9h30-10h55 : "La Littérature en péril"
11h10-12h30 : "L'oeuvre ouverte"
13h30-14h55 : Scènes de lecture
15h10-16h30 : La lecture littéraire
Soient les extraits des deux livres suivants :
- Sepúlveda, L. (1989). Le vieux qui lisait des romans d'amour. Éditions du Seuil.
- Pennac, D. (1992). Comme un roman. Éditions Gallimard.
Que vous inspire la lecture de ces deux extraits ?
Le monde que produit le texte littéraire narratif est un monde incomplet, même si certaines œuvres proposent des mondes plus complets que d'autres. Il serait plus juste de parler de fragments de mondes, constitués de parties de personnages et de dialogues, où des pans entiers de la réalité font défaut. Et, point essentiel, ces défaillances du monde de l'œuvre ne tiennent pas à un défaut d'information que le travail de recherche, comme en histoire, peut espérer combler un jour, mais un défaut de structure, à savoir que ce monde ne souffre pas d'une complétude perdue, faute d'avoir jamais été complet. De ce fait, le texte n'est pas lisible si le lecteur ne lui donne pas sa forme ultime, par exemple en imaginant consciemment ou inconsciemment, une multitude de détails qui ne lui sont pas fournis. Pour toutes ces raisons, il n'existe pas de texte littéraire indépendamment de la subjectivité de celui qui le lit. [...] C'est le lecteur qui vient achever l'œuvre et refermer le monde qu'elle ouvre, et il le fait chaque fois de manière différente.
Bayard, P. (1998). Qui a tué Roger Ackroyd ?. Les éditions de Minuit.
Soient les deux nouvelles suivantes :
Cortazar, J. (1959). "Continuité des parcs", Les Armes secrètes, trad. C. et R. Caillois, éd. Gallimard.
Borges, J. L. (1978). "Le Livre de sable". Le Livre de Sable.
La fin de chacune de ces nouvelles a été tronquée d'une ou plusieurs lignes.
1. Lisez les deux nouvelles.
2. Choisissez l'une de deux, imaginez et écrivez-en la ou les dernières lignes.
3. Selon vous, que nous dit chacun de ces textes sur la lecture ?
Il parait dès lors pertinent, à la suite de Picard, de définir la lecture littéraire comme une pratique double, comme le va-et-vient que tout lecteur peut établir entre les lectures participative et distanciée, et qui (r)établit un équilibre entre les droits du texte et ceux du lecteur. Cette définition que j’ai contribué, avec d’autres, à formuler et à diffuser, conçoit la lecture littéraire comme la combinaison de deux modes de lecture complémentaires : la lecture distanciée, analytique, interprétative, « savante », et la lecture participative, psychoaffective, référentielle, « ordinaire ». Il s’agit donc d’un modèle stratégique de la lecture, construit à des fins didactiques, qui vise à réconcilier et équilibrer les dimensions rationnelle et passionnelle et à prendre en compte par là la richesse effective du rapport à la littérature.
Dufays, J.-L. (2016). Comment et pourquoi développer la compétence de lecture littéraire ? Conférence de consensus. Cnesco.
L’enseignement du français en classe de seconde obéit à des finalités qui tiennent à la nature de ses objets principaux et à leur liaison consubstantielle : la langue et la littérature. Il est de ce fait en relation étroite avec les autres enseignements linguistiques, artistiques et culturels. [...] Il se donne également pour objectif de construire une culture littéraire structurée et d’en favoriser l’appropriation par les élèves. En ce sens, l’enseignement du français suppose que soit favorisée une pratique intensive de toutes les formes, scolaires et personnelles, de la lecture littéraire. Il permet la structuration de cette culture en apportant aux élèves une connaissance des formes et des genres littéraires, replacés dans leur contexte historique, culturel et artistique.
Ministère de l’Éducation Nationale. (2019). Programme de l’enseignement de français de la classe de seconde générale et technologique et de la classe de première des voies générale et technologique. Bulletin officiel spécial n°1 du 22 janvier 2019. https://www.education.gouv.fr/bo/19/Special1/MENE1901575A.htm
- Quel rapport au texte littéraire peuvent bien avoir construit les élèves de troisième à l'issue de quatre ans d'enseignement de la lecture littéraire ?
- Comment décrire les façons de lire et d'interpréter des élèves de troisième ?
- Les activités de lecture littéraire proposées au collège ont-elles permis aux élèves d'entrer dans les modes de penser spécifiques de l'écriture et la lecture littéraires où les dimensions symbolique et référentielle, éthique et esthétique se conjuguent sans pouvoir se distinguer ?
Bucheton, D. (1999). Les postures du lecteur. Dans P. Demougin et J.-F. Massol (dir.), Lecture privée et lecture scolaire. La question de la littérature à l’école. CRDP de Grenoble.
Des élèves de seconde ont travaillé en 2022 sur un extrait de Zadig, le récit du pêcheur, chapitre XVII.
