INSPE ANGERS - AAEE

Analyse de l'activité

La différenciation pédagogique

Une demande institutionnelle

Le programme fixe les attendus de fin de cycle et précise les compétences et connaissances travaillées. L'enseignement doit être structuré, progressif et explicite. Les modalités d'apprentissages doivent être différenciées selon le rythme d'acquisition des élèves afin de favoriser leur réussite.

BOEN n°25 du 22 juin 2023

Une pratique rare et floue

Un rapport de l'inspection belge (2009) ainsi qu'un rapport du Haut conseil de l'école français (2007), pour ne prendre que ces deux exemples, signalent qu'il y a peu de pratiques de pédagogie différenciée dans les classes des deux pays. Remarquons que dans ces deux rapports, la notion de pédagogie différenciée n'est jamais clarifiée ou, au moins, interrogée. On ne sait pas de quelles pratiques parlent les observateurs : pratiques d'individualisation, pratique de groupes de niveau, pratiques de groupes de besoin, plan de travail, etc. ? Une différenciation pédagogique réduite à du travail individuel sur fiches pendant une heure hebdomadaire n'est pas comparable à une différenciation pédagogique formalisée par un plan de travail hebdomadaire attribué à chaque élève à partir de l'évaluation de ses besoins (cf. Gillig, 1999, p. 21-23). Et pourtant, dans les deux cas, les enseignants déclarent « faire de la pédagogie différenciée ».

Kahn, S. (2010). Pédagogie différenciée. De Boeck.

Une proposition de définition

La différenciation est la prise en compte par les acteurs du système éducatif des caractéristiques individuelles (besoins, intérêts et motivations ; acquis, non acquis et difficultés ; modes d'apprentissage (style, rythme, pouvoir de concentration, engagement…) ; potentialités à exploiter… de chaque élève en vue de permettre à chacun d'eux de maîtriser les objectifs fondamentaux prescrits et de développer au mieux leurs potentialités, et de permettre au système éducatif d'être à la fois plus pertinent, efficace et équitable

Cnesco (2017). Différenciation pédagogique : comment adapter l'enseignement à la réussite de tous les élèves ? Dossier de synthèse. http://www.cnesco.fr/fr/differenciation-pedagogique/

Visuel ou auditif ? 🦄

C’est un des mythes les plus tenaces de la psychologie ! [...] C’est ainsi qu’ont rencontré de gros succès éditoriaux des ouvrages qui prétendent caractériser des individus dont la mémoire serait de manière privilégiée « visuelle » et des individus dont la mémoire serait de manière privilégiée « auditive » (de la Garanderie, 1980). C’est ainsi que cette fable a rencontré un gros succès dans de nombreuses sessions de formation destinées à des élèves ou à des adultes, et qu’ont été diffusés de prétendus tests supposés permettre à tout un chacun de se déterminer sur cette dichotomie. Toutes ces approches doivent être simplement qualifiées de folkloriques. [...] Les résultats de la recherche scientifique sont sans équivoque : rien ne démontre la réalité d’une telle dichotomie !

Gaonac’h, D. (2022). 7. Visuel ou auditif ? Chacun a sa forme de mémoire préférée. Les élèves et la mémoire (p. 109-124). Retz. https://shs.cairn.info/les-eleves-et-la-memoire--9782725642109-page-109?lang=fr.

Les paramètres de différenciation

Les différents paramètres sur lesquels peuvent s'exercer la différenciation [...] sont au nombre de quatre [...]. Le premier d'entre eux est le contenu. Il s'agit de proposer des contenus différents selon les goûts et/ou les compétences des élèves. [...] Le deuxième paramètre est le processus. Ce paramètre est souvent défini comme le fait de varier les activités proposées pour atteindre l'apprentissage visé. [...] Le troisième paramètre, les productions, attire l'attention sur la possibilité de proposer aux élèves de rendre leur travail sous des formes variées, dans une modalité qui leur conviendrait. [...] Enfin, le quatrième paramètre vise la différenciation des structures. Il s'agit ici de penser des variations dans l'élaboration des formes sociales d'organisation du travail : en individuel, en dyades, en sous-groupes (homogènes, hétérogènes). Nous incluons aussi l'animation des séances (avec une enseignant·e d'appui, en coenseignement, etc.).

Dechamboux, L. Mottier Lopez, L. (2019). "Modéliser la différenciation des situations d'apprentissage dans le cadre de la microculture de classe". Recherches, n°71.

