la charte de la laïcité, dont l’affichage dans les
établissements scolaires est rendu obligatoire par
l’arrêté du 6 septembre 201369, couvre un champ plus
vaste que la seule question religieuse : elle reprend
l’article premier de notre Constitution (« La France est
une République indivisible, laïque, démocratique et
sociale »), articule la « liberté de chacun avec
l’égalité et la fraternité de tous », et rappelle le rôle
fondamental de la séparation des religions et de l’État
pour garantir la liberté d’expression et « l’accès à une
culture commune et partagée ». Texte dense, mais dont on
peut attendre des futurs enseignants qu’ils se
l’approprient avant de le retrouver jusque sur le mur de
leur classe, de sorte qu’ils sachent expliciter pourquoi
la liberté d’expression s’exerce « dans la limite du bon
fonctionnement de l'École comme du respect des valeurs
républicaines et du pluralisme des convictions » (article
8). Nous nous devons ici de mettre en garde les candidats
contre les éventuelles dérives que pourrait entraîner la
pratique en vogue - et en soi louable - des débats en
classe : on ne saurait en classe débattre de tout et
accepter comme telles toutes les opinions au nom d’une
liberté d’expression qui ne connaîtra aucune limite.
Sans doute pourra-t-il tirer profit des termes employés
par Jean Jaurès dans son discours prononcé à Castres le
30 juillet 1904, où il proclame le fait que « démocratie
et laïcité sont deux termes identiques ». Rappeler avec
Jaurès que la laïcité a pour finalité première d’empêcher
que « l’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou
telle croyance, à telle ou telle religion, [soit] pour
lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce »,
c’est faire comprendre à chaque élève que la laïcité lui
apporte la garantie d’être un citoyen à part entière,
sans distinction de croyance. Dans sa formulation simple,
accessible à tous, cette définition permet de renforcer
en chaque élève la conviction que la laïcité est « une
valeur positive d'émancipation et non pas […] une
contrainte qui viendrait limiter les libertés
individuelles. Elle n'est jamais dirigée contre des
individus ou des religions, mais elle garantit l'égal
traitement de tous les élèves et l'égale dignité de tous
les citoyens ».
Nous nous devons de rappeler qu[e la seconde épreuve]
vise à évaluer le degré de préparation des candidats à
devenir prochainement non seulement des professeurs, mais
aussi des professeurs de lettres. Il importe donc de ne
pas se limiter à la fonction d’enseignant dans ses
compétences transversales, si précieuses soient-elles, et
de s’interroger sur les dimensions spécifiques
qu’implique l’enseignement de notre discipline. Puisqu’il
s’agit d’évaluer la capacité des candidats à faire
connaître et à faire partager les valeurs de la
République, il n’est sans doute pas inutile de rappeler
ici le rôle qu’ont pris nombre de nos grands écrivains
dans la défense de ces valeurs. Citer la part prise par
un Voltaire, un Hugo ou un Camus dans l’affirmation de la
liberté de penser et dans les fondements humanistes de
notre République n’est donc pas une hérésie, et le jury
s’étonne du faible nombre de candidats qui trouvent dans
la littérature un appui à leur pensée. Sans même pousser
jusqu’à ce point d’exigence, le jury s’étonne du nombre
de candidats qui sont désarçonnés par des questions,
mêmes très générales, sur la manière dont ils
envisageraient la transmission des programmes de français
et la formation des jeunes lecteurs. Est-il besoin de
souligner qu’un professeur de français se doit avant tout
de manifester son intérêt personnel pour cette lecture
dont il devra transmettre le goût ?
