9h-10h45 : le passage à l'écriture
11h-12h15 : la correction
13h15-14h45 : les réécritures
15h-16h15 : les écrits intermédiaires
Quel est le parcours suivi par un scripteur ? Quelles difficultés, quels obstacles, quels facilitateurs ? Proposez-en une représentation visuelle comme la Carte de Tendre.
Carte de Tendre ou Carte du Pays de Tendre, in Clélie (1654).
Observez ces brouillons d'écrivains. Que nous apprennent-ils ?
La réécriture apparait comme un moment essentiel. Or, souvent les élèves modifient peu leur texte initial. Un changement de support, sous la forme du GB (Le Goff 2011 ; Garcia-Debanc 2020) ménageant de grandes marges blanches, permet de susciter des opérations d'ajout, l'une des quatre opérations de la génétique textuelle (Garcia-Debanc 2018). [...] Le format du support particulier que constitue le GB, par l'espace de blanc qu'il ménage, suscite des opérations de réécriture plus nombreuses qu'à l'ordinaire. Un temps d'écriture et de réécriture régulier permet aussi aux élèves de prendre confiance dans leurs capacités à écrire et à réécrire.
Dupas, M. & Garcia-Debanc, C. (2022). S'approprier le fantastique en Quatrième par l'écriture de la peur : stéréotypes et lexique des émotions. Le français aujourd'hui, 216, 73-86.
"Quand il m'arrive de faire des plans, la partie est déjà perdue" (Döblin) ; "Quand je fais un plan précis pour un livre, je suis sûr de ne pas l'écrire. Pourquoi l'écrirais-je ? Je m'ennuierais" (Nossack) ; "Quant à moi, dès le départ, je ne sais que faire de constructions et d'idées. Je me fie beaucoup plus à ce que produit l'écriture elle-même [...]. À partir du moment où je sais trop de choses en commençant, écrire devient ennuyeux, et j'ai alors l'impression que ce n'est plus la peine de le faire puisque je sais déjà tout" (Martin Walser) ; "Il n'y a pas de plan [...], pas de structure conçue à l'avance... Pour aucun de mes livres. Si je savais où je vais, ce serait terminé en trois lignes" (Robert Pinget). Étonnante convergence de ces énoncés de romanciers du XXe siècle, – qui résonnent comme l'écho lointain d'un témoignage de Stendhal : "[...] si je fais un plan, je suis dégoûté de l'ouvrage", ou de George Sand : "Quand je commence un roman, je n'ai aucun plan ; ça s'arrange tout seul pendant que je griffonne".
Grésillon, A. (1994). Éléments de critique génétique : Lire les manuscrits modernes. PUF.
Donner à l'élève l'opportunité de déplier son projet par l'ébauche qui scénarise, le croquis qui spatialise, le story-board ou des auto-consignes qui anticipent les "choses à faire", des listes de mots-témoins ou idées noyaux, semble une voie pour développer un projet à soi, et, in fine, pour proposer un brouillonnage multiforme, différent de l'image unique du brouillon raturé. [...] Pour un jeune écolier en difficulté, les modifications sont coûteuses dans un brouillon rédigé où il faut casser, au moyen de suppressions, de déplacements ou d'ajouts, les ligatures qui ont fixé les structures du texte. [...] Le dessin, le schéma, le croquis, le tableau à double entrée aident plus aisément à projeter une situation narrative, voire argumentative et explicative, dans des formes visuelles complétées au moyen d'archipels textuels qui les accompagnent. Ils assurent, aussi, grâce à la mémoire spatiale, un allègement cognitif qui permet dans de nombreux cas de convoquer plus efficacement l'expertise orthographique de l'élève, grâce au délestage cognitif du dessin.