L'expert et le novice

Avec les élèves les plus en difficultés pour l'apprentissage visé Avec les élèves les plus avancés pour le même apprentissage visé

Donner à l'élève le problème résolu et lui demander d'étudier la solution. Alterner les problèmes résolus et les problèmes à résoudre.

Donner le (même) problème à résoudre

Faire disparaître le guidage progressivement

D'emblée, ne pas guider, laisser l'élève explorer librement

Proposer du travail en groupe (selon un scénario précis) quand l'apprentissage visé est éloigné des élèves ; sinon, le travail peut être réalisé seul

Si l'accès aux connaissances d'autrui est nécessaire, alors le travail en groupe est utile. Sinon, le travail individuel peut être mise en oeuvre

Mettre en exergue ce qui est important

Expliciter les liens entre les parties d’un tout

Ne pas tout expliquer : engager les élèves dans des activités de production d’inférences, d’hypothèses, de conjectures

Tricot, A. (2017). Quels apports de la théorie de la charge cognitive à la différenciation pédagogique ? Quelques pistes concrètes pour adapter des situations d'apprentissage. Différenciation pédagogique. Conférence de consensus du CNESCO.

Une mise en garde

(2019). Postures et gestes professionnels du conseil en entretien de formation (à partir de 1h 05min 10s).

Les effets pervers

Il s'agirait de proposer aux élèves des démarches variées, des outils et des degrés de guidage différents pour leur faire acquérir un même savoir : guidage serré pour les élèves en difficulté ou guidage lâche pour les élèves en réussite. Il serait également possible de varier le temps alloué à la réalisation de la tâche. De même, des élèves plus rapides que les autres pourraient, en répondant à des questions supplémentaires plus ambitieuses, réfléchir à leur pratique, pendant que leurs camarades termineraient leurs exercices. Des sociologues de l'éducation ont constaté que ce type de différenciation pédagogique accroit également les différences entre les élèves : certains restent confinés à des tâches d'exécution induites par des questions fermées tandis que d'autres sont encouragés à développer une posture réflexive et une relative autonomie (Baluteau, 2014). D'autres études ont montré que la différenciation des tâches, des supports et des modes de travail risque de renforcer les différences entre les élèves quand ils ne s'engagent pas de la même manière dans un problème (Rochex & Crinon, 2011).

Cariou, D., Goletto, L. & Henry, A. (2020). 2. Il faut différencier !. Dans : Collectif Didactique pour Enseigner éd., Enseigner, ça s'apprend (pp. 33-47). Retz.

Différenciation et coopération

Une entrée collective devrait être privilégiée, à priori. Cette stratégie est prometteuse de plusieurs points de vue. Tout d'abord, elle permet d'éliminer un bon nombre de difficultés avant qu'elles ne se manifestent en évitant les malentendus par un choix de tâche anticipé, des consignes explicites, des débats sur le sens des apprentissages à réaliser. Ensuite, à l'échelle du groupe classe, elle réduit le nombre d'élèves devant bénéficier d'une intervention plus individuelle. Elle assure ainsi un travail plus autonome pour la plupart des élèves permettant donc à l'enseignante de concentrer ses interventions sur un nombre plus restreint d'élèves que lorsqu'il ou elle rentre directement avec une intention d'individualiser les aides. Il est alors possible d'envisager un travail plus approfondi du fait de ce temps libéré par la précédente action collective. Cette stratégie parait finalement plus économique pour l'enseignant·e qui s'épuise moins à tenter d'éteindre mille incendies à la fois.

Dechamboux, L. Mottier Lopez, L. (2019). "Modéliser la différenciation des situations d'apprentissage dans le cadre de la microculture de classe". Recherches, n°71.

Faire des différences une richesse

La différenciation « se situe d’emblée dans une ambigüité. Car se préoccuper des différences entre élèves peut s’entendre en deux sens opposés : on peut vouloir les sauvegarder ou on peut vouloir les réduire » (Kahn, 2010, p. 7). [...] Les projets éducatifs de la différenciation pédagogique et des démarches de personnalisation sont clairs : au sein d’une classe, faire des différences une richesse, pour objectiver la coopération entre élèves, donner à tous alternativement la chance de ne pas se sentir seuls face à la difficulté et, à d’autres moments, être considérés comme une personne-ressource capable d’apporter son aide.

Connac, S. (2019). "Différencier, diversifier, individualiser ou personnaliser ?". Recherches, n°71.

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