La seconde partie de l’épreuve se décompose en deux
séquences de dix minutes chacune, au cours desquelles le
candidat procède à l’examen successif de deux situations
professionnelles, la première se rapportant à
l’enseignement, la deuxième à la vie scolaire. Le
candidat reçoit un bordereau sur lequel la situation est
présentée de manière très synthétique ; muni d’un
brouillon, il peut s’il le souhaite poser sur le papier
quelques mots repères ou des notions qu’il entend
convoquer lors de son analyse ; ce temps de prise de
connaissance doit toutefois rester bref et ne saurait
dépasser une minute, le principe étant de construire une
réflexion au fil des échanges avec le jury, en
manifestant aussi bien sa capacité à rebondir sur les
questions – voire les objections – de ses interlocuteurs
que sa connaissance précise du système éducatif.
La prise de parole initiale du candidat doit, elle aussi,
s’inscrire dans une durée raisonnable. Rappelons que les
premières pistes de réponses du candidat n’ont pas
vocation à être exhaustives : la suite du temps imparti
est prévue pour les compléter, voire les corriger. Nous
insistons de nouveau sur cette dimension d’échange.
Certains candidats monopolisent la parole plus de cinq
minutes, en se répétant ou en s’éloignant du sujet, ne
laissant que peu de temps au dialogue avec le jury. Qu’il
s’agisse (au mieux) d’une maladresse ou (au pire) d’une
stratégie d’évitement des questions, il faut absolument
éviter cet effet « tirade » et se montrer prêt à entrer
dans le dialogue.
Sera appréciée du jury une aptitude à traiter les
situations professionnelles sur plusieurs niveaux
successifs : le temps de la réaction immédiate, celui des
mesures effectives à mettre en place (éventuellement
collectivement), celui enfin des actions éducatives à
imaginer a posteriori voire de manière préventive pour
éviter que telle situation dommageable ne se produise.
Plus que la connaissance précise des actes concrets à
accomplir, le jury est en droit d’attendre un rappel des
éléments qui formeront le cadre de toute action de lutte
efficace : rappeler notamment que la loi du 2 mars 2022
institue un nouveau délit de harcèlement scolaire et que
les établissements sont tenus de « prendre les mesures
appropriées visant à lutter contre le harcèlement dans le
cadre scolaire et universitaire » 71 . Une première
erreur dans le traitement de cette question serait de
questionner la situation de harcèlement en s’interrogeant
sur la nature des relations entre l’élève qui révèle le
problème et la victime, ou entre la victime et les
harceleurs, ou sur toute autre circonstance qui
détournerait la question de son enjeu. Une autre erreur
consisterait à transmettre le traitement du problème aux
autorités considérées comme compétentes (la vie scolaire)
et ne pas envisager d’autre démarche de la part de
l’enseignant. Reste que nous ne saurions trop encourager
les candidats à inscrire leurs propositions d’action dans
le cadre d’une équipe éducative.
Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse.
(2023). Rapport du Jury. CAPES externe, CAFEP-CAPES et
3ème CAPES. Lettres. Session 2023.
L’épreuve d’entretien avec le jury porte sur la
motivation du candidat et son aptitude à se projeter dans
le métier de professeur au sein du service public de
l’éducation.
L’entretien comporte une première partie d’une durée de
quinze minutes débutant par une présentation, d’une durée
de cinq minutes maximum, par le candidat des éléments de
son parcours et des expériences qui l’ont conduit à se
présenter au concours en valorisant notamment ses travaux
de recherche, les enseignements suivis, les stages,
l’engagement associatif ou les périodes de formation à
l’étranger. Cette présentation donne lieu à un échange
avec le jury.
La deuxième partie de l’épreuve, d’une durée de vingt
minutes, doit permettre au jury, au travers de deux mises
en situation professionnelle, l’une d’enseignement, la
seconde en lien avec la vie scolaire, d’apprécier
l’aptitude du candidat à : - s’approprier les valeurs de
la République, dont la laïcité, et les exigences du
service public (droits et obligations du fonctionnaire
dont la neutralité, lutte contre les discriminations et
stéréotypes, promotion de l’égalité, notamment entre les
filles et les garçons, etc.), - faire connaître et faire
partager ces valeurs et exigences.
