culturels. [...] Il se donne également pour objectif de construire une culture littéraire structurée et d’en favoriser l’appropriation par les élèves. En ce sens, l’enseignement du français suppose que soit favorisée une pratique intensive de toutes les formes, scolaires et personnelles, de la lecture littéraire. Il permet la structuration de cette culture en apportant aux élèves une connaissance des formes et des genres littéraires, replacés dans leur contexte historique, culturel et artistique.
Ministère de l’Éducation Nationale. (2019). Programme de l’enseignement de français de la classe de seconde générale et technologique et de la classe de première des voies générale et technologique. Bulletin officiel spécial n°1 du 22 janvier 2019. https://www.education.gouv.fr/bo/19/Special1/MENE1901575A.htm
- Quel rapport au texte littéraire peuvent bien avoir construit les élèves de troisième à l'issue de quatre ans d'enseignement de la lecture littéraire ?
- Comment décrire les façons de lire et d'interpréter des élèves de troisième ?
- Les activités de lecture littéraire proposées au collège ont-elles permis aux élèves d'entrer dans les modes de penser spécifiques de l'écriture et la lecture littéraires où les dimensions symbolique et référentielle, éthique et esthétique se conjuguent sans pouvoir se distinguer ?
Bucheton, D. (1999). Les postures du lecteur. Dans P. Demougin et J.-F. Massol (dir.), Lecture privée et lecture scolaire. La question de la littérature à l’école. CRDP de Grenoble.
Des élèves de seconde ont travaillé en 2022 sur un extrait de Zadig, le récit du pêcheur, chapitre XVII.
1. Quelles notes mettriez-vous à ces copies, et pourquoi ?
2. Quels conseils donneriez-vous à ces élèves ?
1. Lisez les pages 7 à 9 de l'article : Goff, F. L. (2022b). Les postures de lecture, vingt ans après. Repères, 66, 45‑64. https://doi.org/10.4000/reperes.5387
2. Étudiez maintenant ces productions des élèves sous l'angle de la notion de "postures de lecture".
3. Quelles remarques en tirez-vous ?
Dans l’enseignement secondaire en France, il est fréquent de ne guère tenir compte des réactions axiologiques des jeunes lecteurs, voire pas du tout. La valeur des œuvres littéraires est désignée le plus souvent comme une valeur esthétique, et leur portée morale traitée comme une thèse que des êtres de papier illustrent en prenant le lecteur dans les rets d’une argumentation souterraine, vision que dénonce Todorov (2007), après y avoir largement contribué. La question éthique est donc très partiellement portée dans les pratiques de classe. Elle relève de ce que Renard (2012) appelle les « réactions lectorales bienvenues » à des moments particuliers des cours, parce qu’elles « donnent un certain dynamisme au déroulement de l’étude des textes » (p. 175-183), mais elles sont invalidées au moment de l’évaluation. [...] Les enseignants hésitent à intégrer à leurs analyses littéraires les jugements éthiques des élèves parce que ces jugements se réalisent à la faveur d’une identification à certains personnages ou relèvent d’une réaction empathique. La posture « participative » dont ils émanent contrevient à l’idée que certains professeurs de lettres se font de ce que doit être une lecture légitime, savante et distanciée.
Waszak, C. (2018). "« Moi je trouve qu’elle a que ce qu’elle mérite » Que faire des jugements éthiques des lycéens sur leurs lectures ?" Repères, 58, 155‑169. https://doi.org/10.4000/reperes.1780
Ces observations [...] montrent globalement l'échec de l'école pour préparer à égalité tous les élèves aux exercices scolaires de lecture du lycée et aux modes de lire qui leur sont afférents. Tout semble se passer comme si, pour l'essentiel, les postures de lecture lettrée requises au lycée se construisaient largement en dehors du collège. Ou, dit autrement, comme si elles trouvaient un écho seulement chez ceux qui y sont socialement préparés.
On est donc assez loin d'une réelle démocratisation de l'enseignement. On peut alors se demander [...] si les pratiques d'enseignement de la littérature au collège, telles qu'on les rencontre massivement, ne renforcent pas les difficultés des élèves de milieu socialement défavorisé, rendant difficile et douloureuse, voire impossible, la rencontre entre leurs pratiques culturelles socialement construites et les pratiques scolaires attendues au lycée.