Lumbroso, O. (2018). Le Brouillon, quelle utilisation pour quel résultats ? Ecrire et rédiger: comment guider les élèves dans leurs apprentissages? Conférence de consensus du CNESCO, p.24-33
Les fonctions des deux brouillons, linéaire et instrumental, ne sont pas les mêmes, ils n'agissent pas au même niveau du processus d'écriture. [...] Les jeunes scripteurs écrivent de façon linéaire, en utilisant la syntaxe du langage écrit de communication. [...] On peut constater, en observant ces jeunes scripteurs et en analysant leurs textes finaux, que le travail principal de leur production consiste à se rappeler les informations contenues dans le film, ils écrivent au fur et à mesure qu'ils récupèrent ces informations. [...] À partir du niveau 4e (13-14 ans), certains brouillons présentent une structure écrite différente. L'espace graphique est utilisé de façon bidimensionnelle, sous forme de listes de mots ou groupes de mots, la structure de phrases complètes disparaît, et des signes graphiques comme des numéros, des flèches qui ne sont plus des mots, apparaissent. [...] En opérant ainsi sur leurs brouillons, les scripteurs gèrent leurs textes à deux niveaux, d'abord ils planifient, organisent, hiérarchisent les informations avant de les rédiger.
Alcorta, M. (2001). Utilisation du brouillon et développement des capacités d'écrit. Revue française de pédagogie, volume 137.
Lisez le court texte de Chabanne, J.-C. & Bucheton, D. (2008). Les "écrits intermédiaires" pour penser, apprendre et se construire. Québec français, (149), 60–62.
Qu'en retenez-vous ?
Lisez et corrigez les textes proposés (6e, 2016), issus du projet ECRISCOL.
Tout corriger dans une copie revient à demander à un élève de modifier toutes ses représentations fausses en même temps ; et on sait bien que, dans ce cas, il n’en modifie… aucune ! D’où l’importance de pratiquer une correction différenciée. Les erreurs qui correspondent aux objectifs visés seront simplement signalées (soulignées ou codées pour donner une idée du type d’erreur commise). On peut même fournir simplement une fiche relevant les types d’erreurs sans préciser à quel endroit ils ont été repérés. Il est nécessaire de rectifier directement les autres erreurs, celles qui ne correspondent pas aux objectifs immédiats. En effet, cela permet de ne pas laisser d’éléments erronés sur une copie tout en ne faisant travailler l’élève que sur ce qui est en relation directe avec les objectifs visés.
De Vecchi, G. (2021b). Evaluer sans dévaluer : Pour une pédagogie positive. Hachette Education.
L'enseignement du français [...] apparaît comme particulièrement castrateur et réducteur en la matière. Le bilan est assez alarmant : réduction des écrits en vigueur à la glose métatextuelle [...] ; non-prise en compte des élèves comme des sujets scripteurs autorisés et dont on ignore les pratiques scripturales extra-scolaires (du journal intime aux nouvelles technologies) ; méconnaissance de la variété des usages scripturaux et imposition subséquente de surnormes linguistiques [...] ... Il s'ensuit, comme le montrent les enquêtes, que la discipline dont on vante les finalités émancipatrices génère en fait de l'insécurité scripturale.
Petitjean, A. (2005). Écriture d'invention au lycée et acquisition de savoir et de savoir faire. Pratiques, 127(1), 75‑96.
L'écriture scolaire leur apparaît en partie étrangère à leur univers. Comme s'ils n'étaient pas tout à fait eux-mêmes, comme s'ils écrivaient sous la plume d'un autre qu'eux-mêmes, lorsqu'ils écrivent selon les règles et les usages scolaires. Écrire sous la plume d'un autre : l'enjeu est de taille. En effet, peut-on progresser en écriture, peut-on s'approprier celle-ci à des fins non seulement de transcription mais aussi d'élaboration des savoirs tant que l'on n'est pas tout à fait soi-même lorsqu'on écrit, tant que ce sentiment d'extériorité ne permet pas de s'impliquer réellement dans les écrits scolaires ?
Barré-De-Miniac C. (2012). Le rapport à l'écriture. In Les concepts et les méthodes en didactique du français. Presses Universitaires de Namur.