À leur entrée dans la salle, les candidats prennent place
et les modalités de l’épreuve sont brièvement rappelées,
de manière à leur laisser le temps non seulement de
s’installer mais aussi d’entrer dans la dynamique de
l’épreuve. Ce point est important également puisqu’il
s’agit d’entrer dans une posture appropriée, notamment
d’écoute et de sérieux.
Les candidats sont invités à prendre la parole pour une
première partie, n’excédant pas 5 minutes, sans notes. Le
jury dispose de la fiche de renseignements remplie au
préalable par les candidats et les écoute sans intervenir
ni les interrompre. Il s’agit d’un temps d’oral autonome
impliquant la gestion du temps, l’organisation du
discours, la prise en compte de l’auditeur. L’enjeu est
de présenter, de manière libre, c’est-à-dire sans modèle
rhétorique préétabli, le parcours, l’expérience, les
motivations, en somme ce qui constitue l’acte de
candidature au CAPES de Lettres. Il est attendu de futurs
professeurs de français une capacité à prendre la parole
de manière cohérente et compréhensible, sans réciter un
exposé mémorisé in extenso ni improviser entièrement un
propos qui ne saurait être alors que décousu.
À la suite de ce premier temps, l’épreuve prend la forme
d’un échange avec les membres du jury, de 10 minutes si
l’exposé a duré 5 minutes, de 11 minutes s’il a duré 4
minutes, etc. On passe dès lors à un oral fondé sur des
interactions : le jury s’appuie sur les propos des
candidats pour relancer le dialogue, aborder un nouveau
sujet ou en approfondir un autre ; il est attendu des
candidats qu’ils sachent également prendre en compte les
propos précédents pour prolonger, approfondir, relancer
l’échange. Si le dialogue se veut effectif, il ne se
limitera pas à un jeu de questions et réponses se
succédant artificiellement : on s’écoute, on est attentif
au souhait de l’autre de prendre la parole, on lui en
laisse la possibilité, on s’appuie sur ce qui est dit
pour aller plus loin. La finalité est de compléter la
vision globale apportée lors de l’exposé, d’approfondir
certains aspects, de mesurer la manière dont les
candidats se projettent dans leur environnement de
travail, dans leurs missions, dans leur discipline. Il
est donc naturel, par exemple, qu’un candidat qui
n’aurait pas évoqué l’enseignement du français puisse
être interrogé sur sa représentation des programmes en
vigueur, qu’il lui soit demandé de revenir sur une
expérience présentée comme signifiante lors de l’exposé
mais non décrite, etc.
Suivent deux temps de 10 minutes, qui s’appuient chacun
sur une question donnant lieu à l’analyse d’une situation
professionnelle. Le jury propose une première question,
qui entretient des liens avec la discipline et/ou le
contexte de la classe. Cette modalité renforce le
caractère dialogique de cette épreuve : n’est pas attendu
des candidats qu’ils dissertent sur la situation en jeu,
mais bien qu’ils engagent un dialogue que les membres du
jury sauront étoffer. Les candidats engagent ce dialogue
en analysant la situation contenue dans la question, en
précisant des pistes d’actions envisageables et en
pointant les principes en jeu. Les membres du jury
complètent l’échange principalement pour permettre aux
candidats de faire aboutir une idée, de couvrir les
aspects raisonnablement attendus, d’aller le plus loin
possible dans le raisonnement engagé. Le temps imparti de
10 minutes une fois écoulé, le jury en fait mention aux
candidats et l’on passe à la seconde question, dont les
enjeux concernent non plus le professeur dans sa classe
de français mais dans le contexte plus global de la vie
scolaire. Les modalités sont les mêmes pour cette seconde
question, et les attentes également.
Exemples
1. Vous êtes professeur de français en collège et un
parent d’élève vient vous voir pour vous informer qu’il
refuse que son enfant participe à une sortie au théâtre,
la pièce jouée lui semblant inappropriée. Comment
analysez-vous cette situation et quelles pistes de
réponses envisagez-vous ? Quels principes sont en jeu
dans cette situation ?
