Nos manières d’organiser les activités d’écriture en classe, de proposer des tâches d’entrainement et d’évaluation, de lire et d’évaluer les copies, d’organiser corrections et remédiations, révèlent un ensemble de choix théoriques, de démarches et de valeurs, le plus souvent tacites, qu’on peut appeler un modèle didactique. Celui-ci est construit par le jeu de plusieurs acteurs : l’institution d’abord, par ses instructions et textes officiels ; la recherche pédagogique, elle même contrastée, fournissant des modèles et des critiques ; les enseignants enfin, par leurs pratiques réelles dans les classes.
Bucheton, D., Chabanne, J.-C. (2002). Écrire en Zep : Un autre regard sur les écrits des élèves. Delagrave, CRDP.
Soit les extraits de manuels suivants :
a. Thoraval, J. (dir.) (1978) Les Jokers Bordas. Expression et rédaction. 6e 5e.. pp. 78-80.
b. Cadet, C. (dir.) (1997). Français 5e Textes et Méthodes. Nathan. pp. 4, 6, 122-123.
c. Gauvin, G. (dir.) (2023). Mission Plume 5e. Hachette. pp. 160-161.
Faites toutes les remarques qui vous paraissent utiles sur l'enseignement de l'écriture tel qu'il est présent dans ces extraits de manuels.
Parmi les nombreuses critiques portées à rencontre de la rédaction, nous en rappellerons sept qui nous semblent particulièrement importantes : la situation de communication est artificielle (absence de socialisation ; [...] calculs de communication complexes...) ; le statut du texte reste très ambigu voire contradictoire (trop réduit ; purement scolaire mais devant se garder d'un excès de "scolarisme" ; sans travail sur sa fonctionnalité...) ; [...] le réfèrent quasi-exclusif de la rédaction est le récit littéraire (voir la place des textes à imiter ou dont il faut "s'inspirer") : l'accent est mis conséquemment sur la "légitimité" (non expliquée) du dit et du dire ; les stratégies d'apprentissage se réduisent bien souvent à l'imitation et à la répétition (une rédaction tous les quinze jours) ; de même les stratégies d'amélioration se limitent fréquemment à des renvois psychologisants (" Faîtes attention... ", " Réfléchissez... ") ou au retour du même (on va retravailler tel sous-système puisqu'il ne semble pas avoir été intégré).
Reuter, Y. (1989). L’enseignement de l’écriture. Histoire et problématique. Pratiques, 61(1), 68‑90. https://doi.org/10.3406/prati.1989.1503
Très techniciste, très outillé, ce modèle travaillait en cohérence lecture, écriture et travail sur la langue. Les pratiques qui s'en sont inspirées ont beaucoup fait progresser les enseignants dans leur compréhension de ce qu'était la variété des types de textes, en leur permettant de mieux repérer certaines lacunes et difficultés des élèves ou des textes. [...] L'élève écrit, révise son propre texte à l'aide de la grille de critères ; l'enseignant à son tour évalue toutes les copies et peut ainsi proposer aux lèves des enseignements ponctuels et ciblés de langue, avant de demander une réécriture du texte pour "l'améliorer". Celle-ci pourra être recorrigée et notée (principe de la deuxième chance). Ceci évidemment demande à l'enseignant beaucoup de temps et de travail d'évaluation.
Bucheton D. (2014). Refonder l'enseignement de l'écriture. Retz.
Raconter une histoire (qu’elle soit conte ou nouvelle, ou épopée…) ce n'est pas seulement obéir aux formes canoniques des genres (dont d’ailleurs on ne saisit au mieux que les stéréotypes), c'est donner du sens au monde, en organiser les significations par le biais de la métaphore narrative. Mettre en ordre un monde intérieur, ou bien justement se l’approprier, tisser des liens entre ce que je suis et ce que je sais, élaborer l’émotion, mettre au jour ce qui me tient à cœur. Ainsi, on passe parfois des heures et des heures depuis les petites classes à mettre en tableau et en fiches situation initiale, objet magique, adjuvants, opposants et autres complications11, et on garde peu de temps pour mettre au travail par l’écriture ce qui est au centre même des récits et qui en constitue le fondement anthropologique : les grandes angoisses, les désirs, révoltes, quêtes ambigües, contradictoires, toujours entravées, du bonheur et du pouvoir, de la fraternité et de l'obéissance filiale, de l'aventure et du besoin de sécurité, thèmes où toujours s'enchevêtrent ceux, puissants, de la vie et de la mort.
Bucheton, D., Chabanne, J.-C. (2002). Écrire en Zep : Un autre regard sur les écrits des élèves. Delagrave, CRDP.
Selon vous, quelles évolutions vont apparaître dans les conceptions et les pratiques de l'écriture ?
(s.d.) Intelligence artificielle : une (r)évolution ? - Bénédicte (Suisse / Switzerland). Trouvé sur : https://www.cartooningforpeace.org
Génération de lignes de code, de textes, de synthèses, d’images, de vidéos, production de contenus divers, traductions, manipulation de bases de données, etc., les IA génératives nous fascinent tous pour une raison principale : leur extrême rapidité. De fait, notre rapport aux IA génératives est en partie conditionné par notre rapport au temps. Le déploiement des IA génératives et leur adoption pour une diversité de pratiques se font dans une époque dont les structures sont placées sous le signe de l’accélération. Ce trait fondamental de notre temps a notamment été analysé par le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa. Dans Accélération. Une critique sociale du temps [2], il expose le « gigantesque paradoxe du monde moderne » : « nous n’avons pas le temps, alors même que nous en gagnons toujours plus ». Autrement dit, le temps que l’on gagne techniquement ne se traduit jamais en temps gagné personnellement. [...] Ce constat pose une question fondamentale aux systèmes éducatifs : qu’est-ce qui doit prendre du temps ? Dans l’apprentissage, parmi les compétences et les connaissances que les élèves doivent maîtriser et parmi les tâches complexes qu’ils doivent savoir réaliser, à quoi considérons-nous comme fondamental que du temps soit consacré ?
Cagé, A. (2024) . Allier exigence et audace pour faire des intelligences artificielles génératives des outils au service des enseignants et des apprentissages des élèves. Administration & Éducation, N° 183(3), 55-62. https://doi.org/10.3917/admed.183.0055
Marie-Lou, vous êtes, je le rappelle, en terminale. Que pensez-vous de l’IA ?
C’est une très bonne chose et je l’utilise au quotidien avec Siri ou ChatGPT, je ne sais pas si je dois dire cela ici mais pour moi c’est plus simple d’apprendre avec l’IA qu’avec des professeurs, il n’y a pas de jugement ni de remarque désagréable mais une réponse factuelle et adaptée. [...] De nombreux programmes sont disponibles en mathématiques, en anglais et en SVT, ces programmes s’adaptent à mon niveau et me permettent de progresser à mon rythme ; je comprends qu’il est impossible de le faire pour un professeur dans une classe avec 35 élèves, mais j’apprécie aussi le fait d’avoir des réponses factuelles sans jugement, sans parfois ces petites remarques que nous interprétons mal.
Biset, É., Boudeau, D., Sfihi, M. et Sultan, I. (2024) . De l’usage de l’intelligence artificielle chez les jeunes aujourd’hui, et des conséquences de cet usage sur l’évolution des métiers de l’éducation. Administration & Éducation, N° 183(3), 13-18. https://doi.org/10.3917/admed.183.0013.