INSPE ANGERS - FRANÇAIS

Didactique de l'écriture

Les brouillons

D'accord ? Pas d'accord ?

Il est certains esprits dont les sombres pensées

Sont d’un nuage épais toujours embarrassées ;

Le jour de la raison ne le saurait percer.

Avant donc que d’écrire apprenez à penser.

Selon que notre idée est plus ou moins obscure,

L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.

Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,

Et les mots pour le dire arrivent aisément.

Boileau, N. (1674). L'Art poétique, chant I.

Êtes-vous d'accord avec ces conseils ? Les donneriez-vous à vos élèves ?

Formes et utilisations des brouillons

Observez ces brouillons d'écrivains. Que nous apprennent-ils ?

Enrichir son texte

La réécriture apparait comme un moment essentiel. Or, souvent les élèves modifient peu leur texte initial. Un changement de support, sous la forme du GB (Le Goff 2011 ; Garcia-Debanc 2020) ménageant de grandes marges blanches, permet de susciter des opérations d'ajout, l'une des quatre opérations de la génétique textuelle (Garcia-Debanc 2018). [...] Le format du support particulier que constitue le GB, par l'espace de blanc qu'il ménage, suscite des opérations de réécriture plus nombreuses qu'à l'ordinaire. Un temps d'écriture et de réécriture régulier permet aussi aux élèves de prendre confiance dans leurs capacités à écrire et à réécrire.

Dupas, M. & Garcia-Debanc, C. (2022). S'approprier le fantastique en Quatrième par l'écriture de la peur : stéréotypes et lexique des émotions. Le français aujourd'hui, 216, 73-86.

Les modes d'écriture

Il existe deux grands modes dans les manières d'écrire : l'écriture à programme et l'écriture à processus. Le premier est attesté chez des auteurs dont la rédaction correspond à la réalisation d'un programme préétabli ; Zola en est un exemple type. Le second est représenté par des auteurs qui ne savent rien pour ainsi dire avant de se jeter dans l'aventure de la scription, toute l'invention est dans la main qui court sur le papier ; Proust en est un exemple type.

Grésillon, A. (1994). Éléments de critique génétique : Lire les manuscrits modernes. PUF.

Témoignages d'écrivains

"Quand il m'arrive de faire des plans, la partie est déjà perdue" (Döblin) ; "Quand je fais un plan précis pour un livre, je suis sûr de ne pas l'écrire. Pourquoi l'écrirais-je ? Je m'ennuierais" (Nossack) ; "Quant à moi, dès le départ, je ne sais que faire de constructions et d'idées. Je me fie beaucoup plus à ce que produit l'écriture elle-même [...]. À partir du moment où je sais trop de choses en commençant, écrire devient ennuyeux, et j'ai alors l'impression que ce n'est plus la peine de le faire puisque je sais déjà tout" (Martin Walser) ; "Il n'y a pas de plan [...], pas de structure conçue à l'avance... Pour aucun de mes livres. Si je savais où je vais, ce serait terminé en trois lignes" (Robert Pinget). Étonnante convergence de ces énoncés de romanciers du XXe siècle, – qui résonnent comme l'écho lointain d'un témoignage de Stendhal : "[...] si je fais un plan, je suis dégoûté de l'ouvrage", ou de George Sand : "Quand je commence un roman, je n'ai aucun plan ; ça s'arrange tout seul pendant que je griffonne".

Grésillon, A. (1994). Éléments de critique génétique : Lire les manuscrits modernes. PUF.

Les brouillons hybrides

Donner à l'élève l'opportunité de déplier son projet par l'ébauche qui scénarise, le croquis qui spatialise, le story-board ou des auto-consignes qui anticipent les "choses à faire", des listes de mots-témoins ou idées noyaux, semble une voie pour développer un projet à soi, et, in fine, pour proposer un brouillonnage multiforme, différent de l'image unique du brouillon raturé. [...] Pour un jeune écolier en difficulté, les modifications sont coûteuses dans un brouillon rédigé où il faut casser, au moyen de suppressions, de déplacements ou d'ajouts, les ligatures qui ont fixé les structures du texte. [...] Le dessin, le schéma, le croquis, le tableau à double entrée aident plus aisément à projeter une situation narrative, voire argumentative et explicative, dans des formes visuelles complétées au moyen d'archipels textuels qui les accompagnent. Ils assurent, aussi, grâce à la mémoire spatiale, un allègement cognitif qui permet dans de nombreux cas de convoquer plus efficacement l'expertise orthographique de l'élève, grâce au délestage cognitif du dessin.

Lumbroso, O. (2018). Le Brouillon, quelle utilisation pour quel résultats ? Ecrire et rédiger: comment guider les élèves dans leurs apprentissages? Conférence de consensus du CNESCO, p.24-33

Les brouillons hybrides

Lumbroso, O. (2010). En amont du brouillon rédigé : Nouveaux regards sur la planification du projet d'écriture de l'école au lycée. INRP.

Deux types de brouillons

Alcorta, M. (2001). Utilisation du brouillon et développement des capacités d'écrit. Revue française de pédagogie, volume 137.

Des fonctions différentes

Les fonctions des deux brouillons, linéaire et instrumental, ne sont pas les mêmes, ils n'agissent pas au même niveau du processus d'écriture. [...] Les jeunes scripteurs écrivent de façon linéaire, en utilisant la syntaxe du langage écrit de communication. [...] On peut constater, en observant ces jeunes scripteurs et en analysant leurs textes finaux, que le travail principal de leur production consiste à se rappeler les informations contenues dans le film, ils écrivent au fur et à mesure qu'ils récupèrent ces informations. [...] À partir du niveau 4e (13-14 ans), certains brouillons présentent une structure écrite différente. L'espace graphique est utilisé de façon bidimensionnelle, sous forme de listes de mots ou groupes de mots, la structure de phrases complètes disparaît, et des signes graphiques comme des numéros, des flèches qui ne sont plus des mots, apparaissent. [...] En opérant ainsi sur leurs brouillons, les scripteurs gèrent leurs textes à deux niveaux, d'abord ils planifient, organisent, hiérarchisent les informations avant de les rédiger.

Alcorta, M. (2001). Utilisation du brouillon et développement des capacités d'écrit. Revue française de pédagogie, volume 137.

Les écrits intermédiaires

Lisez le court texte de Chabanne, J.-C. & Bucheton, D. (2008). Les "écrits intermédiaires" pour penser, apprendre et se construire. Québec français, (149), 60–62.

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Prochain rendez-vous

Lundi 18 mars : Les réécritures

Vendredi 22 mars : Compte-rendus de lectures et analyse de données