2. Vous êtes professeur en collège/en lycée et, à
l’occasion d’une séance de recherches documentaires au
Centre de documentation et d’information, vous vous
apercevez que des élèves qui ne sont pas dans vos classes
consultent des vidéos complotistes sur les réseaux
sociaux. Comment analysez-vous cette situation et quelles
pistes de réponses envisagez-vous ? Quels principes sont
en jeu dans cette situation ?
Pistes
Certains candidats ont ainsi reçu une excellente note du
fait d’avoir manifesté à chaque étape de l’épreuve une
solidité indiscutable dans les concepts convoqués, une
aptitude au dialogue et une posture à la fois réflexive
et attentive aux questions ou suggestions du jury. Cela
ne signifie pas que tout était parfait, que tous les
aspects des situations professionnelles étaient traités
de manière indiscutable et exhaustive (cela est-il même
possible ?). Il est alors aisé de comprendre a contrario
qu’une très mauvaise note peut s’expliquer par un niveau
déplorable de langue française, un manque d’intérêt pour
la discipline (un professeur n’est pas seulement
animateur du groupe classe), un positionnement peu
compatible avec les fonctions à exercer (aucune souplesse
face aux situations proposées ; croire qu’on va tout
régler ; manifester de l’intolérance, une rigueur
excessive face à certains comportements ; mobiliser des
préjugés comme ressorts d’action, etc.). Il faut
d’ailleurs même pouvoir classer les très bonnes
prestations, et entre un 17/20 ou un 20/20, ce qui fait
assurément toujours la différence, c’est la qualité de la
langue, la posture réflexive et l’honnêteté
intellectuelle. Il a pu arriver ainsi qu’un candidat
reconnaissant, sans rompre le dialogue et la réflexion,
ne pas connaître telle ou telle disposition réglementaire
obtienne une meilleure note qu’un candidat visiblement
très informé mais moins souple dans l’échange
intellectuel. De la même manière, un parcours riche sur
le plan académique (diplômes, cursus universitaire, etc.)
ou sur le plan professionnel (expériences variées ou
longues dans l’enseignement) ne compensait pas toujours
une difficulté à se projeter dans les missions ou à
intellectualiser les situations, quand des parcours plus
modestes étaient mis en valeur par des exposés pensés,
organisés et suivis d’échanges habités par des candidats
soucieux de mettre en réflexion leur approche des
situations professionnelles.
Nous aimerions par ces mots convaincre les candidats
comme leurs formateurs que le jury, parce qu’il recrute
de futurs collègues, accorde la priorité à l’ethos qui
fera d’eux des intellectuels sensibles aux situations
dans lesquelles sont pris leurs élèves. Se présenter même
avec sincérité face au jury pour raconter son cursus et
déclarer son envie d’enseigner n’a donc pu suffire, même
avec une connaissance parfois visible de fiches de
préparation ou d’une fiche de poste.
Dans l’échange suivant l’exposé, comme dans le dialogue
autour des situations professionnelles proposées, ont pu
apparaître comme des points faibles manifestes le
sentiment qu’une expérience d’enseignement pouvait
suffire à répondre à tout ou que le jury pouvait attendre
une sorte de récitation des principes généraux que sont
la laïcité, la neutralité, l’égalité, etc. Les questions
posées par les membres du jury aux candidats comme les
situations professionnelles soumises à leur réflexion
visent, répétons-le, à mesurer la capacité des candidats
à se projeter dans leurs missions, à les mettre en
réflexion. C’est donc d’abord une approche analytique qui
est attendue. Certains candidats ont pu sembler surpris
qu’on leur demande quelles sont leurs lectures, quelles
sont les œuvres qu’ils ou elles voudraient enseigner en
classe. Certains se rabattent sur les œuvres étudiées au
baccalauréat de leur temps ou sur les œuvres au programme
de la dissertation, ce qui ne montre pas une grande
appétence pour la littérature, ni une véritable
projection professionnelle. D’autres candidats ont pu
avoir l’air de considérer qu’il ne faut avouer aucune
faiblesse quand on revient sur leurs stages, leurs
premières expériences, etc. Une capacité à se remettre en
question, à s’améliorer, à se former, est au contraire
valorisée. Cela nécessite d’avoir déjà engagé une
réflexion critique et de poser un regard construit sur
les expériences menées ou observées, ce qui est loin
d’être fréquemment le cas. Il n’est attendu ni une vision
idéalisée du métier ni une approche uniquement critique.
