L'École des Femmes

Objet d'étude : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

Problématique : L'école des femmes, farce triviale ou grande comédie ?

Support : Molière, L'école des femmes, éd. Folio.

Exposés : les retournements de situation ; Arnolphe, soupirant ou tyran ; "l'école des femmes".

Séance 01

Molière et L'École des femmes

Oral

D'après les titres des pièces, quels sont les thèmes récurrents dans les pièces de Molière ?

Pistes

1659 : Les Précieuses ridicules

1660 : Sganarelle ou le cocu imaginaire

1661 : L'École des maris

1661 : Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux

1662 : L'École des femmes

1664 : Le Tartuffe

1665 : Dom Juan

1666 : Le Misanthrope

1666 : Le Médecin malgré lui

1668 : George Dandin

1668 : L'Avare

1669 : Monsieur de Pourceaugnac

1670 : Le Bourgeois Gentilhomme

1671 : Les Fourberies de Scapin

1672 : Les Femmes savantes

1673 : Le Malade imaginaire

Observation

Qu'est-ce que les couvertures suivants indiquent ou suggèrent sur la pièce de Molière ?

Séance 02

L'exposition

Notion

Observation

1. Quelles sont les deux informations importantes que nous donne cet extrait ?

2. Comparez les deux mises en scène.

Pistes

L'Ecole des femmes, I, 1, mise en scène de D. Bezace, festival d'Avignon, 2001 (10'-15') L'Ecole des femmes, I, 1, mise en scène de J. Lassalle, Théâtre de l'Athénée, Paris, 2001 (9'-14')

Séance 03

Le retour du maître

Recherche

Selon vous, comment faudrait-il mettre en scène cet extrait ?

Vous proposerez :

- un plan de scène indiquant disposition du décor et déplacements des personnages

- des indications précises quant au jeu des acteurs, aux jeux de scène, etc. Ces indications prendront la forme de votre choix (conseils, illustrations, etc.).

Pistes

Une proposition (13'45-17'15)

Arnolphe, Alain, Georgette, dans la maison

Alain

Qui heurte ?

Arnolphe, à part

Ouvrez. On aura, que je pense,

Grande joie à me voir après dix jours d'absence.

Alain

Qui va là ?

Arnolphe

Moi.

Alain

Georgette !

Georgette

Hé bien ?

Alain

Ouvre là-bas.

Georgette

Vas-y, toi.

Alain

Vas-y, toi.

Georgette

Ma foi, je n'irai pas.

Alain

Je n'irai pas aussi.

Arnolphe

Belle cérémonie

Pour me laisser dehors ! Holà ! ho ! je vous prie.

Georgette

Qui frappe ?

Arnolphe

Votre maître.

Georgette

Alain !

Alain

Quoi ?

Georgette

C'est monsieu.

Ouvre vite.

Alain

Ouvre, toi.

Georgette

Je souffle notre feu.

Alain

J'empêche, peur du chat, que mon moineau ne sorte.

Arnolphe

Quiconque de vous deux n'ouvrira pas la porte

N'aura point à manger de plus de quatre jours.

Ha !

Georgette

Par quelle raison y venir, quand j'y cours ?

Alain

Pourquoi plutôt que moi ? Le plaisant stratagème !

Georgette

Ôte-toi donc de là.

Alain

Non, ôte-toi, toi-même.

Georgette

Je veux ouvrir la porte.

Alain

Et je veux l'ouvrir, moi.

Georgette

Tu ne l'ouvriras pas.

Alain

Ni toi non plus.

Georgette

Ni toi.

Arnolphe

Il faut que j'aie ici l'ame bien patiente !

Alain, en entrant

Au moins, c'est moi, monsieur.

Georgette, en entrant

Je suis votre servante,

C'est moi.

Alain

Sans le respect de Monsieur que voilà,

Je te…

Arnolphe, recevant un coup d'Alain

Peste !

Alain

Pardon.

Arnolphe

Voyez ce lourdaud-là !

Alain

C'est elle aussi, monsieur…

Arnolphe

Que tous deux on se taise.

Songez à me répondre, et laissons la fadaise.

Hé bien, Alain, comment se porte-t-on ici ?

Alain

Monsieur, nous nous…

(Arnolphe ôte le chapeau de dessus la tête d'Alain.)