Raconter une histoire (qu’elle soit conte ou nouvelle, ou épopée…) ce n'est pas seulement obéir aux formes canoniques des genres (dont d’ailleurs on ne saisit au mieux que les stéréotypes), c'est donner du sens au monde, en organiser les significations par le biais de la métaphore narrative. Mettre en ordre un monde intérieur, ou bien justement se l’approprier, tisser des liens entre ce que je suis et ce que je sais, élaborer l’émotion, mettre au jour ce qui me tient à cœur. Ainsi, on passe parfois des heures et des heures depuis les petites classes à mettre en tableau et en fiches situation initiale, objet magique, adjuvants, opposants et autres complications11, et on garde peu de temps pour mettre au travail par l’écriture ce qui est au centre même des récits et qui en constitue le fondement anthropologique : les grandes angoisses, les désirs, révoltes, quêtes ambigües, contradictoires, toujours entravées, du bonheur et du pouvoir, de la fraternité et de l'obéissance filiale, de l'aventure et du besoin de sécurité, thèmes où toujours s'enchevêtrent ceux, puissants, de la vie et de la mort.
Bucheton, D., Chabanne, J.-C. (2002). Écrire en Zep : Un autre regard sur les écrits des élèves. Delagrave, CRDP.
Au cycle 3, les élèves s’engagent davantage dans la pratique d’écriture, portent davantage attention aux caractéristiques et aux visées du texte attendu. Les situations de réécriture et de révision menées en classe prennent toute leur place dans les activités proposées. La réécriture peut se concevoir comme un retour sur son propre texte, avec des indications du professeur ou avec l'aide des pairs, mais peut aussi prendre la forme de nouvelles consignes, en lien avec l’apport des textes lus. Tout comme l’écrit final, le processus engagé par l’élève pour l’écrire est valorisé. À cette fin sont mis en place brouillons, écrits de travail, versions successives ou variations d'un même écrit, qui peuvent constituer des étapes dans ce processus. L’élève acquiert ainsi progressivement une plus grande autonomie et devient de plus en plus conscient de ses textes.
Ministère de l'Éducation Nationale (2023). Programme du cycle 3.
Soit le texte de Lucie (Bourque, 1994). Proposez une ou plusieurs consignes de réécriture.
De la même manière qu'une phrase n'est pas constituée d'un tas de mots, mais que doivent être respectées des règles de leur agencement pour constituer une phrase syntaxiquement correcte, dont les grammaires essaient de rendre compte, un texte n'est pas une suite de phrases sans règle d'enchainement. Depuis la fin des années 1970, des linguistes, comme M. Charolles (1978) ou M.-J. Bèguelin (1992)3, s'appliquent à définir des règles de cohérence textuelle. Rappelons que l'étymologie du mot "texte" est "tissage", "tissu". Les pronoms personnels de reprise de troisième personne, le choix des temps verbaux, les connecteurs assurent ce que les linguistes appellent la cohésion du texte. Les marques de cohésion textuelle facilitent la compréhension des liens entre les phrases par le lecteur et guident son interprétation. Dans un récit, ces marques sont particulièrement importantes pour assurer le repérage des personnages, des lieux et de la temporalité. [...] La cohérence, elle, est un effet produit sur le lecteur, qui construit sa compréhension du texte en s'appuyant sur les marques de cohésion et en mettant en relation le contenu linguistique du texte et ses connaissances encyclopédiques et culturelles. La cohérence est donc l'effet d'un calcul interprétatif du lecteur.
Garcia-Debanc, C. (2022). Former les enseignant·es à l'évaluation de la cohérence/cohésion textuelle dans des textes narratifs. Pratiques, 195‑196.
En matière de fiction, deux choix d'amélioration se posent. 1. Réécrire, ou écrire de nouveau, par- dessus ce qui est déjà là, qui implique des manoeuvres de redressement, de correction, en tenant surtout compte de règles normées, que ce soient la cohérence, la grammaire, l'orthographe... 2. Récrire, ou écrire du nouveau, et qui engage une complicité avec ce qui se trouve déjà écrit, selon des manoeuvres d'exploration, d'exploitation et de fructification à l'endroit des mécanismes singularisant le texte. Si le premier choix, réécrire, commande chez qui s'y affaire une connaissance experte des codes et des règles, le second, récrire, exige une disponibilité de lecture associée à une compétence d'écriture susceptible de caractériser autant les habiletés de l'élève que les aptitudes de l'enseignant. Dès lors, puisque se trouve ici mise en cause une écriture particulière, celle du texte de fiction, le second choix, récrire, va pour au moins trois raisons, se montrer plus approprié. D'abord parce que, par nature, il cherche à fournir une amélioration qui s'adapte aux structures de texte déjà en place ; ensuite, en vertu du fait qu'il se montre soucieux d'opérer une intégration formelle et sémantique des fragments de texte retravaillés ; enfin, pour ce qu'il s'emploie à faire fructifier les mécanismes singularisant l'écriture qu'il convoite.