Parmi les documents et références que le jury pouvait
s’attendre à voir mobilisés, le référentiel des
compétences des enseignants a été relativement peu
évoqué. Il est pourtant un document clef, tant de la
formation des professeurs que de leur action tout au long
de leur carrière, et de leurs évaluations durant
celles-ci. S’y reporter et s’approprier ce document
présente sans nul doute l’intérêt de saisir pleinement
une large partie des attendus du jury pour cette épreuve,
à condition bien entendu de les convoquer quand cela est
nécessaire pour nourrir l’entretien, et non pour en faire
l’objet d’une récitation.
L'exposé
Ce premier temps de l’épreuve est certainement le plus
nouveau : par son format comme par le contenu mobilisé.
Rappelons que le parcours qu’il s’agit d’exposer ne donne
pas lieu à un barème dans lequel des points seraient
attribués à telle ou telle mention ; il est un support
discursif pour considérer l’aptitude à se projeter dans
les missions de professeur. Un lien évident avec la fiche
pré- remplie et mise à disposition du jury est à penser.
Les meilleurs candidats ont su se référer à cette fiche,
que le jury a sous les yeux, comme un professeur saurait
guider le regard de ses élèves dans un document
polycopié, pour rythmer leur propos par la chronologie
des expériences, ou pour éclairer le cursus présenté sans
répéter intégralement ce qui figure déjà sur ce document.
On perçoit aisément que ce sont ici des capacités à
démontrer, à organiser un propos mais aussi à capter
l’attention de l’auditeur qui sont en jeu.
Le travers à éviter absolument est celui du simple
déroulement chronologique, sans distance réflexive. Un
clivage très net se joue entre les candidats capables
d’abstraire et ceux qui ne dépassent pas le récit des
années écoulées, la simple mise en chronologie des
expériences scolaires ou professionnelles. Les premiers
se montrent capables de retirer de leurs années d’études,
par exemple, une réflexion sur les situations
d’apprentissage ou de réussite scolaire, avant d’aborder
leurs stages en collège, autre exemple, pour mettre au
jour les besoins constatés le plus fréquemment chez les
élèves qu’ils ont pu suivre. Les prestations les moins
convaincantes sont très largement marquées par
l’inscription du propos dans une simple logique narrative
L'entretien
Sans que cette partie réponde davantage que la première à
des attendus formels ou rhétoriques, nous ne pouvons ici
que rappeler ce qui est un conseil ordinaire dans les
rapports de jury : le passage à un dialogue ne doit pas
conduire les candidats à se démobiliser. Nombreux sont
ceux qui, ayant fait porter leur effort sur leur exposé,
ne répondent plus que de manière laconique et défensive
dans l’entretien. Une telle attitude peut vite
transformer ce temps en interrogation – ce qui n’est pas
l’esprit de l’épreuve.
Parce que l’exposé a livré une image du parcours et des
prédispositions à entrer dans les fonctions, ce temps
d’entretien a vocation à approfondir et à compléter les
éléments constitutifs de la candidature. Toutes les
questions posées relèvent de la même logique : il s’agit
pour le jury de comprendre et de mesurer le degré
d’appropriation des visées d’enseignement dans le système
éducatif français d’aujourd’hui, en général, et de la
discipline, en particulier.