Monsieur, nous nous por…

(Arnolphe l'ôte encore.)

Dieu merci,

Nous nous…

Arnolphe, ôtant le chapeau de d'Alain pour la troisième fois, et le jetant par terre.

Qui vous apprend, impertinente bête,

À parler devant moi le chapeau sur la tête ?

Alain

Vous faites bien, j'ai tort.

Arnolphe

Faites descendre Agnès.

Molière, L'Ecole des femmes, I, 2, 1662.

Séance 04

Le jeune premier

Oral

Qu'est-ce qui vous paraît intéressant dans cet extrait ?

Notion : les emplois de la comédie

Bilan

Comment, au fil des scènes du premier acte, l'exposition s'est-elle faite ?

Prolongement

1. Quelle est l'origine et la définition du mot 'quiproquo'?

2. Proposez un exemple contemporain de quiproquo.

Quiproquo : méprise qui fait qu'on prend une personne ou une chose pour une autre.

Pistes

Devant sa maison, Arnolphe rencontre le fils d'un vieil ami et lui demande de ses nouvelles.

Horace.

Je vous avouerai donc avec pleine franchise

Qu'ici d'une beauté mon âme s'est éprise.

Mes petits soins d'abord ont eu tant de succès,

Que je me suis chez elle ouvert un doux accès ;

Et sans trop me vanter ni lui faire une injure,

Mes affaires y sont en fort bonne posture.

Arnolphe, riant.

Et c'est ?

Horace, lui montrant le logis d'Agnès.

Un jeune objet qui loge en ce logis

Dont vous voyez d'ici que les murs sont rougis ;

Simple, à la vérité, par l'erreur sans seconde

D'un homme qui la cache au commerce du monde,

Mais qui, dans l'ignorance où l'on veut l'asservir,

Fait briller des attraits capables de ravir ;

Un air tout engageant, je ne sais quoi de tendre,

Dont il n'est point de cœur qui se puisse défendre.

Mais peut-être il n'est pas que vous n'ayez bien vu

Ce jeune astre d'amour de tant d'attraits pourvu :

C'est Agnès qu'on l'appelle.

Arnolphe, à part.

Ah ! je crève !

Horace.

Pour l'homme,

C'est, je crois, de la Zousse ou Souche qu'on le nomme :

Je ne me suis pas fort arrêté sur le nom ;

Riche, à ce qu'on m'a dit, mais des plus sensés, non ;

Et l'on m'en a parlé comme d'un ridicule.

Le connaissez-vous point ?

Arnolphe, à part.

La fâcheuse pilule !

Molière, L'Ecole des femmes, I, 4, 1662.

Séance 05

Bilan d'étape

Recherche

Vous avez, pendant les vacances, lu les actes II et III de L'École des femmes.

Préparez, par deux, avec votre voisin, des réponses aux questions suivantes.

1. Molière a placé dans la bouche d'Arnolphe de nombreux monologues. On en trouve quatre dans les trois premiers actes. Où sont-ils placés ? Quel est leur intérêt ?

2. Cette pièce s'inspire d'une nouvelle intitulée La Précaution inutile. Ce titre pourrait-il convenir à la pièce ? Pourquoi ?

3. Qu'est-ce qui fait de cette pièce une comédie ? Justifiez vos arguments par des références précises.

4. Pourquoi, selon vous, Molière a-t-il appelé sa pièce L'École des femmes ? Appuyez-vous sur les dernières pages de III, 4.

Séance 06

La scène du ...

Lecture

1. Qu'est-ce qui, selon vous, fait l'intérêt de cette scène ?

2. Cette scène a suscité, dans une frange du public, une certaine indignation. Pourquoi, selon vous ?

Pistes

Notion : les bienséances ; l'obscène

Débat

Selon vous, le texte de Molière va-t-il trop loin avec ces allusions ? Pourquoi ?

Arnolphe

Oui. Mais que faisait-il étant seul avec vous ?

Agnès

Il jurait qu'il m'aimait d'une amour sans seconde,

Et me disait des mots les plus gentils du monde,

Des choses que jamais rien ne peut égaler,

Et dont, toutes les fois que je l'entends parler,

La douceur me chatouille et là dedans remue

Certain je ne sais quoi dont je suis toute émue.