Bourque, G. (1994). Écrire, réécrire, récrire. Québec français, (93), 27–30.
L'enseignant est davantage celui qui crée des espaces pour l'investissement subjectif de l'élève, qui travaille avec le temps long pour permettre la maturation de la pensée et des apprentissages, la mise à distance des affects, qui prend appui sur le rôle décisif des interactions entre pairs. Il est un enseignant qui lit de manière curieuse et bienveillante, non les erreurs et les manques, mais cherche où le texte va, ses germes prometteurs, pour donner une nouvelle consigne permettant à l'élève de développer ou d'ouvrir d'autres pistes. [...] L'activité d'écriture, intense, a besoin d'arrêts, de reprises, de retours-modifications. Sa dynamique n'est ni linéaire ni facilement gouvernable. C'est aussi le temps de l'exploration, de l'ajustement, des problèmes de langue, de la digestion-appropriation de leçons...
Bucheton, D. (2014). Refonder l'enseignement de l'écriture. Retz.
Développer une relation esthétique entre auteur et lecteur suppose une modification du contrat didactique ordinaire. Dans le nouveau contrat, [...] on lit les textes des élèves, non comme des "productions" (manufacturées ?) mais comme des textes d'auteurs. On peut apprécier plus ou moins un texte d'auteur mais on ne le lit pas avec l'idée qu'il présente des dysfonctionnements. Dans le nouveau contrat, les pairs ne sont pas d'abord des évaluateurs mais un public mis à la disposition de l'auteur pour qu'il puisse tester l'effet produit de son écriture et lui permettre, si nécessaire, de mieux conscientiser ce qu'il a fait ou devrait faire.
Tauveron, C. (2001). L'écriture littéraire : une relation dialectique entre intention artistique et attention esthétique. Repères, recherches en didactique du français langue maternelle, n°26-27, 2002
La relecture peut se faire par étapes : identification des zones de doute. Afin d'aider l'élève à "activer" sa vigilance orthographique en autonomie, on peut, durant ce temps dédié à la relecture, inviter les élèves à identifier ce que Danièle Cogis nomme leurs "zones de doute", grâce à la consigne suivante : "À l'aide de votre crayon de papier, soulignez les mots ou les parties de mots pour lesquels vous n'êtes pas sûrs de vous." On peut tout à fait différencier le nombre de zones de doute à sélectionner. Pour les élèves en difficulté, sélectionner cinq zones de doute par exemple sera déjà très productif, bien plus que s'ils se mettaient à souligner chaque mot de leur écrit. On peut également différencier cette étape en limitant l'identification des zones de doute à quelques lignes de l'écrit. [...] Une fois ces zones de doute identifiées, on peut laisser un temps supplémentaire pour corriger les erreurs présumées. [...] Cette phase de correction peut se faire de manière individuelle , en binôme ou en groupe (trois ou quatre élèves maximum). [...] Identifier ses trois zones à risque en orthographe permet d'activer sa vigilance non sur toutes les sollicitations orthographiques d'un écrit mais sur des objectifs personnalisés, atteignables.
Risselin, K., En, A. J., & Busch, É. (2023). Travailler la maîtrise de la langue : faire progresser les élèves dans toutes les disciplines.
Exemples de situations, d’activités et d’outils pour l’élève : Réécriture de textes issus de la littérature ou de la presse afin de modifier leur orientation argumentative. [...] Repérage des temps verbaux et identification du système des temps utilisés ; réécriture de textes avec changement de temps.
Les élèves peuvent également examiner les résonances ou les écarts entre les œuvres antiques et les œuvres modernes et contemporaines ; ils peuvent constituer des collections d’œuvres, s’en inspirer pour des réécritures personnelles ou pour l’étude de transpositions modernes des vieux mythes (théâtre, cinéma, roman, poésie, etc.)
Ministère de l'Éducation Nationale (2020). Programme du cycle 4.