Bucheton, D. (1999). Les postures du lecteur. Dans P. Demougin et J.-F. Massol (dir.), Lecture privée et lecture scolaire. La question de la littérature à l’école. CRDP de Grenoble.
Dans le corpus contemporain, on voit nettement se dessiner un profil de négociation et d’entretien du lecteur, réputé faible lecteur, éloigné d’une lecture distanciée, outillée qui aborde le commentaire sur deux versants : le commentaire est d’abord une affaire de compréhension de la fable ; l’action de commenter est équivalente à une démarche de compréhension littérale et de fidélité au texte. Le malentendu qui demeure vivace à la fin du cycle 4 du collège met crument en lumière la question essentielle de la position du lecteur vis-à-vis du texte. Sans être assuré de sa prise d’autonomie et préférant la sécurité, le lecteur qui n’a pas construit les codes de la lecture littéraire entretient l’idée problématique que le texte source et le métatexte partagent un même espace. Dans cette confusion des espaces, le lecteur est absent, ou bien – et c’est le deuxième versant – sa parole demeure périphérique, visible sur le mode non étayé de l’opinion et du jugement. Il y a vingt ans, Dominique Bucheton concluait en estimant que l’étude montrait « globalement l’échec de l’école pour préparer à égalité tous les élèves aux exercices scolaires de lecture du lycée et aux modes de lecture afférents » (2000, p. 213). Le corpus de 2020 n’introduit pas la contradiction : au contraire, il semble bien durcir les positions.
Goff, F. L. (2022). Les postures de lecture, vingt ans après. Repères, 66, 45‑64. https://doi.org/10.4000/reperes.5387
Il parait dès lors pertinent, à la suite de Picard, de définir la lecture littéraire comme une pratique double, comme le va-et-vient que tout lecteur peut établir entre les lectures participative et distanciée, et qui (r)établit un équilibre entre les droits du texte et ceux du lecteur. Cette définition que j’ai contribué, avec d’autres, à formuler et à diffuser, conçoit la lecture littéraire comme la combinaison de deux modes de lecture complémentaires : la lecture distanciée, analytique, interprétative, « savante », et la lecture participative, psychoaffective, référentielle, « ordinaire ». Il s’agit donc d’un modèle stratégique de la lecture, construit à des fins didactiques, qui vise à réconcilier et équilibrer les dimensions rationnelle et passionnelle et à prendre en compte par là la richesse effective du rapport à la littérature.
Dufays, J.-L. (2016). Comment et pourquoi développer la compétence de lecture littéraire ? Conférence de consensus. Cnesco.
Pour justifier leur interprétation ou leurs « impressions de lecture », les élèves sont invités à convoquer des connaissances sur le genre, sur le mouvement littéraire dans lesquels l’œuvre s’inscrit, ou sur des procédés d’écriture. Nous avons appelé cette modalité de distanciation pratiquée dans les classes « distanciation sur l’axe des textes » (Waszak, 2017), parce qu’elle met en perspective l’œuvre lue en la situant dans une famille de textes, dans une époque, dans un mode de production. [...] Pour aider les élèves à construire le sens de l’œuvre et à l’interpréter, nous avons fait le pari de ne pas convoquer en priorité les outils littéraires et techniques. Nous nous appuyons de préférence sur la confrontation des lectures entre elles, dans la communauté interprétative qu’est la classe, et nous l’alimentons par une réflexion sur des réceptions d’autres communautés, telles que les a décrites Jauss (1972/1978), ou par une réflexion actualisante sur l’œuvre (Citton, 2010). Nous avons appelé ce recours interprétatif « distanciation sur l’axe des lectures », par opposition à la « distanciation sur l’axe des textes ».
Waszak, C. (2018). "« Moi je trouve qu’elle a que ce qu’elle mérite » Que faire des jugements éthiques des lycéens sur leurs lectures ?" Repères, 58, 155‑169. https://doi.org/10.4000/reperes.1780
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