Arnolphe, à part.

Ô fâcheux examen d'un mystère fatal,

Où l'examinateur souffre seul tout le mal !

(À Agnès.)

Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,

Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses ?

Agnès

Oh tant ! Il me prenait et les mains et les bras,

Et de me les baiser il n'était jamais las.

Arnolphe

Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?

(La voyant interdite.)

Ouf !

Agnès

Hé ! il m'a...

Arnolphe

Quoi ?

Agnès

Pris...

Arnolphe

Euh !

Agnès

Le...

Arnolphe

Plaît-il ?

Agnès

Je n'ose,

Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.

Arnolphe

Non.

Agnès

Si fait.

Arnolphe

Mon Dieu, non !

Agnès

Jurez donc votre foi.

Arnolphe

Ma foi, soit.

Agnès

Il m'a pris... Vous serez en colère.

Arnolphe

Non.

Agnès

Si.

Arnolphe

Non, non, non, non. Diantre, que de mystère !

Qu'est-ce qu'il vous a pris ?

Agnès

Il...

Arnolphe, à part.

Je souffre en damné.

Agnès

Il m'a pris le ruban que vous m'aviez donné.

À vous dire le vrai, je n'ai pu m'en défendre.

Arnolphe, reprenant haleine.

Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre

S'il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.

Agnès

Comment ? est-ce qu'on fait d'autres choses ?

Arnolphe

Non pas.

Mais pour guérir du mal qu'il dit qui le possède,

N'a-t-il point exigé de vous d'autre remède ?

Agnès

Non. Vous pouvez juger, s'il en eût demandé,

Que pour le secourir j'aurais tout accordé.

Arnolphe

Grâce aux bontés du Ciel, j'en suis quitte à bon compte.

Molière, L'Ecole des femmes, II, 5, 1662.

Séance 07

Le mariage selon Arnolphe

Oral

Selon vous, qu'est-ce que l'auteur cherche à montrer à travers ce texte ?

Pistes

Commentaire

Qu'est-ce qui, selon vous, fait l'intérêt de ce texte ? Par groupes de quatre, préparez une réponse argumentée en trois points que vous présenterez ensuite à l'oral.

Arnolphe

Je vous épouse, Agnès ; et, cent fois la journée,

Vous devez bénir l'heur1 de votre destinée,

Contempler la bassesse où vous avez été,

Et dans le même temps admirer ma bonté,

Qui, de ce vil2 état de pauvre villageoise,

Vous fait monter au rang d'honorable bourgeoise,

Et jouir de la couche3 et des embrassements

D'un homme qui fuyait tous ces engagements,

Et dont à vingt partis4, fort capables de plaire,

Le cœur a refusé l'honneur qu'il vous veut faire. [...]

Vous devez toujours, dis-je, avoir devant les yeux

Le peu que vous étiez sans ce nœud glorieux,

Afin que cet objet d'autant mieux vous instruise

À mériter l'état où je vous aurai mise,

À toujours vous connaître, et faire qu'à jamais

Je puisse me louer de l'acte que je fais.

Le mariage, Agnès, n'est pas un badinage5 :

À d'austères6 devoirs le rang de femme engage,

Et vous n'y montez pas, à ce que je prétends,

Pour être libertine7 et prendre du bon temps.

Votre sexe n'est là que pour la dépendance :

Du côté de la barbe est la toute-puissance.

Bien qu'on soit deux moitiés de la société,

Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité :

L'une est moitié suprême et l'autre subalterne ;

L'une en tout est soumise à l'autre qui gouverne ;

Et ce que le soldat, dans son devoir instruit,

Montre d'obéissance au chef qui le conduit,

Le valet à son maître, un enfant à son père,

À son supérieur le moindre petit Frère8,

N'approche point encor de la docilité,

Et de l'obéissance, et de l'humilité,

Et du profond respect où la femme doit être

Pour son mari, son chef, son seigneur et son maître.

Lorsqu'il jette sur elle un regard sérieux,

Son devoir aussitôt est de baisser les yeux,

Et de n'oser jamais le regarder en face

Que quand d'un doux regard il lui veut faire grâce.

Molière, L'Ecole des femmes, III, 2, 1662.