Quelles notes mettriez-vous à ces copies, et pourquoi ?
1. Lisez les pages 7 à 9 de l'article : Goff, F. L. (2022b). Les postures de lecture, vingt ans après. Repères, 66, 45‑64. https://doi.org/10.4000/reperes.5387
2. Comment ces "postures de lecture" éclairent-elles les productions des élèves ?
Ces observations [...] montrent globalement l'échec de l'école pour préparer à égalité tous les élèves aux exercices scolaires de lecture du lycée et aux modes de lire qui leur sont afférents. Tout semble se passer comme si, pour l'essentiel, les postures de lecture lettrée requises au lycée se construisaient largement en dehors du collège. Ou, dit autrement, comme si elles trouvaient un écho seulement chez ceux qui y sont socialement préparés.
On est donc assez loin d'une réelle démocratisation de l'enseignement. On peut alors se demander [...] si les pratiques d'enseignement de la littérature au collège, telles qu'on les rencontre massivement, ne renforcent pas les difficultés des élèves de milieu socialement défavorisé, rendant difficile et douloureuse, voire impossible, la rencontre entre leurs pratiques culturelles socialement construites et les pratiques scolaires attendues au lycée.
Bucheton, D. (1999). Les postures du lecteur. Dans P. Demougin et J.-F. Massol (dir.), Lecture privée et lecture scolaire. La question de la littérature à l’école. CRDP de Grenoble.
Dans le corpus contemporain, on voit nettement se dessiner un profil de négociation et d’entretien du lecteur, réputé faible lecteur, éloigné d’une lecture distanciée, outillée qui aborde le commentaire sur deux versants : le commentaire est d’abord une affaire de compréhension de la fable ; l’action de commenter est équivalente à une démarche de compréhension littérale et de fidélité au texte. Le malentendu qui demeure vivace à la fin du cycle 4 du collège met crument en lumière la question essentielle de la position du lecteur vis-à-vis du texte. Sans être assuré de sa prise d’autonomie et préférant la sécurité, le lecteur qui n’a pas construit les codes de la lecture littéraire entretient l’idée problématique que le texte source et le métatexte partagent un même espace. Dans cette confusion des espaces, le lecteur est absent, ou bien – et c’est le deuxième versant – sa parole demeure périphérique, visible sur le mode non étayé de l’opinion et du jugement. Il y a vingt ans, Dominique Bucheton concluait en estimant que l’étude montrait « globalement l’échec de l’école pour préparer à égalité tous les élèves aux exercices scolaires de lecture du lycée et aux modes de lecture afférents » (2000, p. 213). Le corpus de 2020 n’introduit pas la contradiction : au contraire, il semble bien durcir les positions.
Goff, F. L. (2022). Les postures de lecture, vingt ans après. Repères, 66, 45‑64. https://doi.org/10.4000/reperes.5387
La conception de la lecture littéraire qui sous-tend notre propre recherche s’inspire également des travaux américains et québécois sur la posture transactionnelle [...]. Deux postures caractérisent le processus transactionnel : l'une, dite "esthétique", qui privilégie les impressions et les souvenirs de lecture, les réactions spontanées et de natures diverses, en d'autres termes, la subjectivité du lecteur ; l'autre, dite "efférente", qui vise à reprendre ses premières impressions pour en discuter et élargir son interprétation, ce qui favorise la mise à distance de ces impressions premières. Dans le premier cas est favorisé un échange entre le lecteur et le texte ; dans le second, un échange entre le lecteur et les autres lecteurs du texte. On passe ainsi d'un dialogue intérieur à un dialogue avec une communauté de lecteurs, des "transactions subjectives" du lecteur aux interactions sociales, et inversement.
Ahr, S. (2018). Former à la lecture littéraire. Réseau Canopé.
Le journal de lecteur est un support sur lequel, toute l'année, l'élève garde trace de ses lectures. Il impose des activités d'écriture régulières – presque ritualisées – sur les livres et sur l'activité du lecteur, dont il garde la mémoire. [...] Cependant, même s'il est consacré à la littérature et aux rapports personnels et originaux que l'élève entretient avec les œuvres littéraires, le journal de lecteur donne une priorité à la lecture littéraire en tant qu'activité et à ses répercussions sur le sujet lisant. Aucun journal de lecteur ne ressemble à un autre, puisque les lecteurs réagissent tous différemment à la lecture d'une œuvre littéraire. Le JdL est donc un cahier personnel, personnalisé, qui rend compte de la singularité d'un lecteur. Dans la relation triangulaire auteur/texte/lecteur, il permet de focaliser l'attention sur le lecteur et la manière dont il s'approprie les textes littéraires.
Le Goff, F., & Larrivé, V. (2018). Le temps de l'écriture. UGA Éditions. https://doi.org/10.4000/books.ugaeditions.1958
Observez les exemples proposés : ceux réalisés par des élèves de 6e, ceux par des élèves de 2nde, en 2024 et en 2025.
Quelles remarques vous inspirent-ils ?