Les questions de mise en situation professionnelle
La première des deux questions engage une prise en compte
du contexte spécifique de la classe. Il ne s’agit pas
toujours d’une situation en lien avec des éléments
disciplinaires, mais c’est en tant que professeur de
français que les candidats sont invités à réfléchir et
échanger. Aussi, bien que cette première question ne
mesure pas les connaissances didactiques au sens strict,
il n’est pas inutile d’avoir un tant soit peu réfléchi au
domaine disciplinaire de l’écriture ou à celui de la
lecture pour mettre en lumière la manière dont des
activités de lecture ou d’écriture peuvent participer de
pistes d’action pour telle ou telle situation.
Cette première question peut porter sur les types de
situations suivants, les questions pouvant se situer au
croisement de plusieurs types : - une contestation de
contenus d’enseignement, - une mise en cause du devoir de
réserve ou l’obligation de neutralité, - un refus
d’élève, une remise en question par les parents, - une
interpellation de la part d’un élève, la gestion d’une
demande d’intervention en classe d’une association ou
d’une personne extérieure à l’éducation nationale, - la
gestion d’Internet et des médias en lien avec les valeurs
de la République, - ou encore toute tension ou
discrimination au sein de la classe.
La seconde question est, elle, entièrement transversale,
c’est-à-dire qu’elle pourrait être suggérée dans
n’importe quel cadre disciplinaire ou éducatif. Cela ne
signifie pas qu’il soit interdit de convoquer les
ressources de sa discipline pour répondre. Cette question
peut porter sur les types de situations suivants : - la
relation des enseignants avec les parents d’élèves, - la
gestion et l’utilisation du C.D.I., - des problèmes de
discrimination ou de contravention au principe de laïcité
hors classe, - la gestion des rapports des élèves entre
eux hors de la classe.
Les prestations valorisées étaient les plus précises et
les plus structurées : analyse de la situation,
identification correcte des valeurs et des principes en
jeu, référence au cadre réglementaire ou juridique à
convoquer, puis proposition de pistes d’action, à court,
moyen ou long terme, prenant en compte les différents
acteurs de la vie de l’établissement. Nous conseillons
ainsi aux candidates et candidats de mettre à profit les
quelques instants de réflexion qui leur sont laissés pour
interroger les mots-clefs du sujet, afin de bien cerner
les enjeux, les tensions et les possibles implicites de
la situation. Étant donné le format de cette partie de
l’épreuve (réponse du candidat quasi immédiatement après
que la question lui a été soumise), le jury n’attend
évidemment pas une première réponse parfaite et achevée :
le dialogue entre le jury et le candidat est là pour
compléter les premières pistes proposées, les amender
s’il le faut, et le jury a valorisé les propos des
candidats qui ont su faire évoluer leur pensée, au fil
des questions, des remarques ou des propositions du jury.
Afin d’aider les candidats à se préparer au mieux à cette
partie de l’épreuve, le jury souhaite souligner par
ailleurs trois points importants. Tout d’abord, et c’est
sans doute le point principal, parfois préoccupant même :
les valeurs et les principes en jeu dans la situation
donnée ne sont pas toujours bien identifiés. Ainsi, pour
très rapide rappel et en renvoyant les candidats aux
ressources disponibles sur Eduscol, quelques mises au
point s’imposent. La neutralité est un devoir de tout
agent de la fonction publique mais ne s’applique pas aux
élèves ; la neutralité recoupe la question de la laïcité
mais l’un n’est pas synonyme de l’autre. La laïcité est,
de plus, très souvent convoquée à tort par les candidats,
comme une sorte de paratonnerre républicain permettant de
se sortir de toute mise en situation professionnelle
épineuse : elle n’interdit par exemple en rien d’étudier
en classe des œuvres entretenant un lien thématique,
historique, culturel avec la religion. Le jury a, de
plus, pu être surpris de constater une méconnaissance du
cadre juridique général. Ainsi, ce n’est ni la neutralité
de l’agent ni la laïcité qui condamnent les injures ou
discriminations racistes ou encore des propos
négationnistes, c’est la loi qui s’applique à tous les
citoyens. Si le jury n’attend évidemment pas des
candidats de compétences juridiques spécifiques, il
paraît raisonnable d’attendre de futurs enseignants
qu’ils puissent expliquer correctement aux élèves qu’ils
ont en charge les lois et principes fondamentaux de notre
société.