1. Heur : bonheur, chance.

2. Vil : bas, méprisable.

3. Couche : ici, lit.

4. Parti : ici, personne qu'Arnolphe pouvait épouser.

5. Badinage : jeu.

6. Austère : grave, sérieux, triste.

7. Libertin : Débauché, personne qui vit sans morale.

8. Frère : religieux dans un monastère.

Séance 08

La proposition subordonnée relative

Oral

1. Combien de phrases contiennent ces deux vers ? Combien de propositions ?

Bien qu'on soit deux moitiés de la société,

Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité [...].

2. Comment ces différentes propositions sont-elles reliées entre elles ?

Rappel

La phrase complexe

Observation

1. Observez les "que" dans les phrases suivantes. S'agit-il du même mot ? Pourquoi ?

a. "Le cœur a refusé l'honneur qu'il vous veut faire".

b."Bien qu'on soit deux moitiés de la société, // Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité"

c. "Votre sexe n'est là que pour la dépendance".

2. Pourquoi, dans les phrases suivantes, les propositions subordonnées commencent-elles par des pronoms relatifs différents ?

a. "Le cœur a refusé l'honneur qu'il vous veut faire".

b. "L'une en tout est soumise à l'autre qui gouverne".

3. Quelle différence entre les propositions subordonnées dans les phrases suivantes ?

a. "Le cœur a refusé l'honneur qu'il vous veut faire".

b. "Et vous n'y montez pas, à ce que je prétends, // Pour être libertine et prendre du bon temps."

Notion

La proposition subordonnée relative

Application

1. Étudiez les relatives dans les phrases suivantes :

Agnès

Il jurait qu'il m'aimait d'une amour sans seconde,

Et me disait des mots les plus gentils du monde,

Des choses que jamais rien ne peut égaler [...].

2. Même question.

Agnès

Il m'a pris le ruban que vous m'aviez donné. [...]

Arnolphe.

Mais pour guérir du mal qu'il dit qui le possède,

N'a-t-il point exigé de vous d'autre remède ?

Séance 09

L'École des femmes

Bilan

Sur l'ensemble de la pièce.

1. Combien de temps dure la pièce ? Où se déroule-t-elle ? Justifiez.

2. Retrouvez, dans les actes IV et V, les monologues d'Arnolphe.

3. Arnolphe est-il, selon vous, inquiétant ou comique ? Expliquez en vous appuyant sur le texte.

Notion

Le théâtre classique

Dissertation

Diderot, au XVIIIe s., écrit : "Le genre sérieux comporte les monologues ; d'où je conclus qu'il penche plutôt vers la tragédie que vers la comédie". Selon vous, la pièce L'École des femmes penche-t-elle vers la tragédie ?

Prolongement

Est-il, selon vous, important d'étudier une pièce comme L'École des femmes aujourd'hui ? Pourquoi ?

Évaluation

La passion d'Arnolphe

Commentaire

Vous commenterez ce texte en vous appuyant sur les axes suivants :

1. les stratégies d'Arnolphe pour perduader Agnès de l'aimer ;

2. une scène de comédie.

Pistes

Notes

1. Bec : ici, probablement : Baiser. Familier : nord de la France, Canada, Suisse. Donne-moi un petit bec. ➙ bécot, bise.

2. Leste : Qui a de la souplesse, de la légèreté dans ses mouvements. ➙ agile, alerte, vif. Marcher d'un pas leste, rapide.

3. Bouchonner : Frotter vigoureusement, frictionner. Bouchonner un cheval, frotter le poil de l'animal avec un bouchon de paille ou de foin.

Pendant la nuit, Horace a été rejoint par Agnès, qui s'est enfuie de la maison. Il fait noir. Horace confie la jeune femme à Arnolphe, qui ne le reconnaît qu'après le départ de son amant. Les deux personnages s'expliquent, et Arnolphe tente de persuader Agnès de l'aimer.

Agnès

Du meilleur de mon cœur je voudrais vous complaire :

Que me coûterait-il, si je le pouvais faire ?

Arnolphe

Mon pauvre petit bec1, tu le peux, si tu veux.

(Il fait un soupir.)

Écoute seulement ce soupir amoureux,

Vois ce regard mourant, contemple ma personne,

Et quitte ce morveux et l'amour qu'il te donne.

C'est quelque sort qu'il faut qu'il ait jeté sur toi,

Et tu seras cent fois plus heureuse avec moi.

Ta forte passion est d'être brave et leste2 :

Tu le seras toujours, va, je te le proteste ;

Sans cesse, nuit et jour, je te caresserai,

Je te bouchonnerai3, baiserai, mangerai ;

Tout comme tu voudras, tu pourras te conduire :

Je ne m'explique point, et cela, c'est tout dire.

(À part.)

Jusqu'où la passion peut-elle faire aller !

Enfin à mon amour rien ne peut s'égaler :

Quelle preuve veux-tu que je t'en donne, ingrate ?

Me veux-tu voir pleurer ? Veux-tu que je me batte ?

Veux-tu que je m'arrache un côté de cheveux ?

Veux-tu que je me tue ? Oui, dis si tu le veux :

Je suis tout prêt, cruelle, à te prouver ma flamme.

Agnès

Tenez, tous vos discours ne me touchent point l'âme :

Horace avec deux mots en ferait plus que vous.

Molière, L'Ecole des femmes, V, 4, 1662.

Évaluation

Le projet d'Arnolphe

Commentaire

Vous commenterez ce texte en vous appuyant sur les axes suivants :

1. Un monologue tragique ?

2. une scène de comédie.

Vous rendrez le plan complet + 2 paragraphes rédigés.

Pistes

Notes

1. Se mortifier : Soumettre (son corps, ses sens) à la souffrance. Mortifier sa chair. pronominal Elle se mortifiait. Faire cruellement souffrir (qqn) dans son amour-propre. ➙ blesser, froisser, humilier. Votre mépris l'a mortifié (➙ mortifiant).

2. Innocente : Ici : sans éducation, naïf.

3. Ce funeste écrit : la lettre reçue par Horace.

4. Empaumer : tromper (qqn) en le flattant. ➙ rouler.

5. Libertin : la lettre reçue par Horace.

6. Coiffé : Ici, attaché. Arnolphe s'est attaché à ses appas : ses qualités, sa beauté.

7. Souffleter : gifler.

8. Mon front exempt de disgrâce : on disait autrefois que le cocuage se voyait sur le front des maris trompés.

Horace vient d'apprendre comment, au nez et à la barbe de M. de la Souche, Agnès a réussi à lui faire parvenir une lettre, dans laquelle elle lui exprime son amour. Une fois Horace parti, Arnolphe se confie.

Arnolphe, seul.

Comme il faut devant lui que je me mortifie1 !

Quelle peine à cacher mon déplaisir cuisant !

Quoi ? pour une innocente2 un esprit si présent !

Elle a feint d'être telle à mes yeux, la traîtresse,

Ou le diable à son âme a soufflé cette adresse.

Enfin me voilà mort par ce funeste écrit3.

Je vois qu'il a, le traître, empaumé4 son esprit,

Qu'à ma suppression il s'est ancré chez elle;

Et c'est mon désespoir et ma peine mortelle.

Je souffre doublement dans le vol de son cœur,

Et l'amour y pâtit aussi bien que l'honneur.

J'enrage de trouver cette place usurpée,

Et j'enrage de voir ma prudence trompée.

Je sais que, pour punir son amour libertin5,

Je n'ai qu'à laisser faire à son mauvais destin,

Que je serai vengé d'elle par elle-même;

Mais il est bien fâcheux de perdre ce qu'on aime.

Ciel! puisque pour un choix j'ai tant philosophé,

Faut-il de ses appas m'être si fort coiffé6 !

Elle n'a ni parents, ni support, ni richesse;

Elle trahit mes soins, mes bontés, ma tendresse:

Et cependant je l'aime, après ce lâche tour,

Jusqu'à ne me pouvoir passer de cet amour.

Sot, n'as-tu point de honte? Ah! je crève, j'enrage,

Et je souffletterais7 mille fois mon visage.

Je veux entrer un peu, mais seulement pour voir

Quelle est sa contenance après un trait si noir.

Ciel, faites que mon front8 soit exempt de disgrâce ;

Ou bien, s'il est écrit qu'il faille que j'y passe,

Donnez-moi tout au moins, pour de tels accidents,

La constance qu'on voit à de certaines gens!

Molière, L'Ecole des femmes, III, 5, 1662.