Deuxièmement, le jury souhaite mettre en garde les
candidats contre le recours abusif au débat, comme
solution passe-partout à tout conflit avec un ou des
élèves. Si la pratique du débat argumenté est
constitutive de la construction de l’esprit critique et
de la formation citoyenne, et si le débat en ce sens est
pratiqué à l’école, d’une part tout ne fait pas débat, et
c’est le rôle des professeurs de rappeler qu’on ne
négocie pas les valeurs ; d’autre part, la libre parole a
ses limites même en classe et l’enseignant doit se garder
de créer les conditions d’énonciation par les élèves de
propos qu’il ne pourrait assumer en tant que professeur.
Ainsi, le jury a pu parfois s’inquiéter de la proposition
de certains candidats d’organiser un débat (sans plus de
précisions) sur des sujets comme l’homophobie, le
négationnisme ou la violence conjugale. De tels sujets
sont l’objet de lois très claires et non négociables dans
le cadre scolaire. Un débat en classe sur ces sujets
invite et légitime, implicitement, la possibilité de
tenir des propos hostiles à certains droits établis, aux
individus ou catégories concernés. On ne peut donc que
conseiller aux candidats, s’ils souhaitent proposer un
débat, d’en vérifier la pertinence en prenant le temps de
formuler, au moins, la question initiale.
Enfin, le jury souhaite insister sur la nécessité pour
les futurs enseignants de se projeter comme faisant
partie d’une équipe. Un certain nombre de candidats a
tendance à vouloir régler seul toutes les situations, ce
qui, à tout le moins, n’est pas le plus efficace ; bon
nombre des candidats ne pensent, eux, qu’à informer le
chef d’établissement ou solliciter l’aide des autres
professeurs. Les candidats, et futurs enseignants donc,
gagneraient à penser plus souvent aux autres membres de
la communauté éducative (des C.P.E. aux parents, en
passant par exemple par les infirmiers scolaires) et,
parfois, aux interlocuteurs dont ils disposent au
rectorat. On signalera, au passage, concernant des mises
en situation portant de près ou de loin sur la laïcité ou
impliquant une question d’élèves sur des sujets
controversés, une certaine facilité quant à « l’appel au
collègue d’histoire ». Si le travail en équipe est
toujours souhaitable, le professeur d’histoire-géographie
n’est pas le seul garant de la laïcité dans
l’établissement, ni même de l’enseignement de l’EMC.
Renvoyer systématiquement les élèves, lorsqu’ils
s’interrogent sur tel ou tel fait, telle ou telle valeur,
vers le ou la collègue d’histoire-géographie, en plus de
faire peser sur ce dernier une lourde charge, donne
l’impression que la littérature est en total retrait du
monde et ne permet pas de penser ce dernier. Le rôle de
l’enseignant de français est au contraire de montrer aux
élèves ce que les textes permettent d’éclairer, de
comprendre ou d’interroger dans le fonctionnement de la
société. Et cela à partir d’une mobilisation raisonnée
des œuvres littéraires dans le traitement de situations
problématiques : les risques d’anachronismes, ou
d’instrumentalisation de la littérature doivent être pris
en considération. Trop de candidats ont de fait manifesté
un usage naïf de la littérature, réduite en quelque sorte
à de bons messages.
Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse.
(2023). Rapport du Jury. CAPES externe, CAFEP-CAPES et
3ème CAPES. Lettres. Session 2022.